Les travaux du campus horloger de Richemont à Meyrin, aux portes de Genève, ont débuté l’an dernier. Le Groupe, qui investit CHF 100 millions dans ces infrastructures horlogères, compte y employer quelque 1’000 personnes à l’horizon 2020, dont la moitié de postes à créer. Ce site se trouve à une encablure des capacités de production dévolues à Louis Vuitton, que LVMH inaugurait l’automne dernier. Investissements : CHF 20 millions dans la rénovation de bâtiments qui abritent désormais une centaine de collaborateurs dont ceux de La Fabrique du Temps, rachetée en 2011. Ces deux projets sont maintenant suivis par celui que vient d’annoncer Patek Philippe, soit une extension de sa manufacture devisée à CHF 450 millions, la fin des travaux étant prévue pour 2018.
Un groupe nommé Richemont
Avec ces réalisations d’envergure et nonobstant le ralentissement enregistré dans la croissance des exportations de la branche depuis deux ans, l’horlogerie est en train de connaître un nouvel essor en terre genevoise. Un canton suisse qui a déjà connu une formidable vague d’expansion de cette industrie ces 20 dernières années au point de constituer aujourd’hui un bassin d’emploi de quelque 10 000 personnes, le troisième de la branche après Neuchâtel et Vaud, avec de gros employeurs comme, notamment, Rolex, Chopard ou Harry Winston. En d’autres termes, vu l’exiguïté du territoire, la concentration horlogère est particulièrement dense à cette extrémité du lac Léman.
Le groupe Richemont y est certainement pour quelque chose. Avec ses quartiers généraux situés à une dizaine de kilomètres du centre-ville, la multinationale a largement déployé ses ailes dans la région, développant des capacités de production pour plusieurs de ses Maisons. Piaget et Vacheron Constantin sont ainsi installés dans des manufactures érigées il y a peu et dont les agrandissements sont déjà programmés. Roger Dubuis, fondé en 1995 et repris par le Groupe en 2008, est solidement ancré à Genève. Sans oublier Cartier, dont une grande partie des pièces de Haute Horlogerie sont estampillées du Poinçon de Genève et qui dispose, de ce fait, d’ateliers dans la cité de Calvin. Ce qui sera bientôt le cas pour Van Cleef & Arpels. Le « catalogue » ne serait d’ailleurs pas complet sans mentionner Baume & Mercier, installé au siège même du Groupe, et la manufacture Stern, spécialiste des cadrans qui sera partie intégrante du futur campus.
Un âge d'or concomitant au SIHH
Avec ces implantations qui n’ont cessé de s’étoffer au fil des ans, Richemont consacre toute l’importance de Genève comme l’un des berceaux historiques de l’horlogerie helvétique. La Révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685 a certainement été un facteur prépondérant dans l’implantation de cette activité. Mais si l’horlogerie est effectivement née à Genève avec la Réforme, elle n’a cessé de se développer depuis. Durant le XVIIIe siècle, la production annuelle de montres sur le territoire a ainsi passé de quelque 5 000 pièces à 40’000 montres en or et 45’000 en argent à la veille de la Révolution française. À cette époque, près de 6 000 personnes étaient actives dans le secteur à Genève et dans les environs, soit plus de 40 % des emplois répertoriés dans la région. L’horlogerie genevoise mettra plusieurs décennies à se relever des conséquences de la Révolution française, notamment en raison du blocus imposé sur les exportations du pays. Mais vers la fin du XIXe siècle, cette activité retrouve son lustre d’antan et commence à essaimer le long de l’arc jurassien. Même la crise du quartz, certes funeste pour nombre d’entreprises de la branche durant les années 1980, n’a pas réussi à gommer l’excellence horlogère genevoise, qui, depuis deux décennies, est en plein renouveau.
Ce nouvel âge d’or coïncide en tous points avec la création et la montée en puissance du Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), le rendez-vous des enseignes du groupe Richemont, qui souffle cette année ses 25 bougies avec, toujours à son bord, Audemars Piguet, Greuble Forsey, Parmigiani, Ralph Lauren et Richard Mille, portant à 16 le nombre de Maisons exposantes. Signe des temps, il y a quelques années, seules quelques marques horlogères tentaient le déplacement sur le sol genevois pour exposer leurs nouveautés en marge du SIHH. Aujourd’hui, on en dénombre une cinquantaine. Le Salon, volontiers considéré comme un schisme à ses débuts, a depuis su imposer sa vision et son caractère comme une marque de fabrique. Il a également eu le mérite de repositionner Genève sur la carte internationale de l’horlogerie de prestige. Une place qui, historiquement, lui revient de plein droit.