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2020, année des graveurs horlogers
Modes & Tendances

2020, année des graveurs horlogers

vendredi, 6 novembre 2020
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

L’art de la gravure en horlogerie, un temps voué aux oubliettes, revient en force. D’autant que les filières professionnelles incluent désormais cette formation. Les nouveautés 2020 offrent un magnifique panorama de ces techniques touchant au sublime.

« Lorsqu’une matière aussi dure que le métal prend forme sous ses propres mains, il se passe quelque chose de beau et d’incroyable. Cette sensation magnifique se renforce encore plus au moment de créer en matière réelle ce qui n’était qu’imagination auparavant. » Cette profession de foi émane d’Olivier Vaucher, fondateur à Genève en 1978 de l’atelier éponyme qui fait référence dans la branche horlogère pour réunir aujourd’hui sous un même toit 17 métiers artisanaux dont le but est de « faire rêver au premier regard ». Pour y parvenir, la tâche est toutefois de celles qui demandent talent, expérience et persévérance.

Les Cabinotiers Majestic Tiger © Vacheron Constantin
Les Cabinotiers Majestic Tiger © Vacheron Constantin

C’est pour cette raison qu’au XVIIIe siècle les graveurs sur métal devaient déjà suivre un cursus extrêmement rigoureux et réglementé, soit six ans d’apprentissage complétés par deux ans de compagnonnage avant d’accéder à la maîtrise. Ce même siècle, aux belles heures de l’horlogerie genevoise des cabinotiers, on comptait ainsi plus de 200 graveurs à l’œuvre dans la Cité. Avant que le métier s’étiole progressivement pour pratiquement disparaître dans les années 1980, clairement menacé par le raz-de-marée des montres électroniques dont les cadrans à cristaux liquides, eux aussi faisaient rêver. Autant dire un tout autre jeu d’ombres et de lumières.

Virtuoso VII © Bovet 1822
Virtuoso VII © Bovet 1822

Sous l’impulsion de quelques manufactures, qui n’ont jamais cessé de croire en l’avenir de la montre mécanique, le métier de graveur, en état de mort clinique, a évité le coup de grâce. « Patek Philippe, qui avait donné du travail à ces artisans dès sa fondation, a continué à le faire quand les pièces décorées ont passé de mode, sauvant ainsi un précieux savoir-faire, explique la Maison. Il s’en est fallu de peu, mais aujourd’hui la gravure main a la cote, les connaisseurs l’apprécient, et même si les artisans de haut vol ne sont pas légion, la relève dans cette spécialité semble assurée. »

PanoLunarTourbillon © Glashütte Original
PanoLunarTourbillon © Glashütte Original

De fait, la filière s’est à nouveau organisée en Suisse, avec une formation CFC (Certificat fédéral de capacité) gravure main dispensée par l’École d’arts appliqués de La Chaux-de-Fonds. Mieux, depuis 2016, le Campus genevois de la Haute Horlogerie, une initiative du groupe Richemont, a ouvert son propre programme de graveur accessible à l’ensemble des marques. Au final, la filière helvétique « produit » actuellement entre 3 et 5 graveurs par année. De quoi alimenter les besoins des manufactures et autres ateliers spécialisés en sachant, comme le souligne Vacheron Constantin, que pour approcher une pièce à graver en ramolayé ou bas-relief il faut pas moins de dix ans d’expérience derrière le burin.

Classique Double Tourbillon 5345 Quai de l'Horloge © Breguet
Classique Double Tourbillon 5345 Quai de l'Horloge © Breguet

Avec des techniques de gravure en creux, ou taille-douce, et en relief, ou taille d’épargne (ciselage), pour ne nommer que les principales, l’artisan va travailler la matière pour des résultats généralement stupéfiants. Et c’est encore sans parler des techniques de décoration au rang desquelles le guillochage des cadrans – un art décoratif à part entière –, ou encore les soleillage, perlage, colimaçonnage et autre anglage de composants. En termes de finition des mouvements, pratiquement toutes les Maisons de Haute Horlogerie ont intégré ces terminaisons sur des pièces qui gagnent un supplément d’âme entre les mains de l’artisan. Mais toutes n’ont pas érigé la gravure au rang de métiers d’art, tant s’en faut.

Petite Heure Minute Relief Dragon © Jaquet Droz
Petite Heure Minute Relief Dragon © Jaquet Droz

L’initiative est d’abord venue de manufactures ancestrales qui ont toujours entretenu un rapport privilégié avec les arts décoratifs, Patek Philippe et Vacheron Constantin en tête. Celles-ci ont bientôt été suivies par des Maisons qui ont ouvert des ateliers spécifiques dédiés aux métiers d’art, comme Cartier, qui inaugurait sa Maison des métiers d’art en 2014, Blancpain ou Jaquet Droz. Les nouveaux venus sur la scène horlogère, ceux qui renouent avec des racines horlogères ancestrales comme Bovet, se sont également ingéniés à cultiver l’art de la gravure qui avait fait leur renommée. Sans oublier les manufactures qui ont érigé le guillochage au rang de véritable signature de la Maison comme Breguet ou Parmigiani.

DW5 Cempasúchil © De Bethune
DW5 Cempasúchil © De Bethune

Plus récemment, ce sont les représentants de la « nouvelle vague » horlogère qui créaient la surprise avec des pièces offrant des espaces d’expression dont tout maître graveur ne saurait rêver. De Bethune, qui présentait déjà l’an dernier une exceptionnelle Dream Watch 5 Armilia gravée par Michèle Rothen selon une œuvre du bédéaste François Schuiten, récidive cette année avec une DW5 Cempasúchil. Cette création, également due à la graveuse d’art Michèle Rothen, offre un décor inspiré par la symbolique du culte des morts au Mexique sur un support en titane (encore plus dur à graver que l’acier) avec insertions d’or. La gravure une fois terminée a encore été travaillée au feu, une spécialité métallurgique de De Bethune, pour en coloriser les détails.

UR T8 Raptor © Urwerk
UR T8 Raptor © Urwerk

Même constat avec l’UR-T8 Raptor, présentée par Urwerk l’été dernier, une pièce due au graveur Johnny Dowell, alias King Nerd, qui a reproduit sur le corps de la montre une scène digne du film Jurassic Park, à savoir deux têtes menaçantes de T-Rex Raptor plus vraies que nature. « Quand on m’a donné l’UR-T8 comme base de travail, j’ai tout de suite eu les yeux qui brillent, commentait King Nerd lors de la présentation de la montre destinée à la boutique Art in Time ouverte par Chopard à Monaco et vendue au profit de la Croix-Rouge. J’ai eu carte blanche pour habiller le recto et le verso de la montre. Et j’y ai eu un plaisir fou. Le côté sombre du boîtier m’a inspiré ce motif un peu agressif, dangereux, primitif. Je me suis également livré à un de mes exercices préférés, le travail sur les ombres et les dégradés de tons. »

LM Split Escapement © MB&F x Eddy Jaquet
LM Split Escapement © MB&F x Eddy Jaquet

Chez MB&F, le fondateur Maximilian Büsser s’est montré sensible à la proposition d’Eddy Jaquet, graveur familier de la Maison mais jusque-là commissionné pour des travaux mineurs. « Nous travaillons avec Eddy depuis des années, mais lui demander de graver des noms sur des mouvements, c’est comme jouer La Lettre à Élise sur un stradivarius, explique Maximilian Büsser. On ne peut imaginer plus modeste utilisation d’un don aussi extraordinaire. » Résultat, Eddy Jaquet s’est vu confier huit cadrans de Legacy Machine Split Escapement pour laisser libre cours à son art et son imagination sur la base des romans de Jules Verne. Autant dire que cette série de pièces uniques, sur lesquelles MB&F levait un coin de voile aux Geneva Watch Days fin août dernier, a été l’heureuse surprise de la rentrée.

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