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Baselworld en quête d’un nouveau modèle
Baselworld

Baselworld en quête d’un nouveau modèle

dimanche, 25 mars 2018
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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5 min de lecture

Le Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie a vu le nombre de ses exposants diminuer de moitié en un an. Une hémorragie très contrastée avec la reprise d’une industrie qui renoue avec la croissance depuis près d’un an. État de lieux.

On avait été habitué à une fourmilière industrieuse avec près de 150 000 visiteurs jouant des coudes durant une petite dizaine de jours pour accéder au saint des saints, à savoir 1’500 exposants venus des quatre coins de la planète pour « faire » l’année horlogère à Baselworld. Ce Salon, c’était le rendez-vous de la démesure, l’incontournable manifestation professionnelle de la branche qui réunissait grandes et petites marques, joailliers et lapidaires, fabricants de machines-outils et pavillons aux couleurs de Hong Kong ou du Japon. Baselworld, c’était un monde merveilleux dédié à la découverte et à l’innovation, la grand-messe d’une industrie partie à la conquête du monde. Alors tant pis si quelques anicroches, notamment pécuniaires, devaient parfois ternir un ciel si serein, l’ambition de servir la cause horlogère – helvétique avant tout – l’a toujours emporté. Las, les revers conjoncturels, conjugués à de profonds bouleversements dans les réseaux de distribution et à l’émergence d’une nouvelle génération de consommateurs, ont eu raison de ce bel enthousiasme. En l’espace de deux ans, Baselworld a perdu de la substance. Considérablement ! Le nombre d’exposants a ainsi chuté, passant de 1’500 en 2016 à 650 cette année. Même constat au niveau des Maisons suisses, encore au nombre de 220 l’an dernier, pour tomber à 130 lors de cette édition dont 104 horlogers.

Conférence de presse © Baselworld 2018
Conférence de presse © Baselworld 2018

Et pourtant, du côté conjoncturel, plus question de peindre le diable sur la muraille. Comme le disait François Thiébaud, président du Comité des exposants suisses, en préambule de Baselworld 2018, « l’horlogerie suisse ne se porte pas si mal ». De fait, le renchérissement du franc, le marasme qui a touché Hong Kong et les incertitudes politiques font largement partie du passé. Après une longue traversée du désert entamée en 2015, l’industrie horlogère suisse relève la tête depuis le second semestre de l’an dernier, synonyme d’exportations en hausse de 4,9 % lors des six derniers mois de l’année 2017. Mieux, janvier et février derniers ont connu une progression supérieure à 12 % avec des pics de croissance de 34 % en Chine, de 28 % à Hong Kong ou encore de 11 % aux États-Unis, les trois premiers marchés pour les gardiens du temps helvétiques. Dans ce contexte, avec des Maisons horlogères plutôt habituées à des cycles longs et donc peu enclines à surréagir au moindre accroc, il serait totalement erroné de mettre l’hémorragie bâloise sur le seul compte d’un environnement économique difficile. L’industrie en a vu d’autres, et des pires.

Baselworld veut désormais miser sur la qualité en se concentrant sur les meilleurs, sur l’élite de la profession.

Pour les dirigeants d’une manifestation soumise au régime minceur le plus drastique de son histoire séculaire, c’est pourtant de ce côté qu’il faut regarder : « C’est indéniable, la branche connaît aujourd’hui de profondes mutations, expliquait Sylvie Ritter, directrice de Baselworld, lors de l’ouverture du Salon. Nous assistons à un phénomène de concentration qui renforce les acteurs les plus importants, non sans poser de problèmes aux moins bien positionnés. Or cette évolution a des répercussions sur Baselworld. » Pour Sylvie Ritter, deux options se présentaient donc aux éminences grises du Salon : « soit l’expansion (sic !), soit la concentration », pour reprendre les mots de la directrice. Pas besoin de réfléchir longtemps pour deviner de quel côté la balance a penché. Baselworld veut désormais miser sur la qualité en se concentrant sur les meilleurs, sur l’élite de la profession qui constitue à elle seule l’essentiel des exportations de la branche. La conclusion s’impose : médiocres et petites Maisons sans le sou sont priées de s’abstenir. Ils étaient visiblement bien trop nombreux ces dernières années pour prétendre encore participer à la sainte cène.

Le plus étonnant dans cette interprétation qui manque singulièrement d’autocritique et qui dégage des effluves passablement nauséabonds d’eugénisme, c’est qu’elle rate terriblement sa cible. Plus fondamentalement, la question qui se pose est bien celle des Salons eux-mêmes, de leur utilité et de leur organisation à l’ère du tout-numérique. Personne ne saurait mettre en doute la nécessité de rencontres physiques entre êtres humains de bonne volonté et le besoin tout aussi important de pouvoir toucher et porter des pièces horlogères dont la principale vertu est de susciter une véritable émotion. Mais au-delà de cette vérité première, tout est sujet à caution. Est-il encore besoin d’ériger des temples architecturaux qui demandent un mois de construction pour y présenter des montres pour la plupart dessinées et conçues il y a quelques décennies ? Faut-il encore faire venir un wagon de célébrités déclarant sourire aux dents que la montre qu’elles ont reçue est irrésistible ? Est-il indispensable de déverser des torrents de champagne sur une horde de pique-assiette venus quémander l’aumône ? Bienvenue dans le monde du luxe ! Pour caricatural, le tableau n’en suscite pas moins des interrogations quant au futur modèle de Salon professionnel. Car une chose est sûre, celui de Baselworld est à réinventer.

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