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La gravure, un art menacé ?
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La gravure, un art menacé ?

mardi, 22 décembre 2009
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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Les manufactures horlogères n’ont peut-être jamais autant mis l’accent sur les métiers d’art. Et pourtant, la gravure est aujourd’hui une activité menacée par les techniques modernes d’usinage. Point de la situation avec le CIFOM, seule école en Suisse à dispenser cet enseignement.

La Haute Horlogerie et les métiers d’art semblent vivre une lune de miel entamée il y a plusieurs années déjà. Toute manufacture qui se respecte insiste en effet sur l’importance cruciale que revêtent les artisans au sein de leur organisation, des professionnels actifs dans le sertissage, l’émaillage ou la gravure, seuls capable de personnaliser, d’embellir et de donner un caractère quasi exclusif à des pièces pourtant issues de techniques d’usinage on ne peut plus industrielles. Un seul exemple : « il y a quelque chose de sacré dans chaque garde-temps Jaeger-LeCoultre : la passion du détail, explique la Grande Maison. Cet amour qui a guidé chaque artisan tout au long de sa création et qui se poursuit jusqu’à la parure finale de la montre. »

« Les métiers d'art, fondement de notre patrimoine »

Lors d’une récente Journée d’étude de la Société Suisse de Chronométrie (SSC), placée sous le thème « L’horlogerie et ses artistes », Estelle Fallet, conservatrice du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie de Genève, insistait sur cette indispensable approche artisanale de la profession. « Les métiers d’art constituent l’un des fondements de notre patrimoine culturel. Ils sont l’héritage de savoir-faire multiples, élaborés et transmis soigneusement au fil des siècles. Ils puisent dans leur histoire une inspiration qui les nourrit et leur permet d’épouser les courants esthétiques contemporains. En renouvelant le patrimoine, ils le protègent également, en intervenant dans les champs de la restauration. Synonymes de perfection, les métiers d’art marient gestes transmis par la tradition et technologies nouvelles, qui prolongent la main. Par eux, l’objet du quotidien devient chef d’œuvre : la matière transformée acquiert la noblesse, celle que lui confère le travail de l’artisan. Aussi, la montre, arborée comme symbole de prestige, est-elle une véritable œuvre d’art qui requiert l’association de multiples savoir-faire. »

Il est également vital que ces savoir-faire soient perpétués par nos écoles et nos centres de formation.
Zian Kighelman

« Cette recherche de la perfection du détail est perpétuée par divers corps de métier tels que le graveur, le joaillier, l’émailleur, le cadranier, le guillocheur, le boîtier, le sertisseur, l’angleur, le designer pour ne citer qu’eux, exposait en préambule Zian Kighelman, président tournant de la SSC. Nous avons la chance d’abriter dans notre pays ces métiers séculaires. Toutefois, malgré un intérêt toujours plus marqué pour ces derniers, il est bien souvent difficile de trouver des artisans qui les maîtrisent. Certaines connaissances et pratiques se sont trop souvent perdues au fil des années et nous devons les réapprendre. C’est pourquoi nous devons prendre soin de faire vivre ces métiers et veiller à les faire évoluer pour répondre à nos différentes contraintes industrielles. Il est également vital que ces savoir-faire soient perpétués par nos écoles et nos centres de formation. »

Une évolution à double tranchant

Message reçu cinq sur cinq par le Centre Interrégional de formation des Montagnes neuchâteloise (CIFOM), la seule et unique école en Suisse à dispenser un enseignement de graveur dans sa filière artistique que constitue l’Ecole d’arts appliqués (EAA) de la Chaux-de-Fonds (NE). Ces dernières années, les cours de gravure ont d’ailleurs connu un franc succès, notamment en raison de l’euphorie horlogère de ces dernières années, faisant le plein de nouveaux élèves à chaque volée comprenant 3 à 4 postes. Le coup de frein intervenu dans la branche depuis l’automne 2008 a toutefois largement resserré l’entonnoir en matière de débouchés. L’an dernier, l’EAA avait encore reçu sept à huit offres fermes d’emploi pour des graveurs formés. Cette année, le nombre est tombé à zéro. « J’ai également ressenti un certain creux dans mes activités vers le milieu de l’année, explique Dolorès Schwab, graveuse indépendante qui travaille notamment avec Golay Spierer, spécialiste de montres sur mesure. Mais depuis deux mois, la situation tend à se normaliser. La question qui se pose revient à se demander quel soutien les manufactures sont-elles prêtes à offrir aux artisans indépendants. »

Doit-on parler de « fait main » ou de « terminé main » ?
Jean-Bernard Michel

Une question qui n’est pas sans inquiéter Jean-Bernard Michel, professeur de gravure à l’EAA et artisan indépendant : « la situation est pour le moins paradoxale, commente-t-il. Les métiers d’art n’ont jamais eu autant la cote que ces dernières années et pourtant, force est de constater que ce savoir-faire ancestral en prend un sérieux coup si l’on en juge par le résultat final. Où est passée la valeur ajoutée ? Doit-on parler de « fait main » ou de « terminé main » ? J’ai deux exemples qui me viennent à l’esprit. Sur une pièce de manufacture présentée comme un chef d’œuvre de travail artisanal et vendue 150’000 francs, mon intervention de graveur à pris exactement 12 minutes. Et que dire du dernier Salon International de la Haute Horlogerie. A part une émailleuse qui faisait la démonstration de son talent, je n’ai vu aucun métier d’art à l’honneur. » En ce sens, pour Jean-Bernard Michel, la verticalisation des manufactures horlogères est à prendre comme un fausse bonne nouvelle. D’un côté, elles intègrent en effet ces savoir-faire, contribuant à leur pérennisation, mais de l’autre, elles appauvrissent le tissu économique régional sans pour autant s’être acquis les compétences les plus pointues dans ces domaines d’activité.

La menace des nouvelles technologies

A cela s’ajoute une autre menace pour les graveurs : l’avènement de nouvelles technologies par exemple utilisées dans les collections Les Masques de Vacheron Constantin. Celles-ci ont été réalisées notamment grâce à des techniques de balayage en trois dimensions mises en œuvre par l’incontournable atelier d’Olivier Vaucher à Genève. « Que l’on soit clair, ces pièces d’horlogerie représentent un travail d’artisan conséquent et admirable mais un peu moins de graveur, poursuit Jean-Bernard Michel. Avec le rendu en trois dimensions, les machines à commande numérique à cinq axes et les découpes au laser, nous sommes à l’aube d’un grand chambardement. Et comme, à mon avis, la prochaine bataille en horlogerie se fera sur les coûts et donc les prix, j’ai bien peur que la qualité et le respect de la tradition passeront au second plan. Ce qui n’augure rien de bon pour le métier de graveur comme cela a déjà été le cas dans l’émaillage. Cela dit, il est de la plus grande importance de soutenir les filières de formation pour maintenir ces savoir-faire. » A n’en pas douter, la défense des métiers d’art mérite tous les combats.

Centre interrégional de formation des montagnes neuchâteloises (CIFOM)
Direction générale
Rue de la Serre 62
2300 La Chaux-de-Fonds
Téléphone 032 919 29 50
Télécopie 032 919 29 60
cifom-dg@rpn.ch

Ecole d’arts appliqués (EAA)
Rue de la Paix 60
2300 La Chaux-de-Fonds
Téléphone 032 919 23 23
Télécopie 032 919 23 33
cifom-eaa@rpn.ch

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