L’imposante statue d’une dizaine de mètres de haut est probablement la première chose qui impressionne le visiteur de Breitling Chronométrie, la manufacture de la Maison sise à La Chaux-de-Fonds. Une statue de Léon Breitling, fondateur de la marque en 1884 ? Certainement pas. Dans l’atrium, en face du spectateur quelque peu médusé, se tient le gardien des lieux, un colosse chinois, uniforme vert militaire sur le dos et fusil mitrailleur serré contre la poitrine. « Voilà le symbole de la Maison, explique pince-sans-rire Jean-Paul Girardin, vice-président de Breitling et directeur des opérations. En fait, il s’agit d’une commande de M. Schneider, propriétaire de Breitling, à un ami artiste chinois. Il voulait une œuvre qui symbolise les valeurs de la Maison. Dans un premier temps, son ami n’est montré quelque peu réticent étant donné le sujet. Mais finalement, la statue est arrivée à bon port… »
Au-delà de la connotation guerrière de cet hercule, force est de constater que le concept même de cette réalisation fait appel aux vertus que Breitling érige en principes depuis des décennies : rigueur, sérieux et efficacité. Au sein de la Maison, c’est la fonction qui prime. Celle qui s’exprime à travers les « instruments pour professionnels » de la marque. Tout le reste doit servir à la mettre en valeur. Il en va de même avec l’architecture des lieux, pensée dans une logique purement industrielle mais avec cette touche d’esthétisme épuré qui orchestre l’ordre en harmonie. Le géant G.I. Joe à la sauce chinoise se fond ainsi dans un décor où les toiles pop art faisant penser à l’univers BD de Buck Danny trouvent parfaitement leur place. Tout comme les bustes du vrai Léon Breitling cette fois, « uniformément » déclinés dans les couleurs les plus voyantes allant du vert au rose !
Un pas de géant avec le B01
Breitling Chronométrie, troisième entité de la Maison avec le siège à Granges et le bureau d’études Breitling Technologie à Genève, est clairement née d’une vision industrielle à long terme. Et d’une volonté enracinée d’indépendance qui passait par la réalisation d’un calibre maison. « En 2002 déjà, nous avons été informé par courrier que les livraisons d’ébauches et de composants de la part du groupe Swatch allaient être remises en question, poursuit Jean-Paul Girardin. Cela ne pouvait être plus clair. Nous devions absolument trouver une alternative. Celle-ci s’est assez rapidement présentée à Genève, où nous sommes entrés en contact avec des spécialistes capables de développer un calibre manufacture. La création de Professional Flight Instruments en a découlé, société rebaptisée depuis Breitling Technologie. Le cahier des charges correspondait en tous points à la démarche de la Maison : concevoir un mouvement chronographe à l’architecture ouverte, robuste, fiable, doté d’une réserve de marche de 70 heures et destiné à être certifié par le Contrôle officiel suisse des chronomètres. »
Il faudra deux ans de développement pour que Breitling arrive avec un premier prototype du mouvement B01. On est alors en 2006, et commence le délicat processus d’industrialisation qui prendra trois ans supplémentaires. C’est l’usine Breitling Chronométrie à La Chaux-de-Fonds qui va naturellement s’imposer comme site de production. Après la reprise de Kelek en 1997 et à l’étroit dans les locaux historiques vétustes de l’entreprise chaux-de-fonnière spécialisée dans l’assemblage et l’emboîtage des mouvements de la marque, Breitling avait acquis une nouvelle parcelle en bordure de ville. En 2001, un premier bâtiment voit le jour, bâtiment dont les surfaces seront triplées en 2007 pour accueillir le projet du B01, qui sera finalement présenté à Baselworld en 2009 dans un modèle Chronomat. Au total, il aura fallu cinq ans pour que Breitling acquière le statut de manufacture avec un mouvement désormais décliné en cinq versions dont un affichage 24 heures, un GMT ou encore un calibre heures universelles. Cinq ans dont plus de la moitié pour calibrer l’usine aux ambitions de la marque.