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Le Japon, incontournable sur la carte horlogère mondiale
Histoire & Pièces d'exception

Le Japon, incontournable sur la carte horlogère mondiale

vendredi, 21 mars 2014
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Grégory Gardinetti
Expert et historien en horlogerie

“Il y a la même différence entre les savants et les ignorants qu’entre les vivants et les morts.”

Aristote

Entres expositions thématiques menées à Mexico, Moscou ou Tokyo, conférences autour du globe et articles thématiques, le temps prend toute sa mesure.

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6 min de lecture

Dès la fin du XIXe siècle, le Japon s’est doté d’une industrie horlogère de premier plan. Le 150e anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et le Japon fêté cette année donne l’occasion de revenir sur ce formidable essor qui n’est pas sans avoir croisé celui de la production helvétique.

Après une longue période d’isolationnisme, c’est en 1853 que le Japon ouvre ses frontières au commerce international. Le pays devient tout à coup une nouvelle terre de conquête commerciale. À tel point qu’en 1860 l’Union horlogère (UH), qui regroupe une cinquantaine de fabricants horlogers des « Montagnes neuchâteloises », décide d’ouvrir un comptoir à Yokohama. Cette période de transition entre l’ère féodale « Edo » et l’ère moderne « Meiji » n’en est pas moins une période difficile pour les exportations horlogères suisses. Le système d’heures égales entre elles tel que reconnu en Occident n’a en effet pas cours au Japon. Dès lors, les montres suisses sont davantage considérées comme des objets d’apparat, symboles d’une certaine maîtrise mécanique. Pour ce qui est d’afficher l’heure, c’est une tout autre chose. Le constat d’échec s’impose rapidement : la demande horlogère est si faible que le comptoir de l’UH ferme ses portes en juillet 1863. Ce qui n’a toutefois pas empêché son président Aimé Humbert, mandaté par le Conseil fédéral helvétique pour conduire une mission diplomatique au Japon, de conclure en 1864 un traité d’amitié et de commerce avec le gouvernement d’Edo, un traité célébré en cette année de 150e anniversaire de relations diplomatiques entre les deux pays.

Il faudra attendre 1873 pour que le Japon adopte le calendrier grégorien, soit environ trois siècles après la France. Une réforme accompagnée par l’adoption d’un décompte du temps en 24 heures égales entre elles. Conséquence : la montre change radicalement de statut pour devenir un objet fonctionnel et utile, d’autant que le réseau ferroviaire nippon en plein développement nécessite désormais de tels artefacts. Mieux encore, la croissance économique du pays en cette fin de siècle contribue à doper l’importation d’horlogerie helvétique. Rappelons toutefois que seuls quelques marchands généralistes suisses possèdent des comptoirs sur l’archipel et que le négoce horloger ne représente qu’une petite partie de leur chiffre d’affaires. Qu’à cela ne tienne, la démocratisation de l’usage de la montre au tournant des années 1900 pousse la demande. De nouveaux négociants s’installent dans le pays et les importations directes par de grands marchands locaux prennent leur envol.

Naissance d’une industrie

En parallèle aux importations horlogères suisses qui occupent la quasi-totalité du marché, l’industrie japonaise va se développer. L’Osaka Watch Manufacturing Co. est fondée en 1889. Issue de la société nippo-californienne Otay Watch, elle est la première à fabriquer en série des montres de poche. L’horloger et bijoutier Hattori Kintaro, dont le premier atelier de réparation, situé à Ginza, date de 1877 et sa première échoppe de 1881, fonde la Seikosha Clock Factory en 1892, aujourd’hui Seiko. La firme se consacre alors à la production d’horloges murales avant de se lancer dans la production de montres de poche dès 1895.

La décennie va se révéler d’une richesse peu commune en création de nouvelles entités horlogères au rang desquelles Aichi Clock & Electrical Instrument, Meiji Clock, Owari Precision Watch Manufacturing ou encore Pocket Watch Manufacturing. Dopé par un protectionnisme douanier adopté en 1899, le Japon se dote de sa propre production, qui va rapidement supplanter les importations horlogères étrangères. La Laurel, première montre-bracelet de la Maison Seiko, naît en 1913 et la Citizen Watch Co. est créée cinq ans plus tard. L’industrie horlogère japonaise est en pleine expansion ; elle va prospérer jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, dont les ravages vont quasiment l’anéantir.
Mais le Japon va se reconstruire, horlogerie comprise. L’année 1947 voit ainsi la création de l’Association horlogère japonaise ainsi que le début des exportations mondiales d’horloges et montres nipponnes. Le dépôt d’un plan quinquennal de relèvement de l’industrie horlogère par le Bureau de stabilisation économique l’année suivante complété par un programme triennal d’automatisation mécanique relancent la production. À l’aube de la guerre de Corée (1950-1953), la production horlogère de garde-temps à l’empire du Soleil levant atteint un niveau de qualité à la hauteur des exigences du marché mondial. La guerre de Corée tout comme celle du Vietnam (1964-1975) vont d’ailleurs faire de la branche horlogère japonaise l’une des plus grandes exportatrices de montres de son époque.

Du quartz au mécanique

Mais vers les années 1980, l’horlogerie mécanique atteint ses limites. L’horloge électrique d’abord, celle à quartz ensuite, et atomique enfin, vont peu à peu contribuer à l’avancement des recherches sur le fractionnement de la seconde et conduire en 1967 à une nouvelle définition. En fonction de cette nouvelle approche de la mesure du temps, Seiko dévoile sa première montre-bracelet à quartz, l’Astron, le jour de Noël 1969. Son homologue suisse, la Bêta 21, dont le premier prototype date de 1966, fera son entrée sur le marché sous la forme d’une montre complète à la Foire horlogère de Bâle un an plus tard. Dès lors, le monde horloger tourne le dos à sa tradition mécanique pour se diriger vers l’énergie électrique. Une évolution qui n’a pas été sans causer de lourdes pertes au sein d’un secteur horloger helvétique bientôt forcé de suivre l’exemple du Japon, passé maître en matière de montre électronique.

La suite de l’histoire est largement connue. Dès les années 1980-1990, les amateurs, collectionneurs et esthètes veulent revenir à l’horlogerie mécanique de tradition. Le Japon ne manquera pas à l’appel, non sans cette touche technologique qui lui est propre. La Seiko Kinetic de 1988, par exemple, représente l’union de l’électrique et du mécanique. Pour cette montre-bracelet à quartz classique, le courant de la pile est fourni par un système issu du remontage automatique traditionnel des montres mécaniques. Ainsi, chaque mouvement du poignet de l’utilisateur va produire un effet comparable à celui d’une dynamo afin de recharger la batterie qui alimente le garde-temps. À l’instar de l’industrie horlogère européenne, le Japon connaît une renaissance de l’horlogerie mécanique dès la fin du XXe siècle. La Grand Seiko, fleuron de la marque depuis 1960, distribuée en Europe pour la première fois en 2007, représente précisément ces valeurs. En un mot, les gardiens de la mesure du temps « made in Japan » sont aujourd’hui comme autrefois prêts à relever le gant face aux plus grands noms de l’horlogerie traditionnelle helvétique. En tout bien tout honneur, comme il se doit.

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