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Points de vue

Al Pacino: « Les montres m’ont toujours fait rêver »

mercredi, 12 avril 2017
Par Frank Rousseau
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Frank Rousseau

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8 min de lecture

Ce bouc, aussi bien taillé que des cépages italiens, cette chevelure noir corbeau, cette voix burinée par un abus de tabac et de pur malt, mais c’est bien sûr Monsieur Al Pacino en personne.

L’homme est une légende. Le rencontrer, c’est un peu tutoyer Tony Montana, alias Scarface. Bref, nous avons Al-pagué l’un des derniers monstres sacrés hollywoodiens, un ex-« Parrain » septuagénaire capable de dégainer un humour quasi juvénile, surtout quand il parle de montres…

Vous êtes issu d’une famille d’immigrés italiens. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre enfance et, accessoirement, de votre premier cachet ? Investi dans une montre, peut-être…

Généralement, quand le chèque arrivait, j’achetais à manger. (Rires) J’avais l’estomac vide, et quand vous avez l’estomac vide, vous ne pensez qu’à remplir votre frigo et non à acheter une belle montre, un costume sur mesure ou des chaussures vernies. Ce genre de plaisir est venu bien plus tard. Je suis issu de ce qu’on appellerait la « classe moyenne… basse ». Très basse. Nous étions constamment fauchés. Mon père n’était pas là, alors nous vivions dans un immeuble avec ma grand-mère, ma mère et mon grand-père. Notre petit appartement, avec toilettes à l’étage, avait une vue imprenable sur le zoo.

Al Pacino
Al Pacino

J’ai grandi dans le South Bronx, ce qui est en soi assez évocateur. Quand j’ai atteint l’âge de 15 ans, j’avais déjà pas mal roulé ma bosse. Mais j’ai toujours su ce que je voulais faire. Je savais que ça allait bien se passer pour moi parce que j’adorais me produire devant un public. En ce qui concerne mes origines italiennes, les seules fois où j’entendais parler italien chez moi, c’est quand les adultes ne voulaient pas que je comprenne ce qu’ils disaient. Notamment quand il s’agissait de factures que nous ne pouvions pas payer. À 16 ans, j’ai arrêté de me bercer d’illusions. Je n’étais pas programmé pour faire des études. Pour survivre, je pense avoir exercé tous les petits boulots possibles et imaginables : caissier, gérant d’immeuble, livreur de pizzas, coursier à vélo. Quand je pédalais dans les beaux quartiers, j’étais sûr que la 5e Avenue, longue et droite, représentait le tracé de ma vie future. Parfois, je prenais le temps de m’arrêter devant les boutiques de montres. Il y avait des gamins, pauvres comme moi, qui salivaient devant les restaurants et les jambons bien dodus destinés à une clientèle fortunée. Moi, c’étaient les montres qui me faisaient rêver. Je m’imaginais avec une belle tocante au poignet, paradant comme un paon devant les filles. Tony Montana, en quelque sorte !

Quel âge aviez-vous la première fois que vous avez pu vous offrir une belle… tocante ?

C’était à la fin des années 1960. Je venais juste de recevoir un Tony Award pour la pièce de théâtre Does the Tiger Wear a Necktie. Je me revois entrer dans la boutique de montres chez Saks Fifth Avenue avec un sourire béat. J’avais en tête une montre Cartier en or 18 carats, si je me souviens bien. Je me revois essayer des dizaines de modèles différents, toutes marques confondues. Je revois surtout la tête du vendeur qui faisait tout pour masquer son impatience. Je n’arrivais en effet pas à me décider. Mettez-vous à ma place, cela faisait des années que je rêvais de franchir cette porte et me faire plaisir. Finalement, je suis reparti avec une Rolex Datejust en or. En sortant de la boutique, je n’arrêtais pas de tirer ma manche pour exposer mon acquisition à la Terre entière. J’avais l’impression d’être le nouveau Crésus !

Al Pacino
Al Pacino
Êtes-vous retourné dans le Bronx, ce quartier où vous avez grandi ?

Quelques fois. La première fois, c’était avec une BMW blanche, toute neuve, que je venais de payer cash. Quelques minutes après l’avoir garée, je me la suis fait voler ! (Rires) La seconde fois, c’était avec ma fille. Elle voulait voir la maison et le quartier où j’avais grandi. Mais il n’y avait plus de maison, ni de quartier. Tout avait été rasé. Vous comprenez alors que votre vie n’est que du vent, de l’éphémère, un simple passage sur Terre. Après ça, comment voulez-vous que j’affiche un ego gros comme Big Apple…

Et des montres, on vous en a volé ?

Non ! Mais je peux vous assurer que certains gangsters auraient pu me trancher le poignet si j’étais venu dans le Bronx avec ma Rolex. Je n’ai jamais voulu tenter le diable. Je peux vous certifier que je n’ai jamais relevé ma manche dans ces coins-là ! (Rires)

Les montres connectées? Ça amuse mes gosses. Ils se prennent pour des chevaliers Jedi avec ça au poignet.
Al Pacino
Vous donnez toujours l’impression de « bouffer » la pellicule ! D’où cela vous vient-il ?

Je suis fils unique. J’ai été élevé par une mère qui s’est fait larguer par son mari alors que je n’avais que 2 ans. Mon père était tailleur de pierre. Un émigré sicilien. Un jour, il a embarqué ses burins et ses tréteaux et nous a plaqués. Son départ m’a fragilisé. Il manquait une présence masculine à la maison. Le sacro-saint édifice familial s’est donc lézardé. Je crois que depuis ce jour je n’ai pas cessé de vouloir cimenter mes relations avec les autres.
Sur le chemin de l’école, je me faisais bastonner, et comme je n’avais pas la carrure pour jouer les gros bras, j’ai donc essayé de me servir de mes autres talents. J’avais de la tchatche, un culot monstre et une folle envie de me donner en spectacle. Manquait plus que le public. J’étais tellement doué que j’aurais pu vendre des montres sans aiguilles ! À l’époque, nous n’avions pas encore ces montres connectées.

Et que pensez-vous justement des montres connectées ?

Ce que j’en pense ? Ça amuse mes gosses. Ils se prennent pour des chevaliers Jedi avec ça au poignet. Ce qui me fait rire, c’est qu’après avoir fait mumuse avec ces gadgets ils sont frustrés à l’idée de devoir les recharger pendant des heures.

Al Pacino
Al Pacino
Dans la vie, vous êtes plutôt flambeur ou plutôt bas de laine ?

Ça va et ça vient. C’est tout ce que je peux dire. Même s’il y a eu une époque dans ma vie pendant laquelle j’ai vécu comme un pacha. Il m’a fallu cependant faire quelques ajustements pour ne pas devenir une caricature du gars qui en étale. C’était l’époque où j’aurais très bien pu m’offrir une nouvelle montre chaque semaine. Mais à quoi bon, je n’avais que deux poignets… C’est comme les gâteaux au chocolat, vous savez. Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre, sinon vous êtes très vite écœuré. Bref, j’aime les belles montres, mais je ne cherche pas non plus à faire de l’ombre aux grandes enseignes.

Perfectionniste, vous l’êtes jusqu’à quel point ?

Oh ! là, là ! Des exemples, j’en ai à la pelle. Quand je jouais Serpico, je m’étais tellement investi dans mon personnage de flic sous couverture qu’un soir, en rentrant chez moi après une dure journée de tournage, j’ai interpellé et arrêté pour de bon un gars qui zigzaguait sur la route. Sur le set d’And Justice for All, c’est un avocat que j’incarnais. Un type est venu me voir en me disant : « Vous qui êtes un homme de loi, pourriez-vous me dire comment régler ce problème avec mon syndicat ? » Et moi, le plus naturellement, je lui ai répondu : « Montrez-moi votre contrat. Je vais l’étudier et je vous communiquerai les résultats de mon analyse. Pour les honoraires, voyez avec ma secrétaire ! » Je pense que si j’avais joué un horloger, j’aurais demandé à la production de régler mon cachet en montres. Aujourd’hui, je porte une Jaeger-LeCoultre. C’est une marque que j’affectionne au niveau tant de la ligne que de la technique, qui atteint des sommets chez cet horloger. Un horloger qui a su marier tradition et modernisme !

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