La pièce obscurcie baigne dans une lumière tamisée. Une pièce au sommet de laquelle trône cette voûte d’un blanc albâtre qui surplombe la Bibliothèque Ambrosienne, à une dizaine de mètres du sol. La majesté de ces lieux feutrés, tapissés de livres, en impose et projette le visiteur aux temps où la transmission des savoirs passait par les manuscrits, enluminés pour les plus vénérables d’entre eux. Pour le confirmer, tout autour de cette aula séculaire, 24 « bornes » rythment l’espace, illuminant autant de pages signées de Léonard de Vinci, toutes tirées du Codex Atlanticus dont la Bibliothèque est la dépositaire. La sélection peut paraître infime si l’on songe que le Codex contient plus de 1’700 écrits et dessins figurant sur 402 folios. Il n’empêche, enfin restaurées et désormais visibles, les pages où l’on découvre les esquisses et l’écriture spéculaire caractéristique de cet érudit de la Renaissance ne se laissent pas admirer sans émotion. De celles qui font comprendre que le charme de Clio, muse de l’Histoire, ne cesse d’opérer.
Une fois n’est pas coutume, à ces 24 bornes, en quasi-vis-à-vis, répondent 20 présentoirs installés début avril par la Fondation de la Haute Horlogerie (FHH), curatrice de l’exposition « La Maîtrise du Temps », qui a pris ses quartiers à la Bibliothèque Ambrosienne pour une durée courant jusqu’à mi-juin. Face à ce jeu de miroir, où les pièces horlogères historiques et contemporaines font écho aux projections scientifiques sur papier de Vinci, on ne saurait dire qui, dans la maîtrise de l’espace-temps, a fait preuve du plus bel esprit. En tout état de cause, il ne fait pas de doute que, des deux côtés de la travée, le génie est à l’œuvre. Côté visiteurs, toutefois, c’est clairement en faveur de la mesure du temps que penche l’intérêt prédominant. En d’autres termes, les amateurs venus contempler des chefs-d’œuvre de la Renaissance n’avaient d’yeux que pour les garde-temps, surpris, il est vrai, de les découvrir intégrés dans une si belle perspective.
Les forces cosmologiques à l’œuvre
Force est de constater que, pour accompagner la présentation en italien de l’ouvrage historique de référence La Conquête du Temps, dont la FHH est éditrice et qui a précisément servi de fil rouge à cette exposition milanaise, celle-ci répond à un souci didactique de tous les instants. Le cheminement se veut aussi bien historique que scientifique, artistique que technique. Guide en main, le visiteur entame son périple par des pièces du XVIIe siècle pour terminer par ce que l’horlogerie contemporaine fait de mieux. Entretemps, il aura pu prendre toute la mesure des métiers d’art et des incartades faites à la mécanique en termes de mouvements électroniques. In fine, il aura certainement compris que la maîtrise du temps est une affaire de culture. Le choix de la Bibliothèque Ambrosienne relève de la même logique, comme l’explique Franco Cologni, Président du Conseil culturel de la FHH : « Il insère cette exposition dans un processus consistant à redécouvrir les valeurs ayant permis à l’humanité de se connecter aux forces mystérieuses et fascinantes qui transcendent les minutes, les heures, les jours. »
Ces forces cosmologiques ainsi mesurées en vertu et en fonction des contraintes de la vie sociale n’en restent pas moins celles qui président à notre univers et qui commandent les efforts ultimes pour leur donner du sens. Une visite à la Bibliothèque Ambrosienne en offre déjà quelques pistes.
« La Conquista del Tempo »
Veneranda Biblioteca Ambrosiana, sala Federiciana
Piazza Pio XI, 2 – 20123 Milano
Du 15 avril au 14 juin 2015