Pour Hermès, le temps, au-delà de toute interprétation philosophique, est avant tout chose intime. À chacun sa propre perception d’un environnement qui dicte des rythmes biologiques sur des tempos forcément propres à chaque individu. Au sein de la Maison, cela se traduit par Le Temps de l’Imaginaire, soit une collection de montres qui expriment parfaitement cette vision d’un monde aux contours parfois imprécis. Cette approche s’était déjà exprimée en 2008 avec la Cape Code Grandes Heures ayant pour particularité d’être dotée d’une aiguille des heures à vitesse variable.
En d’autres termes, selon les moments de la journée, le décompte des heures se fait sur un mode adagio, marquant les moments de plaisir et de détente, ou alors sur un mode accelerando pour ces instants de vie professionnelle intenses, les espaces entre les index étant répartis de manière inégale afin de respecter cet écoulement insolite du temps. Cette première interprétation horlogère d’une Maison pour laquelle les complications se doivent d’être non conventionnelles était basée sur un calibre ETA équipé d’un module additionnel réalisé par feue la société BNB Concept. Quelques années plus tard, une nouvelle version entièrement revisitée voyait le jour, plus fine et cette fois dotée d’un module mis au point par Dubois Dépraz.
Ludique et poétique
Hermès n’allait toutefois pas s’arrêter en si bon chemin. En 2011, la marque présentait Le Temps Suspendu, une montre incarnant parfaitement les vers d’Alphonse de Lamartine dans Le Lac : « Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! / suspendez votre cours : / Laissez-nous savourer les rapides délices / Des plus beaux de nos jours. » Grâce à un savant mécanisme triple rétrograde mis au point par Jean-Marc Wiederrecht, fondateur de la société Agenhor, sur pression d’un poussoir, les aiguilles des heures et des minutes viennent s’immobiliser autour de midi, indiquant une heure improbable, tandis que celle du quantième disparaît sous le cadran. Une seconde pression suffit pour que la date et l’heure s’affichent à nouveau, quelle que soit la durée du temps écoulé : une minute, un jour, une éternité…
Forte de ces deux premières réalisations, Hermès revient cette année à Baselworld avec une nouvelle pièce aussi ludique qu’allégorique : la Dressage L’heure masquée. « Facétieuse, l’aiguille des heures se cache sous celle des minutes à la marche ininterrompue et n’apparaît que sur pression du bouton-poussoir intégré à la couronne », explique-t-on chez Hermès. Cette même pression dévoile également un second fuseau horaire positionné dans un guichet à 6 h grâce à un cache amovible. À peine la pression sur le poussoir se relâche-t-elle, heure et second fuseau horaire disparaissent à nouveau pour une lecture du temps qui redevient nettement plus aléatoire. L’ingénieux jeu de râteau, pignon et rouages à la base de cette complication qui prend la forme du mouvement H1925 à remontage automatique breveté est cette fois dû à Vaucher Manufacture. « Chez Hermès, nous partons du principe que le temps est un ami, expliquait le CEO de La Montre Hermès Luc Perramond, rencontré par Worldtempus dans le cadre de Baselworld 2014. Avec l’heure masquée, nous sommes en plein dans l’innovation et la singularité. Innovation parce que ce module horloger a été créé de toutes pièces. Singularité parce qu’il s’agit ici de jouer avec le temps, d’interagir avec l’affichage de sa course. Je crois qu’aujourd’hui nous sommes les seuls à montrer le temps de cette manière. » Personne en effet n’attend Hermès sur le terrain du quantième perpétuel. Pour la Maison, la technique horlogère est au service de ses visions poétiques. Qui s’en plaindrait ?