Les chiffres de la foire sont éloquents : 1’892 exposants répartis entre l’horlogerie (627), la joaillerie (736) et les représentants des diverses branches de l’industrie (529) ; 44 pays sont représentés. Il règnera là une atmosphère qui, même sans être quantifiable en chiffres et données, sera toutefois « empreinte d’un optimisme prudent », comme l’a dit le président du Comité des exposants, Jacques J. Duchêne. Son expérience de plus de cinquante ans dans le secteur de l’horlogerie le qualifie pour une approche réaliste et pragmatique que je suis prêt à partager sans autre : optimisme (les chiffres de production et d’exportation semblent avoir retrouvé les niveaux de 2007) mais prudence aussi. Car le monde du luxe est aussi un monde d’émotions, souvent liées aux « émotions » plus grandes suscitées par les diverses turbulences d’aujourd’hui.
Face aux nouveautés et aux propositions de Bâle, il y a tant d’émotions, peut-être même trop. Parce que derrière chaque montre – je parle de haute horlogerie, évidemment – il y a des univers entiers à découvrir : complications et mécanismes, inventions minuscules mais qui vont loin, chefs-d’œuvre d’artisanat et de science qui valent du temps et de l’attention. Et vu la présence massive de marques d’importance exceptionnelle, les passionnés ne sont pas toujours en mesure de vouer à ces nouveautés toute l’attention qu’en réalité elles méritent.
Au-delà des grands noms, orgueil de l’horlogerie suisse, il y a ensuite les nombreuses petites entreprises qui se vouent infatigablement à exprimer des visions contemporaines et indépendantes. Leur présence n’est pas toujours remarquée par tous les visiteurs de la foire. Ces derniers devraient peut-être prendre le temps de s’attarder plus longtemps sur cette réalité. Quand on est en position dominante, on oublie souvent la contrainte éthique et sociale liée à la création d’un leadership dans un monde où une telle position est née et s’est développée dans un cadre qui se prévaut d’une grande expérience : on est aussi devenu grand après avoir été petit et grâce aux petits, la Terre étant ronde, tout comme la montre.
Et pour ce qui est de la joaillerie, quelles sont les prévisions et les perspectives ? Ce monde a bien sûr des règles et des orientations différentes de celui de l’horlogerie. Il sera intéressant de voir ce qui émergera de cette nouvelle édition de Baselworld.
C’est une foire que je respecte beaucoup, au-delà des polémiques rebattues qui semblent se faire jour désormais de façon récurrente : le Salon de Genève et Baselworld sont deux réalités différentes et cela n’a pas de sens de les opposer sans cesse. Cela revient à faire du tort au Swiss Made. Et c’est justement sur le gisement culturel offert par l’horlogerie suisse qu’il conviendrait de se rencontrer et de faire avancer des efforts communs.
Les gens qui me suivent savent que je juge important de joindre aux événements commerciaux des initiatives culturelles. Les foires, avec la multitude de visiteurs qu’elles attirent, peuvent être le lieu idéal pour promouvoir non seulement la vente et les affaires mais aussi l’héritage, le prestige, l’identité. Les foires doivent se faire accueillantes, pas intimidantes. La disponibilité des hôtels, des restaurants et des espaces publics est fondamentale. Ce qui n’est pas le cas dans toutes les villes. Les foires peuvent avoir une importance énorme pour le développement du marché du luxe qui reste toujours, en tout premier lieu, un monde du rêve, de la culture, de l’artisanat et de la recherche. Ces éléments devraient sans cesse émerger comme un fil rouge idéal.
Ce ne sont pas là des critiques, ce sont les observations d’une personne qui fréquente les foires du monde entier depuis bien longtemps et qui ne perd pas l’espoir d’assister sans cesse à des améliorations, à de nouveaux développements. Dans l’attente de 2013, une année cruciale pour Bâle, j’espère que ces simples considérations feront réellement référence.