Bien que réputées pour le caractère français qui émane de leur style, ces marques assurent la fabrication de leurs montres en Suisse, où elles peuvent revendiquer des compétences qui ne sont pas disponibles en France, comme l’a déclaré Georges Kern, CEO d’IWC Schaffhausen : « Les Suisses ont la réputation de produire les montres de la plus haute qualité comme les Allemands ont la réputation de produire les meilleures voitures au monde… On ne saurait se satisfaire d’imitations. »
Fabriqué en Suisse
Si elle est connue essentiellement pour ses sacs, ceintures et vestes en cuir, la Maison Hermès a franchi une étape décisive dans l’industrie horlogère – secteur qu’elle a abordé dès les années 1920 en dessinant des bracelets – quand elle a pris 25 % des parts de la manufacture Vaucher. La marque avait connu le succès bien avant, avec des modèles munis de mouvements à quartz ou automatiques standard comme les Arceau ou Cape Cod, mais, depuis dix ans qu’elle collabore avec la manufacture Vaucher, elle a pris pied dans la Haute Horlogerie. La collection Slim en devient l’exemple le plus remarquable – depuis le début de l’année, elle a généré 11,54 % de citations de plus que la ligne Master Ultra-Thin de Jaeger-LeCoultre sur les réseaux sociaux.
De son côté, la Maison de luxe française Louis Vuitton dispose d’excellentes références horlogères depuis le lancement de la Tambour en 2002. Cependant, au cours de ces dernières années, elle a intensifié sa percée dans l’industrie. Elle a saisi l’occasion de racheter une petite entité suisse spécialisée dans la conception de mouvements pour ouvrir à Genève en 2014 son nouvel atelier baptisé La Fabrique du Temps. En 2016, elle décroche le Poinçon de Genève pour son Tourbillon Volant. À première vue, il semble donc que les maisons de luxe françaises aient souhaité implanter leurs divisions horlogères à distance et renoncer à la francité qui les caractérise pour apparaître plus compétentes et susciter un plus grand respect de la part de leurs pairs en arborant le « Swiss made ».
Dessiné en France
Toutefois, si elles veulent des collections qui collent à l’esprit d’innovation propre à l’horlogerie Suisse, ces maisons de luxe préservent un lien puissant entre leurs montres et leurs autres collections. Chanel et Dior revendiquent le « made in Switzerland » pour des montres qui sont néanmoins profondément inspirées par la haute couture. Les divisions horlogères vont au-delà de la technique pour créer des pièces qui arborent fièrement leur statut d’accessoires de mode. Une pratique par ailleurs suivie par la marque de bijouterie et d’horlogerie française Cartier. Ainsi, la Dior VIII, la montre la plus connue de la Maison, a été dessinée en plusieurs variantes qui évoquent clairement le style des tenues auxquelles elles rendent hommage. La VIII Grand Bal joue sur l’importance donnée par Christian Dior à la robe de bal, alors que la célèbre J12 de Chanel adopte le noir et le blanc chers à Coco Chanel.
Mais c’est peut-être à travers les métiers d’art horlogers que le « style » de l’horlogerie française s’exprime véritablement. La pratique adoptée par la division horlogère de Chanel fait merveille dans la collection Mademoiselle Privé. Les artisans visent à transformer les cadrans de montre en toiles de maître et produisent des motifs ou illustrations extrêmement complexes. Cette année, pour Baselworld, Chanel a enrichi la collection de cinq pièces uniques. Inspirées par les décors de Coromandel chinois, elles représentent de minuscules oiseaux en or 18 carats beiges entourés de décors floraux.
De même, Hermès a adopté les métiers d’art pour trois nouvelles montres de poche. Décorées selon la technique de la peinture miniature, elles ont été inspirées par le dessin du carré de soie « La Promenade de Platon » réalisé par l’artiste Annie Faivre. Si les maisons de luxe françaises se tournent vers la Suisse en ce qui concerne l’expertise purement horlogère, elles partagent une philosophie qui veut que leurs montres soient cohérentes par rapport aux autres collections de mode.