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Bons baisers de Suisse
Economie

Bons baisers de Suisse

mercredi, 24 septembre 2014
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Au moment même où la déferlante des montres connectées s’intensifie, l’horlogerie helvétique continue de préparer le terrain de ses conquêtes futures. Avec une préoccupation majeure au niveau de l’« intendance » : la production de mouvements. Mécaniques bien sûr.

Début septembre, juste après la déferlante des nouvelles montres connectées présentées notamment par les Sud-Coréens LG et Samsung à la Foire internationale d’électronique grand public de Berlin, celle tant attendue d’Apple faisait déjà saliver les aficionados du genre ; à quelques jours près, Vincent Pérriard, grand orchestrateur de la marque HYT (Hydro-Mechanical Horologists) après avoir œuvré pour TechnoMarine et Concord, annonçait de son côté l’arrivée au sein de la Maison de Dominique Renaud, grand spécialiste des montres « concept » qui, en son temps, avait cofondé avec Renaud Papi une entité horlogère aujourd’hui intégrée dans Audemars Piguet. Ces deux nouvelles ponctuaient certes la rentrée horlogère, mais certainement pas avec le même impact que celle faite au cœur de l’été concernant la reprise d’Ulysse Nardin par Kering pour un montant estimé à quelque CHF 800 millions, soit 4 fois le chiffre d’affaires et 13 fois le bénéfice opérationnel.

La Suisse est en danger.
La tranquillité d’esprit de Swatch

Quel enseignement peut-on bien tirer de ces informations a priori disparates qui n’ont, semble-t-il, que l’horlogerie en commun ? Le premier, et il est de taille, concerne bien évidemment l’accueil qui sera réservé à l’Apple Watch d’en sachant l’impact que peut avoir la firme à la pomme croquée avec de nouveaux produits susceptibles de révolutionner nos modes de vie. Cela fait des mois déjà que la communauté des « geeks » bruit des rumeurs les plus folles, faute d’avoir du concret à portée de clics de souris. Une chose est sûre en tout cas, d’aucuns prédisent déjà une lente agonie de l’horlogerie helvétique : « La Suisse est en danger », croit savoir le designer en chef de firme de Cupertino. Un funeste présage qui ne fait toutefois pas l’unanimité. Comment comprendre, autrement, la percée de Kering dans l’horlogerie-joaillerie depuis deux ans, un secteur où la multinationale française entend faire sa place, quitte à en payer le prix via des acquisitions comme cela a récemment été le cas pour Pomellato, Girard-Perregaux et enfin Ulysse Nardin.

Dans un entretien accordé au magazine L’Hebdo, le CEO de Swatch Nick Hayek a fait part de sa parfaite équanimité face à cette menace potentielle. « Si le fait d’indiquer l’heure était le seul intérêt des montres, l’industrie horlogère n’existerait plus depuis longtemps, déclarait-il. Je me souviens qu’à l’époque des premiers téléphones portables les journalistes venaient nous voir pour demander si nous allions encore pouvoir vendre des montres puisque ces appareils indiquaient l’heure de manière plus précise. Le marché de l’horlogerie n’a fait que croître depuis lors, surtout dans la montre mécanique ! L’apparition de nouveaux produits est une occasion fantastique de toucher les millions de personnes qui ne portent pas de montre. » On ne peut être plus clair.

L’horlogerie mécanique suisse pèse 0,6 % du secteur.
Une pépite dans l’océan

C’est d’ailleurs ce que semble indiquer le rapprochement entre HYT et Dominique Renaud. Même si la démarche de la marque est de plus originale, car fondée sur un concept où la Haute Horlogerie tutoie la technologie des fluides, elle n’en garde pas moins une base mécanique, celle-là même qui continue de faire merveille sur les cinq continents. N’oublions pas que la production suisse de montres mécaniques a représenté 7,4 millions de pièces en 2013, selon les statistiques de la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Un chiffre certes en hausse de près de 75 % sur cinq ans, vu l’essor sans précédent enregistré par ce type de garde-temps, mais un chiffre à mettre toutefois en relation avec la production mondiale, qui a atteint 1,2 milliard de montres l’an dernier. En d’autres termes, sur les marchés internationaux, l’horlogerie mécanique suisse pèse 0,6 % du secteur.

Si l’on veut poursuivre la réflexion, notons également que, selon International Data Corporation (DC), la livraison de téléphones intelligents devrait représenter 1,25 milliard d’unités cette année. À supposer que, dans un avenir plus ou moins proche, les montres connectées atteignent de pareils sommets, vont-elles réellement menacer la montre mécanique, qui représenterait encore et toujours moins de 1 % de ce marché ? Malgré tout le respect que peut inspirer Apple, on aurait pu s’attendre à des arguments marketing, comme ses téléphones, plus intelligents. Dans ce cas de figure, une nouvelle lutte de David contre Goliath peut paraître hautement improbable, car la montre de David, tout comme celle, peut-être, de Goliath, ne souffre aucune comparaison dans son domaine. L’un ne va certainement pas chercher à « piquer » celle de l’autre. Question de territoire.

L’enjeu: la production de mouvements.
D’autres défis

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les horlogers. Se retranchent-ils derrière leurs barricades ? Certainement pas vu les grandes manœuvres qui se poursuivent, à l’instar de la reprise d’Ulysse Nardin. Mais de marques indépendantes représentant autant de cibles potentielles pour l’appétit vorace des grandes multinationales, il n’en reste plus guère qu’une petite poignée. De plus, si l’on applique les mêmes critères financiers que ceux ayant prévalu pour l’acquisition d’Ulysse Nardin, on atteint la stratosphère des fusions-acquisitions. Rappelons que le groupe Swatch avait sorti CHF 900 millions de ses caisses pour reprendre le roi du diamant Harry Winston au début 2013. Une transaction bon marché au regard des quelque CHF 2,8 milliards à débourser pour s’offrir un Audemars Piguet, voire plus de CHF 3 milliards pour un Chopard. À ce petit jeu des spéculations, Franck Muller et Breitling s’envoleraient pour, respectivement, CHF 1,2 et 1,4 milliard, Richard Mille pour CHF 550 millions, comme le souligne le magazine Bilan. Si tant est évidemment que l’indépendance de ces Maisons soit à monnayer, ce qui est loin d’être sûr.

Vu l’exiguïté de ce marché, l’enjeu, s’est donc largement déplacé vers ce qui va certainement constituer un des enjeux stratégiques majeurs de la profession dans les années à venir : la production de mouvements ! Et pour cause. Si Nick Hayek affiche une telle sérénité, cela tient également au fait qu’en termes d’approvisionnement de calibres les 18 marques qu’il dirige peuvent compter sur l’outil industriel du groupe Swatch, le plus performant au niveau mondial. Et comme ce dernier va progressivement assécher ses livraisons de mouvements et composants à l’ensemble des Maisons suisses, comme la Commission de la concurrence helvétique le lui a permis, cela signifie autant de capacités supplémentaires pour ses propres besoins. En sachant que rares sont les horlogers helvétiques à pouvoir se passer de la multinationale pour tout ou partie de ses mouvements, c’est dire si la menace est réelle, autrement plus sérieuse que celle des montres connectées. Pas étonnant dans ces conditions que les alternatives se multiplient. Seront-elles en nombre suffisant ?

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