« Tout ce qui brille n’est pas or », un adage qui s’adapte parfaitement aux métiers d’art. En effet, après la révolution mécanique née au tournant des années 2000, c’est au tour des techniques d’ornementation de se répandre comme une traînée de poudre dans le secteur horloger. L’application d’une technique rare sur un cadran suffit-elle pour décréter qu’il possède une réelle valeur artistique ? Sur un autre plan, peut-on considérer comme une miniature au sens propre un cadran où seule une infime zone présente cette décoration ? Libre à chacun de juger, mais une certitude demeure : le vrai connaisseur saura faire la différence, surtout si un discours qui promeut ces métiers d’art est fait en toute honnêteté.
Artiste-peintre, Dominique Vaucher participe pleinement à la vie de l’atelier d’art horloger de son mari, Olivier Vaucher. Pour elle, il est nécessaire de rééduquer l’œil du public. « Seule une minorité de connaisseurs perçoit le côté sensible de l’art, explique-t-elle. En effet, cette dimension donne toute son ampleur à une pièce. Car la réalisation technique n’est pas une fin en soi lorsque l’on souhaite exprimer le sublime, la beauté ou encore créer de la magie. »
Toucher juste
Directeur marketing du pôle horloger de Cartier, Thierry Lamouroux va dans le même sens. Il insiste auprès de ses équipes pour que, justement, les créatifs produisent des montres à forte valeur émotionnelle. « Pour obtenir une pièce distillant une vraie intensité, ces derniers doivent d’abord parfaitement connaître les possibilités et les contraintes d’une technique, dit-il. C’est à cette condition seulement qu’ils pourront toucher juste. Nous encourageons donc beaucoup les interactions entre les départements concernés pour fluidifier ces processus et garantir des résultats porteurs d’une vraie authenticité. »
« Créer, c’est se souvenir », confiait pour sa part le directeur du département Métiers d’art d’une grande Maison genevoise. Un adage sous-entendant que la véritable inspiration ne vient pas nécessairement de manière spontanée et que la technique en est le support. L’inspiration se nourrit d’expériences et d’influences patiemment intégrées qui resurgiront sous le crayon du créateur. « Louis Cartier n’envoyait-il pas ses stagiaires aux quatre coins du monde avec un carnet et un crayon et pour seule mission de capturer ce qui les marquait le long de leurs pérégrinations pour mieux s’en inspirer ? » ajoute Catherine Devincenti, gemmologue et experte en joaillerie.
Goûts sûrs et fins
Le subtil travail d’éducation ne fait donc que commencer pour les marques horlogères. En dehors de leur aura, de leur histoire, ou encore de leurs compétences, il s’agit désormais pour ces dernières de convaincre sur le terrain plus qu’immatériel de l’expression artistique. Et la tâche ne pourrait attendre. En effet, la clientèle asiatique, région du monde vitale pour l’horlogerie suisse, est déjà reconnue pour ses goûts particulièrement sûrs et fins dans ce domaine.