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Quelle politique de prix dans la Haute Horlogerie ?
Economie

Quelle politique de prix dans la Haute Horlogerie ?

lundi, 24 mars 2014
Par Flavia Giovannelli
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Flavia Giovannelli

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5 min de lecture

Comme le montrent les résultats des exportations horlogères, il s’agit du segment haut de gamme qui tire l’ensemble de la branche. Dès lors, les marques seraient-elles tentées par la voie de la facilité, à savoir augmenter leurs prix et monter en gamme ? Si certaines en donnent l’impression, l’analyse est un peu plus complexe, surtout si l’on réfléchit à long terme.

« Quoi ! Un quantième perpétuel à EUR 10’000 euros chez Montblanc, un tourbillon à EUR 50’000 chez Baume & Mercier ? » Au dernier Salon international de la Haute Horlogerie, tenu en janvier dernier, le dialogue entre visiteurs et représentants des marques se divisait comme d’habitude en deux genres : celui où une âpre discussion sur le prix s’instaure, pour peu que celui-ci soit mis en avant lors des présentations, et celui où le prix est à peine chuchoté tellement il est stratosphérique, glissé en fin de démonstrations axées sur les prouesses horlogères. Or, généralement, ce sont ces modèles-ci, produits en petites séries, qui partent les premiers, avant même la fin du SIHH ! On pense par exemple à la Ballon Bleu de Cartier, une marque qui présentait également des cadrans en marqueterie florale figurant un somptueux perroquet ; on pense également à la collection Les Fabuleux Ornements de Vacheron Constantin, qui mêle la technique du squelettage aux métiers d’art pour une édition limitée à 20 exemplaires ; on pense encore au chronomètre Aviation de Richard Mille, présenté comme le plus complexe de l’histoire horlogère, et à son prix, soit EUR 872’500 pièce. La série limitée de 30 exemplaires est déjà vendue avant même d’être fabriquée !

En résumé, l’entrée de gamme se situe chez nous vers les 8'000 francs.
Jean-Marc Jacot

Un seul chiffre résume ce succès : la croissance dans le segment de la Haute Horlogerie qui se maintient aux environs de 12 %, selon l’édition annuelle du World Watch Report. Il faut donc croire que cette stratégie qui consiste à se positionner dans le segment aux prix les plus élevés est la bonne. « C’est peut-être surprenant à dire, mais je constate que certains clients sont fiers d’indiquer le prix de leur acquisition quand celui-ci est élevé », s’amuse Jean-Marc Jacot. Un phénomène qui peut s’apparenter, selon le directeur de Parmigiani, à ceux qui ont cours dans le monde de l’art. À un moment donné, les limites deviennent floues ; on parle de coup de cœur, potentiellement d’un objet de collection, mais en tout état de cause d’une acquisition loin d’être indispensable. Pour cette marque de Haute Horlogerie, une des rares encore indépendantes, le constat est évident : « On ne saurait produire des montres de bonne qualité en dessous d’un certain plancher, poursuit Jean-Marc Jacot. Ce qui ne nous empêche pas de nous ouvrir à une nouvelle clientèle. En résumé, l’entrée de gamme se situe chez nous vers les 8’000 francs, en sachant que 60 à 70 % de nos modèles se situent entre 8’000 et 15’000 francs, comme la nouvelle Tonda Metro, par exemple. Un segment qui représente 40 % du chiffre d’affaires de Parmigiani. »

Démarche audacieuse

Pour ce qui est de Montblanc, qui présentait une première collection supervisée par Jérôme Lambert, récemment nommé à la tête de la Maison, tout le monde attendait de voir comment se traduirait la philosophie du nouveau patron. Avec près de 80’000 modèles écoulés chaque année, Montblanc dispose d’un outil de production qui lui permet de concrétiser une réflexion audacieuse en matière de positionnement, c’est-à-dire de s’attaquer au segment déjà très occupé des montres situées entre EUR 3’000 et EUR 7’000. Première surprise, Jérôme Lambert pense au contraire qu’il y a de la place : « Oui, le nombre de produits y est important, mais tout le monde fait la même chose. Offrir de la Haute Horlogerie à ce prix demande en revanche la réunion de plusieurs conditions. Il faut effectivement avoir une force de frappe suffisante pour développer des techniques innovantes et pour pouvoir écouler suffisamment de pièces dans des délais rapides.

Meisterstück Heritage Perpetual Calendar © Montblanc

Pour notre quantième perpétuel, par exemple, nous avons adopté une démarche radicale en pensant avant tout à la fonctionnalité et en laissant de côté la volonté qu’ont d’autres de vouloir absolument réaliser une complication à un prix élevé. » Jérôme Lambert évoque d’ailleurs une démarche similaire alors qu’il dirigeait Jaeger-LeCoultre, démarche qui avait abouti à la commercialisation d’un tourbillon à 50 000 francs.

Crédibilité auprès des détaillants

Ces efforts de démocratisation consentis par les marques ne relèvent bien sûr pas d’un acte désintéressé. Certains, comme Parmigiani, souhaitent ouvertement attirer de nouveaux clients grâce à des modèles bien précis. « Notre Tonda Métro, par exemple, véhicule le savoir-faire d’une marque forte, mais c’est un modèle aux fonctionnalités sobres, sans extravagance », résume Jean-Marc Jacot.
Les marques se doivent en effet de penser à l’acquisition d’une nouvelle clientèle et de s’efforcer de la fidéliser sur le long terme. Sans oublier les détaillants : « Il ne faut pas leur proposer uniquement cinq modèles par an, affirme Jean-Marc Jacot. Il faut qu’ils puissent avoir des produits qui tournent. C’est une question de crédibilité de la marque. » Une remarque particulièrement vraie lorsque la stratégie de distribution s’appuie sur des points de vente multimarques.

Je veille à avoir une collection homogène et à bien équilibrer valeur et quantité.
Jérôme Lambert

De son côté, Jérôme Lambert pense également qu’une certaine démocratisation peut se révéler au final profitable à l’ensemble de la branche : « Comme je l’ai toujours fait et donc également chez Montblanc, je veille à avoir une collection homogène et à bien équilibrer valeur et quantité. Je pense qu’un tel modèle d’affaires est plus sain, plus soutenable dans le temps, surtout si l’on acquiert une taille critique suffisante. »

Tous les patrons interrogés sont formels sur un point : il n’existe pas un modèle de développement uniforme puisque chaque marque a ses paramètres propres qui l’obligent à prendre des risques mesurés en matière de prix. Aujourd’hui, lorsque l’on voit les chiffres à l’exportation, soit CHF 21,8 milliards réalisés en 2013, ou les montants atteints par certaines pièces mises à l’encan, on pourrait croire que tout est possible, que les horlogers « font ce qu’ils veulent ». Rien n’est moins vrai. Si la Haute Horlogerie veut assurer ses ventes de demain, à trop tirer sur la corde celle-ci pourrait bien rompre. Question de confiance dans une juste mesure des prix !

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