De plus, ces usines ne font généralement pas de différenciation entre producteurs si bien que les lingots d’or sont obtenus à partir de métaux de provenance variée rendant toute traçabilité impossible. « Il existe des parois imperméables dans la chaîne d’approvisionnement de l’or destiné à la joaillerie, expliquait récemment Assheton Carter, conseiller de Wal-Mart et expert de Conservation International, une ONG qui défend la biodiversité. En d’autres termes, il est impossible de savoir si votre or provient d’une compagnie responsable comme Rio Tinto ou Newmont ou alors d’une mine qui fait travailler les enfants en Sierra Leone. »
Wal-Mart et Tiffany mènent la charge
C’est précisément pour tenter de mettre de l’ordre dans cet imbroglio préjudiciable que plusieurs compagnies ont décidé de réagir. Wal-Mart, premier détaillant mondial, a ainsi décidé de travailler pour ses approvisionnements en or et en argent avec Kennecott et Newmont Mining, deux sociétés minières respectueuses de l’environnement et dont les travailleurs sont syndiqués. Et comme Wal-Mart ne crée pas ses propres bijoux, il a inclus dans le processus Richline Group, entreprise appartenant à Berkshire Hathaway, société d’investissement de Warren Buffett, d’accord de « jouer le jeu ». Pour y parvenir, Richline a mandaté une start-up anglaise Historic Future spécialisée dans les systèmes de traçabilité destinés aux chaînes d’approvisionnement. Résultat : les acheteurs de la ligne de bijoux « Love, Earth » de Wal-Mart peuvent désormais remonter aux origines de l’or porté à leur cou.
Tiffany, autre pionnier dans la traque de l’or sale, a commencé dans les années 90 à faire le ménage, « même si notre engagement était considéré par l’industrie minière au complet comme suspect, stupide, voire même complètement insensé », selon les propos de Michael Kowalski, CEO de la compagnie. Tout a en fait commencé avec les diamants du sang. « Honte sur nous et sur toute l’industrie joaillière, s’exclame Michael Kowalski. Le réveil avait clairement sonné. » Pour résoudre son problème de traçabilité, Tiffany se fournit désormais exclusivement en or provenant de la mine Bingham Canyon dans l’Utah, la plus grande au monde jamais creusée par l’homme qui produit quotidiennement 1’400 onces de métal jaune par jour (43,4 kg). Bingham Canyon est exploitée par Kennecott Copper, une compagnie œuvrant selon de stricts critères éthiques. « Remettre la Maison Tiffany en ordre est une chose, poursuit Michael Kowalski. Mais cela ne résout par le problème d’un approvisionnement responsable dans l’ensemble de l’industrie joaillère. »
Début du processus
De fait, un tel résultat n’est de loin pas acquis. L’objectif de Wal-Mart, par exemple, est de s’approvisionner en pierres et métaux précieux « éthiques » pour 10% de l’ensemble de ses besoins d’ici fin 2010. Autre exemple : Oro Verde en Colombie, une coopérative récemment mise en exergue pour son engagement à ne pas utiliser de mercure dans l’extraction des métaux et à réhabiliter les terres utilisées. Si les clients sont en effet prêts à payer l’or et le platine raffinés d’Oro Verde 15% plus cher que les cours du London Metal Exchange (bourse des matières premières), notamment pour financer des programmes sociaux, ils n’ont que 6 kilos de métal jaune à se partager par année. Idem pour Cartier qui défend également l’or éthique. La Maison s’approvisionne désormais auprès de la mine Eurocantera au Honduras, une exploitation qui défend les valeurs sociales et environnementales, pour… 5% de ses besoins. On le comprend le chemin sera long et parsemé d’embûches. Mais du sommet de la montage, la vue n’en sera que plus belle.