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22, PLACE VENDÔME ou la création permanente
Points de vue

22, PLACE VENDÔME ou la création permanente

dimanche, 20 septembre 2009
Par Dominique Frétard
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Dominique Frétard

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17 min de lecture

Réunissant la tradition horlogère et l’excellence du savoir-faire joaillier, Van Cleef & Arpels crée ainsi des garde-temps d’exception. Le Temps Poétique rend hommage à ces créations au travers de photographies signées Guy Lucas de Pesloüan.

Stanislas de Quercize et Nicolas Bos ne parlent que d’amour. Enfin presque. Ils sont étonnants. Le premier est Président Directeur Général de Van Cleef & Arpels et le second, Directeur de la création. Ils parlent d’amour, mais aussi de bonheur et de beauté, de rêves, d’humanité. « Van Cleef & Arpels est unique », affirment les deux hommes.

Et ils le prouvent. A l’occasion de la parution du livre Le Temps poétique, suite inséparable de Reflets d’éternité , Stanislas de Quercize et Nicolas Bos, créations à l’appui, expliquent l’histoire, moins connue, de la Haute Horlogerie chez Van Cleef & Arpels. Et disent à quel point l’esprit des fondateurs, celui d’Estelle Arpels et d’Alfred Van Cleef – dont le mariage en 1896 consacra l’alliance de deux familles de diamantaires flamands – a également transformé les habitudes horlogères. Et à quel point leur vision d’une poétique du temps, originale, liée à l’imaginaire, se révèle encore aujourd’hui, et plus que jamais, d’une modernité parfaite.

Et s’il fallait, de but en blanc, se livrer au jeu qui consisterait à choisir un homme pour incarner l’identité Van Cleef & Arpels : quel serait l’élu ? « Un poète, bien sûr, dont les mots ont le pouvoir de changer notre vision du monde », répond sans hésiter Stanislas de Quercize. Et s’il fallait une femme ? « Je vois une très belle femme, forcément, dit, de son côté, Nicolas Bos. Qui aurait cetteallure rare, à la fois suprême et désinvolte… »

Quelles valeurs de la maison Van Cleef & Arpels voulez-vous transmettre à travers le livre Le Temps Poétique ?

Stanislas de Quercize : Nous croyons à un monde meilleur. Nous croyons à l’amour. Estelle Arpels et Alfred Van Cleef se sont aimés, c’est indéniable. Je ne connais pas de maisons de joaillerie qui se soient construites autour de l’amour, du patrimoine familial. Encore aujourd’hui nous vivons sous l’empreinte de ce sceau. Deux êtres amoureux veulent clamer leur amour au monde entier, et en 1906, le centre du monde, c’est Paris. Ils s’installent au 22, Place Vendôme, face à l’Hôtel Ritz, qui a ouvert deux ans plus tôt, et qui déjà attirait une clientèle cosmopolite et sophistiquée. C’est le début des voyages et des villégiatures dans les stations balnéaires. Van Cleef & Arpels est présent dès 1910 à Deauville, Cannes, Nice, Monte-Carlo, Vichy, Le Touquet. Nos deux jeunes gens sont iconoclastes. Ils n’ont peur de rien. Ils vont donc tout oser.

Nicolas Bos : A travers Le Temps poétique, nous souhaitons dévoiler une histoire qui est peu connue et qui va en surprendre plus d’un, y compris parmi les familiers de la maison. En effet, si la joaillerie a légitimement établi notre renommée, très vite, sous l’influence de Charles, Julien et Louis, les trois frères d’Estelle entrés l’un après l’autre dans l’affaire, la marque a développé deux lignes en parallèle : l’horlogerie et les objets de curiosités, dont la fabrication reprend l’esthétique et les techniques de la joaillerie, les pierres et les matières précieuses, les bois rares. La première minaudière, par exemple, sac précieux du soir, a été inventée par Charles Arpels. Cette création répondait à une demande de l’Américaine Florence Jay Gould qui cherchait un moyen d’emporter ses objets personnels dans un réticule plus élégant que la boite en fer qu’elle transportait partout avec elle. Aujourd’hui, la minaudière revient en force. C’est un objet de mode.

Ce discours sur l’amour, très inattendu, est-il une caractéristique spécifique à Van Cleef & Arpels ?

S de Q : L’amour est au cœur de notre maison et la poésie aussi. Car rien ne se fait sans les grands poètes, les visionnaires. Chacun sait qu’il n’y a plus besoin aujourd’hui d’une montre pour lire l’heure, il y a l’ordinateur, le téléphone portable, la télévision. En revanche, pour dire que le temps est précieux, qu’il nous est compté, nos montres sont l’incarnation même d’un temps qui est avant tout poésie. Chez nous les roses n’ont pas d’épines, les animaux sauvages n’ont pas de griffes. Notre univers est peuplé de fées – la fée Ondine, la Fée Libellule, la Fée Caresse d’Eole – qui aident à formuler les vœux et, bien sûr, à les exaucer. Nous sommes là pour faciliter l’expression de l’amour ; ce n’est jamais facile de dire « je t’aime ». On ne ferait pas tant de films sur le sujet si ça l’était ! Une montre comme Midnight in Paris, avec sa belle voûte étoilée, ouvre à l’univers, au mystère. L’homme respire plus large quand il la contemple, il se sent relié au cosmos. Cette montre dit qu’il ne faut pas faire les choses à moitié, qu’il faut goûter pleinement chaque seconde de sa vie.

Comment êtes-vous arrivés à cette notion de « complications poétiques » qui ouvrent aux femmes le monde, plutôt masculin, des technologies horlogères de pointe ?

S de Q : En créant des complications inouïes, le monde horloger s’adresse en priorité aux hommes, fascinés par ces mécanismes à la technologie très élaborée. Les hommes adorent ouvrir une montre, comme ils soulèvent un capot de voiture, pour voir comment ça fonctionne ! Au tic/tac de la mécanique si séduisante, nous avons privilégié le toc/toc des battements d’un cœur. Ce temps-là, plus humanisé, est plus émouvant aussi. C’est celui qu’entend la femme qui serre son enfant sur son cœur. C’est celui de la femme aimée. Ce choix de complications, qui seraient aussi poétiques, repose sur la fine compréhension de la femme et de ses goûts.

N B : L’identité profonde de la montre pour homme est incarnée par la PA49, créée en 1949 par Pierre Arpels pour son propre usage. C’est un grand classique de l’horlogerie, extra-plate, raffinée, élégante. Nous avons une manière joaillière d’envisager l’horlogerie. C’est pourquoi, il y a quelques années, nous avons demandé aux meilleurs inventeurs de complications de réfléchir à un temps qui reprendrait les trois thèmes principaux de la maison. C’est-à-dire : la Nature avec les feuilles, les fleurs, les oiseaux, les insectes ; la Couture avec les résilles, les nœuds, les dentelles ; et l’Imaginaire avec les fées, les contes, les mythes. Autant de motifs qui expriment vie et mouvement. Chez nous, la fleur n’est pas immobile, elle s’ouvre, le papillon n’est pas à l’arrêt, il s’envole. Avec pour conséquence une spécificité esthétique de Van Cleef & Arpels : l’asymétrie. L’asymétrie qui est le signe du vivant. Et paradoxalement de l’harmonie

Pouvez-vous détailler quelques-unes de vos montres à complications poétiques qui séduisent les femmes ?

N B : Nous avons travaillé avec le magnifique atelier de Jean-Marc Wiederrecht. Cet homme est un grand concepteur de mécanismes, mais c’est aussi un poète et un horloger dans la tradition des maîtres du 17e et 18e siècles. Passionné par les livres d’astronomie et d’astrologie, il s’est pris au jeu du temps poétique, et de cette collaboration est née la montre Midnight in Paris. Non seulement ce modèle reproduit au détail près la carte des étoiles, mais il est orné de véritables fragments de météorites, sertis à l’arrière de son disque. En 2006, pour fêter notre Centenaire, nous avons eu envie d’une montre sur le thème des saisons, avec un dessin qui se métamorphoserait imperceptiblement au fil des 365 jours de l’année, faisant défiler non pas un temps linéaire qui donnerait l’idée du vieillissement, mais à l’inverse un temps cyclique qui régénère. Les flocons de neige laissent la place aux papillons et aux arbres en fleurs. La lenteur est un défi dans la complication aussi difficile à obtenir que l’extrême rapidité. Il faut une année pour réaliser cette montre Saisons.

S de Q : Nous avons toujours pensé qu’il était réducteur, voire simpliste, de couper les hommes de leur sensibilité, de leur sens artistique. Le monde est plus compliqué, heureusement, que la simple équation homme/femme. C’est très important pour nous, presqu’une philosophie. Les grands collectionneurs d’art ne sont-ils pas le plus souvent des hommes ?

Peut-on dire que Van Cleef & Arpels a inventé l’horlogerie narrative ?

N B : C’est l’identité même de notre maison. Influencée en ses débuts par l’Art Nouveau, l’imaginaire, la nature fantastique, par l’univers d’un peintre comme Odilon Redon, ou plus tard d’un Magritte, la narration est une source d’inspiration inépuisable d’où surgissent des contes et des fées. Créée dans les années 1940, la Fée devient emblématique de la maison, comme l’incarne notre montre Féerie où l’aile de notre fée indique les minutes et la baguette magique montre les heures. Nos complications poétiques disent aussi la vie d’aujourd’hui, comme celles imaginées pour Romance à Paris, promenade amoureuse dans des lieux qui symbolisent la capitale, ou Mercredi à Paris, qui renoue avec les jeux de l’enfance et les ballons multicolores qui s’échappent vers le ciel.

S de Q : Nous écrivons l’histoire de la maison en même temps que celle de nos clients. Ces derniers aiment les objets personnalisés. Ainsi le modèle Midnight in Paris s’est-il transformé en Midnight in Moscow ou Midnight in Monte-Carlo, avec des cieux adaptés à la géographie climatique des villes.

Certaines de vos collections déclinent le thème de la chance, la maison est-elle superstitieuse ?

N B : Le sens originel du bijou est d’être un talisman, un porte-bonheur qui attire la sympathie des dieux. Les fondateurs étaient-ils superstitieux ? Même s’ils ne l’étaient pas, ils pensaient qu’un porte-bonheur ne fait jamais de mal. La coccinelle qui prend son envol, le trèfle à quatre feuilles stylisé du motif Alhambra, repris de l’architecture islamique et créé en 1968. Ou encore la collection Charms. Van Cleef & Arpels a toujours défendu cette alliance entre la culture populaire au sens noble, c’est-à-dire dans ce qu’elle a d’universel, et l’extrême raffinement. Notre collection Le Songe d’une Nuit d’été s’adresse autant aux connaisseurs de Shakespeare qu’aux amateurs d’Harry Potter… Est-ce un hasard si actuellement nos montres les plus vendues sont, en effet, celles des collections Charms et Féérie. La montre Cadenas, très beau classique des années 1930, reste une vente constante, comme tous nos bijoux inspirés par les Arts Décoratifs.

Quel rôle jouent les commandes spéciales ?

S de Q : Encore le mois dernier, nous avons livré une très belle commande à un Malais, grand-père de 27 petits-enfants, qui voulait pour chacune d’entre eux un bijou identique mais différent. Son choix s’est porté sur un même papillon en bois d’amourette laqué, mais qui porterait des variations suffisantes pour signifier, à la fois l’identité du sang et le caractère unique de chaque enfant. Un homme vient de fêter un vingtième anniversaire, de quoi, mystère, en commandant vingt montres Tourbillon. Récemment, la demande d’un homme nous a fait rêver, il a demandé que nous personnalisions la montre qu’il venait d’acheter, en y gravant : « Rendez-vous à quatre heures »… Chaque jour, quelque part dans le monde, il y a une commande spéciale faite à Van Cleef & Arpels.

Avez-vous reçu des commandes impossibles ?

S de Q : La Duchesse de Windsor voulait un collier qui s’ouvre et se ferme selon le principe de la fermeture à glissière. Ce tour de force a été réalisé en diamants et rubis, je vous laisse imaginer les problèmes qu’il a fallu résoudre pour la taille des pierres. L’intelligence de la main poussée à son point ultime. Douze ans ont été nécessaires à nos équipes pour gagner ce défi splendide. Le système du Zip, mis au point en 1950, a été décliné et rencontre encore aujourd’hui un très grand succès. La Maison ne dit jamais « Impossible » !

Parlez-nous des fameuses Mains d’or ?

S de Q : Une de nos Mains d’Or a pour habitude d’embrasser ses mains pour les remercier de leur génie joaillier. Nos artisans d’art, héritiers d’un savoir plus que centenaire, savent qu’ils peuvent tout entreprendre car ils travaillent tous ensemble. Ils forment une chaîne où celui qui a plus de quarante ans de maison côtoie l’apprenti de dix-huit ans. Ce sont des chercheurs. C’est la quête de la maison que de toujours inventer, d’où leur grande humilité, mais aussi leur fierté. Par exemple, le Serti Mystérieux, brevet de sertissage invisible, déposé en 1933, originalité incomparable de la maison Van Cleef & Arpels, vient encore d’être affiné. Cette technique permet d’éviter les griffes et l’enchâssement, laissant à la pierre toute son intégrité, tout son éclat. La patience est la qualité cardinale. Il faut huit à dix mois pour les pièces les plus simples. Et les nouveaux venus s’appliquent à la perfection en travaillant « à blanc » pendant deux ans. La pierre ne se laisse pas brusquer. Nous réalisons en ce moment même une commande sublime, celle d’un collier de rubis en Serti Mystérieux. Il ne sera livré qu’en septembre 2010. Nos clients aussi sont patients, ils acceptent ces délais, l’excellence est au prix de cette attente.

Ressentez-vous les effets de la crise ?

S de Q : L’histoire de la famille Van Cleef & Arpels est un exemple pour savoir comment se comporter en temps de crise.En 1939, la maison de la Place Vendôme ferme. Pour échapper au nazisme, la famille émigre aux Etats-Unis et ouvre une boutique sur la Cinquième Avenue, à New York, avant de partir à la conquête de Los Angeles, puis de la Floride. Cet exil explique pourquoi la marque est très liée à la clientèle américaine, au cinéma. La Place Vendôme et la Cinquième Avenue restent nos deux principaux points de vente. Fidèles à l’esprit des fondateurs, nous avons voulu, malgré la crise, maintenir la publication de ce livre Le Temps poétique, riche des images signées par Guy Lucas de Peslouan, un maître de la photographie d’objets. Et pour prolonger cet esprit positif, nous nous préparons à célébrer les 70 ans de notre implantation américaine en créant une nouvelle collection intitulée California Rêverie, en hommage aux paysages de la côte ouest. La crise n’est pas un état, c’est un passage qui oblige à se projeter en avant. La première crise est la naissance, pour preuve, le bébé pleure. Puis, ça va mieux. De passage en passage, on apprend à rebondir, à se poser les bonnes questions.

Etre dans l’inventivité permanente vous évite-t-il de jouer sur la mode du vintage, tendance au repli d’une époque qui manque de créativité ?

N B : Au sujet des pièces anciennes, nous avons deux politiques. Dès les années 1980, Jacques Arpels a commencé à collecter nos bijoux et nos montres. Ce fonds, aujourd’hui constitué de plus de 400 pièces, s’appelle La Collection Van Cleef & Arpels. Il sert de réserve pour les expositions thématiques que nous organisons dans le monde entier. A titre d’exemple, à partir du 31 octobre prochain nous organisons au Mori Museum, à Tokyo, une exposition The Spirit of Beauty, avec pour emblème notre Fée. Si nous avons été les premiers à ouvrir à New York, nous sommes également pionniers au Japon, où nous avons un réseau de 15 boutiques, développé dès 1973. L’inspiration de l’Asie est présente dès l’origine de la maison. D’autre part, nous avons ouvert une boutique, toujours au 22, Place Vendôme, mais aussi à New York, pour la revente de pièces anciennes qui nous paraissent représenter la quintessence Van Cleef & Arpels, tels le bracelet Ludo, les clips oiseaux des années 1950, les grands colliers de turquoises des années 1960. Il y a toujours eu beaucoup de goût pour ces bijoux et ces montres, comme en témoignent les ventes aux enchères, où la marque est la plus recherchée des collectionneurs… Dans la période que nous traversons, il y a aussi la recherche d’une valeur patrimoniale évidente, un besoin d’authenticité. Acheter un de nos bijoux est un placement au même titre qu’une œuvre d’art. Nous les revendons avec une garantie et une traçabilité complètes. En la matière, le pedigree est essentiel.

Quelle montre portez-vous aujourd’hui ?

S de Q : Une montre squelette en or rose. Dans ce modèle les secondes repartent en arrière. J’adore cette idée de remonter le temps, donc de le maîtriser, même si ce n’est qu’une douce illusion !

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