C’est avec un peu plus de 500 exposants que s’ouvre cette année Baselworld, soit encore 150 de moins que l’an dernier. Une véritable hémorragie, si l’on songe qu’au meilleur de sa forme, en 2011, la manifestation comptait quelque 1 900 stands. Entré en fonction en juillet 2018, le nouveau directeur, Michel Loris-Melikoff, n’a eu que quelques mois pour revoir le concept du Salon. D’un rendez-vous purement commercial servant à passer des commandes, celui-ci évolue vers une plateforme d’échanges, de découvertes et de communication. Parmi les nouveautés, l’édition 2019 accueille ainsi une exposition, une scène baptisée « Show Plaza », un espace central plus convivial ainsi qu’un quartier des indépendants baptisé « Les Ateliers » et un « Incubateur » pour les créateurs horlogers. Si ces éléments cosmétiques sont les bienvenus, c’est cependant sur un autre front que les organisateurs vont devoir le plus convaincre : celui de la gouvernance. Nombre de marques ayant quitté les bords du Rhin s’estimaient en effet victimes d’un racket organisé. Une critique que reconnaît le nouveau patron, dont l’un des premiers gestes fut de baisser les tarifs et signer une charte de bonne conduite avec les hôteliers.
Rappel des faits : en plein milieu de l’été 2018, le coup de sang de Nick Hayek a fait l’effet d’une bombe. Le patron de Swatch Group annonçait son retrait de Baselworld, sans préavis. Longines et Tissot y étaient présentes depuis les débuts de la manifestation en 1917. Dans le sillage du numéro 1 mondial de l’horlogerie, les annonces de départ ont alors ruisselé jusqu’à l’automne : après les dizaines de défections enregistrées pour l’édition 2018, parmi lesquelles Louis Erard, Ebel, Movado, Eberhard, Dior, Fendi, Swarovski ou encore Festina, ce fut au tour de Corum, Raymond Weil et Maurice Lacroix de communiquer leur volonté de quitter Bâle. Dans la foulée, René Kamm, CEO de MCH Group, société propriétaire des murs et du Salon, a remis sa démission, quelques mois après Sylvie Ritter, qui dirigeait Baselworld.
Partenariat avec les hôteliers
C’est dans ce contexte qu’est arrivé Michel Loris-Melikoff. Et sa tâche est énorme. Pour le moins. L’ancien directeur de MCH Beaulieu Lausanne s’est vu confier un double défi : transformer radicalement la manifestation pour répondre aux nouvelles aspirations de l’ère Internet et regagner la confiance des clients après les excès du passé. En bon communicateur, il s’empresse de battre sa coulpe : « Tous les exposants qui avaient quitté Baselworld l’ont fait pour les mêmes raisons. Celles-ci sont connues : le prix du mètre carré, un certain mécontentement relatif aux emplacements, ainsi que des tarifs d’hébergement et d’autres services trop élevés. Mais nous avons déjà revu tout cela et sommes en train de travailler à les faire revenir. Il faut cependant plus d’une édition pour y parvenir. »
Nous sommes en train de travailler à faire revenir les exposants qui ont quitté Bâle.
L’une des premières initiatives du nouveau directeur a en effet été de négocier un partenariat avec le secteur hôtelier. Quarante établissements de la région, représentant plus des deux tiers des capacités d’hébergement, ont ainsi accepté d’uniformiser les prix des chambres en fonction du standing d’une part, de renoncer à imposer une durée minimale et des consommations d’autre part. Autres réformes, à l’interne cette fois : le prix des locations et des prestations, ainsi que les modalités contractuelles.
« Nous avons revu toute la tarification, de même que la durée des contrats. Les exposants ne sont plus prêts à signer pour trois ou cinq ans. Ils veulent se prononcer sur leur participation d’année en année. » Un travail de fond, donc, pour lequel Michel Loris-Melikoff s’est déplacé personnellement auprès des acteurs concernés. Et les premiers résultats sont là : alors que la dernière édition ne comptait plus un seul sous-traitant, ils sont une quinzaine à revenir en 2019.
Nous avons revu toute la tarification, de même que la durée des contrats.
Tapis rouge aux indépendants
Présentes également et pour la première fois, une poignée de start-up horlogères. Auparavant éparpillés dans les hôtels avoisinants, ou absents de Bâle pour des raisons budgétaires, ces petits créateurs sont logés dans le nouvel « Incubateur », un espace aménagé de manière simple mais qui se veut plus accessible pour les jeunes marques. Avec « Les Ateliers » juste à côté, quartier réservé aux indépendants, Baselworld fait la part belle à cette frange de l’horlogerie, certes modeste en termes de production mais extrêmement dynamique. Une évolution qui s’inscrit dans la volonté d’augmenter l’attractivité de Baselworld : « Nous devons nous efforcer de proposer une offre plus personnalisée », insiste le directeur.
Le « Show Plaza » répond aux mêmes attentes. Au deuxième étage de la halle principale, une scène doit permettre aux marques de présenter leurs nouveautés dans un environnement « cosy ». Une possibilité nouvelle qui intéresse particulièrement les maisons joaillières, dont plusieurs ont prévu des défilés de mannequins.
Reste que l’horlogerie a connu ces dix dernières années une évolution importante de son modèle d’affaires. Les marques n’attendent plus le grand raout du printemps pour dévoiler leurs modèles mais préfèrent répartir les lancements tout au long de l’année. Aidées en cela par les nouveaux moyens de communication, réseaux sociaux en tête. « Mais une chose ne changera jamais, souligne Michel Loris-Melikoff. Si vous voulez rencontrer l’ensemble d’une profession en un seul endroit, cela sera toujours dans un Salon ! Tous les détaillants ou les grossistes avec qui je parle me disent qu’ils n’ont pas le temps d’assister à des événements tous les week-ends. Si toutes les marques s’y mettent, ce n’est pas gérable. Nous avons l’avantage unique de pouvoir réunir tout le monde en un seul lieu. »