En octobre dernier, le CEO de MB-Microtec Roger Siegenthaler a inauguré le nouveau bâtiment de l’entreprise à Niederwangen, dans la banlieue bernoise. Par ricochet, l’événement a occasionné la célébration du 100e anniversaire de la société mère, fondée en 1918 par les chimistes Walter Merz et Albert Benteli. Cette dernière a commencé par développer des colles spéciales destinées à l’application de substances luminescentes, du radium et plus tard du tritium, sur les cadrans et aiguilles de montre ou de boussole. Ces produits furent en outre largement utilisés dans l’aviation, pour les instruments de bord, et dans l’industrie de l’armement, pour les jauges de visée. Les fameuses colles Cementit, toujours en production, en sont des produits dérivés : comme la quantité de colle nécessaire aux substances luminescentes était très faible, on a judicieusement saisi l’opportunité d’en utiliser les excédents pour remplir des tubes vendus séparément.
En 1968, Merz + Benteli a été scindée en deux sociétés indépendantes, Merz + Benteli et MB-Microtec. Alors que la première s’est spécialisée dans la production de colles à usage universel, la seconde a continué à développer des composants luminescents. Il y a longtemps que le radium, très radioactif et donc dangereux pour ceux qui le manipulaient comme pour les clients, a été abandonné au profit du tritium. Ce dernier, nettement moins radioactif, a été largement utilisé en horlogerie avant l’apparition, en 1998, du LumiNova inerte inventé et commercialisé par l’entreprise japonaise Nemoto & Company.
Une luminescence pour 20 ans
MB-Microtec est quant à elle restée fidèle au tritium pour avoir depuis longtemps trouvé le moyen d’en tirer parti sans pâtir des dangers liés à sa production et à son utilisation. La solution repose sur l’emploi de tubes de verre recouverts de sulfure de zinc sur les parois intérieures et remplis de tritium gazeux. Une fois remplis, les tubes sont hermétiquement fermés à chaque extrémité par soudure au laser. Le gaz emprisonné réagit au contact du sulfure de zinc pour émettre de la lumière, sans discontinuité pendant au moins 20 ans. Ce processus est généralement appelé GTLS, pour Gaseous Tritium Light Source. La désintégration radioactive du gaz permet aux atomes de tritium d’émettre des électrons qui entrent en contact avec le sulfure de zinc pour produire des photons. Nulle crainte à avoir quant à la radiation : elle est aussi faible que celle d’un fruit comme la banane.
MB-Microtec produit des tubes de verre luminescents de différentes couleurs, dans des diamètres allant de 0,3 à 0,5 mm. Elle peut également réaliser des formes originales comme des billes ou des lentilles. Les tubes les plus fins sont si légers qu’ils peuvent être utilisés sur les aiguilles et cadrans de montre. MB-Microtec fournit une cinquantaine de marques de montres dont Luminox, l’une des plus connues, ainsi que Traser et Ball Watch, dont elle est propriétaire. Les tubes miniatures sont logés dans des cavités sur les aiguilles et cadrans. Ces composants luminescents baptisés Trigalight présentent l’immense avantage de rayonner en continu sans l’intervention d’une source extérieure. À la différence de la luminescence du Super-LumiNova, qui nécessite une exposition préalable à la lumière avant de s’estomper progressivement. Les montres dotées de Trigalight sont donc idéales dans des environnements sombres comme les caves et partout où les sources de lumière sont à éviter comme lors des opérations militaires. C’est pourquoi il n’est pas surprenant que les membres de l’US Army aient été parmi les premiers à accueillir favorablement les montres Lumiox intégrant les tubes luminescents de MB-Microtec. Ces montres sont commercialisées depuis 1989 par l’Américain Barry Cohen, fondateur de la société, qui a cru dans le potentiel horloger de cette technologie.