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De l’utilité des fonctions dans l’horlogerie
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De l’utilité des fonctions dans l’horlogerie

mardi, 22 octobre 2013
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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7 min de lecture

Le 16e Congrès international de Chronométrie a mis en évidence l’inventivité des différentes marques intervenantes quant aux fonctions de leurs créations. Des fonctions qui ne répondent cependant pas toujours aux besoins réels des clients, parmi lesquels la précision. Dans ce domaine, un chercheur de l’EPFL a fait miroiter le Saint-Graal.

« Vous êtes contraint de maîtriser l’innovation pour sortir des nouveautés ! » Sous son air débonnaire, Jacques Jacot a délivré un véritable plaidoyer en faveur de l’analyse fonctionnelle. Invité du 16e Congrès international de Chronométrie (CIC), qui s’est tenu les 25 et 26 septembre dernier à Montreux, son discours était au cœur du thème de cette année : « Fonctions de la montre et du mouvement – Ergonomie, fonctionnalité et affichage ». Au milieu d’une dizaine de présentations de montres compliquées et de modules horlogers innovants, le professeur de l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) et président de l’Association suisse pour la recherche horlogère (ASRH) a tenu à rappeler l’importance de prendre en compte les besoins de l’utilisateur dans le développement d’un nouveau produit. Un aspect justement considéré par Simon Henein, intervenant au CIC comme titulaire de la Chaire Patek Philippe à l’Institut de microtechnique de l’EPFL à Neuchâtel (IMT-EPFL). L’adaptation de ses « mécanismes flexibles » à l’horlogerie pourrait à l’avenir considérablement améliorer la précision des montres et partant, ouvrir les portes d’un univers mécanique jusqu’ici inconnu.

Traiter les besoins

C’est en faisant rire aux éclats une salle pleine à craquer – près de 800 personnes – que Jacques Jacot a démarré son intervention. « Je n’ai rien à vendre ! a-t-il lancé. Je suis juste venu discuter avec vous. » Le professeur succédait en effet à une série de présentations, plus ou moins promotionnelles. À ces orateurs et à l’assemblée, il était simplement venu souligner la nécessité de « traiter les besoins des clients, de manière à les interpréter et les traduire en fonctions aptes à les satisfaire lors de tout développement d’un nouveau produit ». Évidente a priori, cette démarche ne l’est pourtant pas assez dans l’industrie horlogère suisse, selon Jacques Jacot : « Cette fameuse couronne que l’on trouve sur toutes les montres, si difficile à manipuler, qui permet pourtant de remonter le mouvement, de régler l’heure et la date, croyez-vous que le client l’ait vraiment demandée ? »

Pratiquée dans de nombreuses entreprises depuis les années 1960, l’analyse fonctionnelle place les besoins des futurs clients au centre des préoccupations des concepteurs de nouveaux produits. L’un des meilleurs exemples de l’histoire industrielle – et peut-être le premier – est celui de la naissance de la 2CV. Peu le savent, mais la petite Citroën recèle une innovation technologique révolutionnaire pour les années 1940 : en plus de ressorts et d’amortisseurs au niveau du châssis, chaque roue est dotée d’un cartouche métallique renfermant une masse d’inertie retenue par un ressort et baignant dans de l’huile. Ce dispositif simple permet facilement d’absorber les hautes fréquences, et donc d’assurer un minimum de vibration dans l’habitacle.

Un produit final innovant.
Un mémo savoureux

Ce résultat, les ingénieurs de Citroën ont cherché à l’obtenir suivant le cahier des charges du directeur de la marque, Pierre-Jules Boulanger, nommé en 1935. Ce mémo est suffisamment savoureux pour le retranscrire ici : « Faites étudier par vos services une voiture pouvant transporter deux cultivateurs en sabots, cinquante kilos de pommes de terre ou un tonnelet à une vitesse maximum de 60 km/h pour une consommation de trois litres d’essences au cent kilomètres. En outre, ce véhicule doit pouvoir passer dans les plus mauvais chemins, il doit être suffisamment léger pour être manié sans problèmes par une conductrice débutante. Son confort doit être irréprochable car les paniers d’œufs transportés à l’arrière doivent arriver intacts. Son prix devrait être bien inférieur à celui de notre Traction Avant. »

« C’est certainement cette histoire d’œufs qui a dû préoccuper le plus les ingénieurs », plaisante Jacques Jacot. La démonstration est cependant faite que d’une part le département de recherche et développement de Citroën a dû mettre sur pied une plate-forme technologique capable d’inventer un nouveau système de suspensions et que, d’autre part, les ingénieurs ont imaginé un produit final innovant : la mythique 2CV, sortie après la guerre en 1948, mais que l’on connaît aujourd’hui encore.

L’avantage d’une telle approche est double.
Simon Henein
De la voiture à la montre

« Eh bien, concevoir une suspension de voiture participe de la même démarche que celle de choisir un échappement de montre, conclut le professeur. On peut utiliser ce qui existe, ce que l’on sait faire, ou innover et proposer du jamais-vu. Il faut toutefois se demander ce que le client appréciera ! » Et si c’était une précision absolue ? Simon Henein pense pouvoir y parvenir. « En tout cas, en appliquant nos recherches à l’horlogerie, explique-t-il, rien ne nous empêche d’espérer faire mieux ! » Nommé en novembre 2012 directeur de l’Instant-Lab, le nouveau laboratoire en conception micromécanique et horlogère de l’EPFL installé à Microcity (Neuchâtel), le professeur est à la tête d’une dizaine de chercheurs. Sa spécialité : le développement de mécanismes flexibles utilisant l’élasticité des matériaux pour réaliser des articulations mécaniques. En d’autres termes, élaborer des dispositifs complexes usant de la propriété physique des ressorts à lames à se déformer dans certains axes tout en restant rigides dans d’autres pour reproduire les fonctions cinématiques des pivots, glissières, rotules, cardans, etc.

« L’avantage d’une telle approche est double, explique Simon Henein. Premièrement, l’on supprime de fait tout frottement et donc toute usure ; deuxièmement, les déplacements peuvent être ici précis au nanomètre. » Déjà appliqués à différents domaines comme la robotique ou les télescopes, les fruits de cette plate-forme technologique peuvent aujourd’hui trouver des applications dans l’horlogerie, et non des moindres : « En adaptant un anneau d’inertie à notre système, il est parfaitement envisageable de remplacer le balancier-spiral traditionnel d’une montre, révèle le chercheur. Sans forces de frottement solide, on peut espérer diviser par 10 la dissipation énergétique de l’oscillateur. Mais tout le mouvement serait alors à repenser. C’est comme si une voiture voyageait dans le vide, sans plus de résistance aérodynamique aucune. Le moteur serait alors complètement démesuré. »

À ceux qui disent que tout a été inventé en horlogerie mécanique, d’aucuns répondent que tout reste à faire. Au prix cependant d’importants efforts de développements technologiques, indispensables à l’avènement de produits innovants… et utiles aux clients.

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