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Ballade à Baselworld avec Philippe Dufour
Baselworld

Ballade à Baselworld avec Philippe Dufour

samedi, 5 avril 2008
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Cette année, Philippe Dufour n’a pas de stand au Salon Mondial de l’Horlogerie. Pour la simple raison qu’il n’a rien à vendre et doit refuser les commandes. L’occasion pour ce puriste de l’horlogerie de livrer quelques réflexions.

La pipe est toujours là, le sourire également, tout comme le regard acéré sur la production horlogère contemporaine. Seul son stand manque à l’appel cette année, le stand Philippe Dufour, généralement positionné en face de l’Académie Horlogère des créateurs indépendants. « Je suis en quelque sorte en année sabbatique, expose le créateur qui est quand même venu à Bâle prendre le pouls de la profession. Je commençais à trouver pénible d’exposer des montres et de ne rien pouvoir vendre car sur la Simplicity, je ne prends plus de commandes. Je me rends compte aujourd’hui que c’était une folie d’annoncer la production de 200 Simplicity. Comme je n’arrive pas à trouver une équipe pour me soutenir, les délais de production vont s’allonger jusque vers 2011. »

Philippe Dufour se retrouve aujourd’hui avec un seul collaborateur pour le seconder.
Un visionnaire avant terme

Philippe Dufour pouvait toutefois nourrir quelque espoir sur la relève l’an dernier, son atelier ne comptant pas moins de 5 professionnels formés progressivement à la philosophie du maître des céans. Las, depuis l’équipe a fondu et Philippe Dufour se retrouve aujourd’hui avec un seul collaborateur pour le seconder, fidèle et compétent certes mais n’ayant le don ni d’ubiquité ni de produire son propre clone. Conséquence : le successeur de la Simplicity, dont Philippe Dufour tait sagement le profil, végète encore dans les limbes du créateur. « Idéalement, j’aimerais pouvoir m’y consacrer deux jours par semaine, explique-t-il. Mais à deux dans l’atelier, c’est impossible. Et comme je ne peux m’y mettre que quelques heures par ci par là, cela demande évidemment plus de temps car à chaque fois il faut se remettre dans l’ambiance. Une chose est sûre toutefois, je n’annoncerai pas de limitation du nombre de pièces et je vais démarrer avec la production d’une vingtaine d’exemplaires, tout en sachant que dès leur commercialisation, ils seront tous vendus en une semaine, voire même accaparés par un seul acheteur si je ne fais pas attention. »

Cette situation ne manque assurément pas de confort pour Philippe Dufour, volontiers traité de fou lorsqu’il s’est mis à faire ses propres montres dans les années 90. « Avec le recul, je peux affirmer sans fausse modestie avoir été visionnaire au sein de la profession. Il n’y pas si longtemps, on me montrait encore du doigt en raillant ma façon de travailler. Aujourd’hui, tout le monde cherche des angleurs, une profession qui avait quasi disparu. En d’autres termes, on ne peut plus envisager produire des montres aujourd’hui sans y apporter une réelle valeur ajoutée. Et cela vient en grande partie du consommateur, de mieux en mieux informé, notamment via Internet, et capable d’apprécier et de juger le travail de l’horloger. Cette évolution a poussé les Maisons à faire mieux, comme Eterna cette année qui sort un mouvement rectangulaire, une merveille. »

Un « fou » dont on raffole

Si ce purisme de Philippe Dufour n’est pas du goût de tout le monde – rappelons qu’il est persona non grata à l’Ecole technique de la Vallée du Joux – d’autres, en revanche, en raffolent, comme les Japonais grands demandeurs de son expérience de la finition horlogère. « Qu’importe si l’on ne me veut pas à l’école du Sentier ! L’horlogerie est universelle. L’important, c’est de ne pas perdre ce savoir-faire que ce soit au Japon ou en Suisse. Les Japonais réalisent d’ailleurs de magnifiques pièces et peuvent se targuer d’avoir une avance technologique de dix ans, comme le démontre le Spring Drive. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’industrie automobile, notamment dans la motorisation hybride. Les collections que Seiko a développées pour son marché domestique offrent en ce sens un excellent exemple. Il faut voir la finition des ponts, les cadrans en porcelaine, les efforts réalisés dans l’extension de la réserve de marche de 42 à 60 heures… »

Les récents développements montrent bien que la création horlogère va dans tous les sens en termes de complications.
Philippe Dufour

Reste que cette réponse nipponne au perfectionnisme helvétique intervient dans une période où tout est bon pour l’horlogerie, où tout est permis et où l’euphorie ambiante permet de faire tout et n’importe quoi, selon les termes de Philippe Dufour : « les récents développements montrent bien que la création horlogère va dans tous les sens en termes de complications, de sophistication comme de design. Mais c’est l’époque qui veut ça. Une époque un peu folle où la quasi-totalité des marchés sont demandeurs. Il reste juste à espérer que cela dure. Une respiration, un ralentissement seraient certes bienvenus mais je crains qu’en cas de retournement des marchés, les conséquences ne soient tout simplement désastreuses. » Et Philippe Dufour de prendre la Vallée de Joux en exemple, un endroit à la population de 6’200 personnes, inchangée depuis le début du siècle et dont les forces vives viennent aujourd’hui de France voisine. Que se passerait-il pour les Communes de la région si elles perdaient tout à coup une grande partie de leurs rentrées fiscales en raison d’une main-d’œuvre frontalière devenue soudain pléthorique ? « Rolex vient de reprendre une ancienne usine de lunetterie dans la région pour y créer des ateliers d’horlogerie, conclut Philippe Dufour. Voilà une décision intelligente. » A la fin de Baselworld, les idées seront peut-être plus claires.

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