Si l’art du squelettage en horlogerie est très ancien, il a été remis au goût du jour il y a une dizaine d’années par de nouveaux venus qui entendaient dépoussiérer cette technique de mise à nu du mouvement mécanique. D’abord élément purement décoratif, le squelettage ou l’art d’évider les ponts et platines des mouvements a non seulement évolué en fonction notamment des nouveaux procédés de fabrication des composants, mais il a totalement muté. Le SIHH 2015 nous en donne une nouvelle illustration de même qu’il confirme que la squelettisation des mouvements est bel et bien en vogue. Au point que certains fabricants ne maîtrisant pas cet art se contentent d’ajourer le cadran pour donner la dénomination squelette à leur montre…
Fenêtre sur composants
Finie l’époque des ponts et platines légèrement évidés, on est entré dans l’ère du striptease quasi intégral ! Et force est de constater que rarement un procédé ancien se sera transformé au point de devenir le fer de lance de l’horlogerie contemporaine audacieuse. Ou comment faire du sexy neuf avec du vieux. A ce petit jeu, Roger Dubuis n’a pas été le moindre acteur puisque la marque a rapidement exploré cette voie en faisant du squelettage une véritable signature. En réalité, les procédés mis en œuvre chez Roger Dubuis modifiaient totalement l’idée même du squelettage, puisqu’au lieu d’évider un mouvement existant (en prenant soin de ne pas modifier l’ossature et sa résistance), on a choisi de concevoir et d’imaginer le squelette dès les premières esquisses de création d’un nouveau mouvement. Cela permet naturellement plus de souplesse, un parfait calcul des forces en jeu sur l’architecture du mouvement et, surtout, des calibres construits et vus véritablement en trois dimensions. En résumé, aux graveurs ont succédé les angleurs et les visions en 3D. C’est d’ailleurs sur cette thématique du squelette que Roger Dubuis présente ses nouveautés 2015, dont la nouvelle Excalibur Spider Tourbillon Volant Squelette.
D’autres acteurs ont largement contribué à l’intérêt actuel pour des mouvements aériens et architecturés. On pense notamment à Richard Mille qui a entraîné nombre de concurrents dans sa troisième dimension et ses plongées dans le mouvement. Lointain descendants des squelettes à l’ancienne, ces calibres relèvent d’une conception moderne de l’horlogerie, tout en transparence pour laisser parler la mécanique. Paradoxalement, la RM 51-02 Tourbillon Diamond Twister présentée cette année s’amuse de cette transparence, en partie réduite par un feu d’artifice de diamants.
L'honneur est sauf
Cartier a aussi beaucoup exploré cette voie consistant à concevoir dès le départ des mouvements pour être des calibres squelettes. Au point que les ponts ajourés servent parfois en même temps d’index, selon un concept breveté par la marque. Une manière de procéder qu’exprime parfaitement la nouvelle Rotonde Astrotourbillon.
Traditionnellement le squelette était plutôt le fait de mouvements extra-plats, et plusieurs manufactures continuent d’innover dans ce domaine, jusqu’à sertir le mouvement extra-plat squelette. C’est le cas de Piaget qui a présenté ces dernières années plusieurs références en la matière, à l’image du calibre 1200D, premier mouvement automatique squelette serti dévoilé en 2013. Mais là encore on ne travaille plus le squelette comme autrefois, car les volutes et autres arrondis ont laissé place à des géométries toujours aussi complexes (dont les angles rentrants, toujours délicats à angler), mais laissant s’exprimer des surfaces horizontales décorées relativement importantes qui donnent à ces pièces leur force et leur caractère. Piaget travaille aussi l’art du squelettage sur des pièces plus complexes, à l’instar de l’Emperador Coussin 1270S, un tourbillon automatique extra-plat présenté cette année. Les deux références Tonda 1950 Squelette présentées cette année par Parmigiani Fleurier expriment cette approche vers des mouvements squelettes extra-plats… mais contemporains ! A noter tout particulièrement la version féminine, qui joue la semi- transparence grâce à un verre saphir sablé. On devine plutôt qu’on ne voit. Cette montre-là ne s’est pas mise totalement à nu ; l’honneur est sauf.
Article paru dans le WtheJournal.com