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4e Forum de la Haute Horlogerie – Le temps, une richesse...
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4e Forum de la Haute Horlogerie – Le temps, une richesse qu’il convient de partager

jeudi, 29 novembre 2012
Par Alberto Cavalli
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Alberto Cavalli

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8 min de lecture

Le Forum de la Haute Horlogerie, dont la quatrième édition s’est tenue à Lausanne le 14 novembre dernier, est un rendez-vous annuel qui parvient à vaincre le scepticisme et le désintérêt des hommes « terre à terre » pour toucher tous ceux qui savent encore comment faire prospérer les affaires.

Dans L’Idiot, Dostoïevski écrivait que « le manque d’originalité a, de tous temps, et en tous pays, passé pour la première qualité et la plus sûre introduction d’un individu capable, apte aux affaires et de sens pratique ». En d’autres termes, le monde des affaires est depuis toujours l’apanage d’individus dénués de créativité, de cette originalité porteuse d’authenticité et de la capacité d’innovation qui caractérisent, par exemple, la sphère des arts.

Nihiliste au possible, une telle assertion confirme pleinement l’intuition du génie russe : les affaires sont les affaires, un univers clos qui ne laisse nulle place à l’espérance, à l’instinct ou à l’impulsion.

Et le bien-être n’augmente que lorsqu’il y a circulation de culture, et pas seulement d’argent.
La tentation nihiliste

La tentation nihiliste est hélas bien présente : non seulement sur le plan moral, comme Benoît XVI l’a justement souligné, mais aussi au niveau économique. La crise financière dont nous peinons à nous extirper en est la preuve éclatante : qui a agi de manière égoïste et en vase clos, qui n’a pensé qu’à ses propres intérêts, qui a exclu les réalités productives les plus belles et les plus sensées pour se consacrer exclusivement à un profit qu’il sait être le fruit de l’accumulation, de l’accaparement infondé et de la paupérisation a sapé les fondations d’un système de croissance qui devrait à l’inverse privilégier le bien-être et non le capital. Et le bien-être n’augmente que lorsqu’il y a circulation de culture, et pas seulement d’argent.

Circulation : un terme qui est intimement lié à l’idée de s’écouler, de voyager, de transiter. Des verbes qui peuvent parfaitement s’adapter à ce que l’homme a de plus cher : le sang, l’eau, le temps et l’argent. C’est la vision qu’a défendue Francesca Rigotti, professeur à l’université de la Suisse italienne et de Göttingen, dans le cadre du 4e Forum de la Haute Horlogerie, qui s’est tenu à Lausanne le 14 novembre dernier. Un rendez-vous annuel qui parvient régulièrement à vaincre le scepticisme et le désintérêt des hommes « terre à terre » pour toucher, avec efficacité et détermination, tous les « originaux » qui, pour leur part (et par bonheur), savent encore comment faire prospérer les affaires.

Une nouvelle vision de la Haute Horlogerie

Le thème du Forum était « Time to share », un slogan auquel l’ambiguïté de la langue anglaise confère un double sens. Dans sa première acception, littéralement « il est temps de partager », on comprend que l’heure est – enfin – venue de remettre en commun des expériences, des points de vue et des projets. Sa seconde signification, que l’on peut interpréter comme « partager le temps », fait du temps une richesse qu’il convient de partager et de multiplier pour vaincre la fragmentation qui isole et éloigne les individus.

Ce thème du partage, de la circulation et de l’acquisition de valeurs qui découlent des déplacements, fussent-ils symboliques, géographiques ou économiques, a fait office de fil conducteur entre les différentes interventions du Forum, donnant naissance, au final, à une nouvelle vision du monde de la Haute Horlogerie. Une philosophie orientée non seulement sur la production, le profit et l’expansion, mais aussi sur le partage de principes moraux qui soient à même de protéger et renforcer ce système ; une philosophie orientée également sur la mise en circulation d’une culture qui peut et doit motiver tous les acteurs du marché à prendre conscience de toutes les valeurs qu’une montre de luxe renferme et représente.

Une fluidité humaine et économique que seules l’intuition et la science peuvent nous permettre de déchiffrer.
Le partage des expériences

Ces valeurs correspondent aux rêves d’une clientèle issue des quatre coins d’un monde en pleine mutation, d’une planète qui fait face à des défis liquides, protéiformes, impossibles à cristalliser, comme l’a souligné l’ancien ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer. Un monde dont les frontières mêmes deviennent floues : les migrations, les déplacements, les changements climatiques déterminent une fluidité humaine et économique que seules l’intuition et la science peuvent nous permettre de déchiffrer. La rigidité et le repli sur soi semblent non seulement anachroniques mais aussi profondément contraires à la construction des valeurs d’un objet de luxe, comme l’a justement affirmé Francesca Rigotti.

Plutôt que de partir à la conquête de nouveaux marchés, il devient donc urgent de partager nos expériences. Parce que s’il est vrai que l’on est toujours dominé par ce que nous gouvernons, on peut alors estimer que l’approche la plus pertinente est celle de l’ambassadeur et non celle du colon. Un point de vue qu’a bien expliqué Leslie T. Chang, spécialiste du marché chinois, qui s’est focalisée sur un phénomène que peu de gens ont analysé à ce jour (probablement parce qu’il est dynamique et en devenir) : l’ascension des classes moyennes. Une progression sociale qui contraindra les marques du monde du luxe à entamer elles aussi une réflexion profonde sur leur propre identité, comme l’a souligné le président de l’IMD, Dominique Turpin. En effet, la puissance d’une marque ne peut s’étendre au-delà d’un certain stade sans que cette dernière perde de son identité. Et ce seuil s’apparente davantage à un système de sens qu’à une césure nette sur une ligne. Il s’agit, justement, d’un système qui circule comme l’air, l’eau, le vent, des ressources fondamentales à la vie sur notre planète, des ingrédients indispensables à un bien-être qui n’a que faire du luxe mais valorise l’existence et la responsabilité de chacun à l’égard de tous.

À travers l’objet, le souffre d’une communauté

Dans un monde de plus en plus interconnecté, où tout ce qui est précieux doit être protégé et apprécié plutôt que divisé et thésaurisé, la responsabilité sociétale a été présentée par Peter Brabeck-Letmathe, président du conseil d’administration de Nestlé, non seulement comme un choix inéluctable, mais également comme une stratégie qui se traduit par un gain de qualité dans le travail et la vie de tous. Les externalités de systèmes proposant une action efficace sur l’éducation, l’énergie, l’épargne, la protection de l’environnement et des savoirs sont les éléments qui vont permettre de stimuler d’autres croissances dans d’autres contextes. Où « autres » ne signifie pas « externes ». Où la distance (entre pays, cultures, valeurs) est colmatée par des critères universels comme la beauté ou la vérité. C’est la voie que préconise le critique d’art Philippe Daverio. Comme les Grecs anciens l’avaient déjà pressenti, la splendeur de la beauté est aussi celle de la vérité, de l’authenticité, de l’originalité d’un objet qui renferme l’éthique d’une profession, la passion d’un artisan talentueux, le souffle d’une communauté.

Faire sien un fragment de cette vision, l’adapter à son histoire personnelle, c’est déjà faire circuler dans son propre monde un air nouveau. Un air de « famille », que seul le partage peut faire jaillir, dépassant les impatiences, les distances et les intolérances dans lesquelles tant de mondes trop petits, clos et archaïques étouffent et finissent par s’éteindre.

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