S’il est un terme qu’Angelo Bonati exècre par-dessus tout lorsqu’il s’agit d’évoquer la marque qu’il dirige, c’est bien celui de « banalisation ». L’Histoire avec un grand H a fait des montres Panerai des « instruments » de plongée totalement atypiques, alors autant rester fidèle à cet esprit qui est assurément la pierre philosophale de la marque. Une fois ce principe de base posé, principe premier et divisible seulement en deux grandes familles de montres, la messe est dite. Distribution sélective, développement cohérent de produits, communication univoque, l’univers de la marque est pensé et réalisé en Luminor et Radiomir. Toute initiative qui tenterait de s’en écarter serait immanquablement sanctionnée d’ostracisme. « Nous avons bel et bien essayé d’introduire des changements dans notre approche du marché, notamment au niveau du cadran, plaide Angelo Bonati. Mais cela n’a pas marché. En conséquence, il n’est pas difficile de comprendre que tout ce qui est susceptible de polluer l’image de Panerai est à bannir. »
Les Paneristi ne l’admettraient pas. Car la Maison florentine est probablement le seul horloger à avoir réussi le tour de force de réunir autour de lui une communauté d’inconditionnels prêts à marcher sur l’eau si la Panerai de leurs rêves se trouvait sur l’autre rive. Communauté organisée avec sites internet dédiés qui n’est pas sans faire penser aux « ultras », ces tifosi qui vendraient même leur Alfa Romeo pour aller au stade de foot. En attendant, cette communauté a fait tache d’huile avec des ramifications qui s’étendent bien au-delà du Po pour toucher la Chine, un pays où la marque a l’insigne honneur d’être parmi les plus copiées de la branche. Angelo Bonati : « Telle est la rançon du succès, pourrait-on dire, même si ce phénomène de la contrefaçon nuit à l’image de la marque. On peut également se consoler en se disant que les personnes qui achètent sciemment une fausse Panerai ne seront jamais nos clients. En tout état de cause, ce ne sont pas eux que nous sommes venus rencontrer. À Watches&Wonders, nous avons l’occasion unique de parler avec de vrais amateurs basés dans la région qui affichent un intérêt marqué pour ce que nous faisons. »
Rares sont les objets datant de la première moitié du XXe siècle qui ont su résister au phénomène de mode.
Un boîtier « portable »
À leur intention, Panerai est venu avec son lot de nouveautés dans son escarcelle, essentiellement des extensions de la ligne Radiomir 1940, présentée il y a deux ans, qui a certainement inspiré ces lignes à l’historien d’art Philippe Daverio : « Rares sont les objets datant de la première moitié du XXe siècle qui ont su résister au phénomène de mode. Ceux qui y sont parvenus ont fait bien plus qu’illustrer une période et ses caractéristiques : ils ont également contribué activement à les définir. Ce sont aujourd’hui des archétypes ancrés dans la conscience collective. C’est ce qui est en train de se produire avec les montres florentines de Panerai. Ce sont des classiques de la modernité. » Ce style est donc parfaitement reflété par le boîtier de ces Radiomir 1940 qui témoigne de l’évolution des produits de la marque entre 1930 et 1950. De la Radiomir originale de 1936, la pièce conserve la carrure de forme coussin mais sans les anses à fil, remplacées par celles que l’on retrouvera dans les références Luminor 1950, références qui se verront, elles, dotées de l’emblématique dispositif protège-couronne. Outre le classicisme du modèle propre à séduire les amateurs asiatiques, la taille du boîtier se réduit également à 42 mm pour mieux épouser la morphologie de leur poignet. Et peut-être également pour tenter la gent féminine, qui ne représente jusqu’ici que 10 % de la clientèle Panerai.
Au programme de cette ligne Radiomir 1940, une version à remontage manuel doté du nouveau calibre P.1000 avec disposition de remise à zéro de la seconde et réserve de marche de trois jours grâce à deux barillets et une version automatique avec le mouvement P.4000. La ligne est ensuite complétée par deux modèles aux complications déjà introduites dans les autres collections de la marque, à savoir un GMT à 10 jours de réserve de marche (calibre P.2003/10) proposé dans un boîtier de 45 mm, et en 48 mm un tourbillon également GMT, mieux connu sous l’appellation Lo Scienziato (mouvement squelette P.2005/S). Fidèle à sa politique consistant à distiller çà et là quelques éditions limitées, Officine Panerai présente deux éditions spéciales de 300 exemplaires de la Luminor 1950 3 Days 47 mm en titane. Une horloge de table avec cadran classique Panerai protégé par une sphère en verre minéral complète la donne. Comme pour démontrer que, de temps à autre, une petite infidélité à l’orthodoxie est aussi guise d’excitation.