La bête noire du détaillant, ce sont les stocks. Ces invendus qui s’accumulent, mobilisent du capital, se déprécient et finissent par péjorer l’actif de son bilan, précisément scruté à la loupe par son banquier. Cette situation, un mirage en période conjoncturelle propice, est aujourd’hui en train d’envenimer les marchés où certains revendeurs, comme à Hong Kong, ont tiré la sonnette d’alarme. Dans un passé récent, pareille situation s’était déjà produite à la suite de la crise des subprimes de 2008. Le scénario se répète aujourd’hui vu que la croissance horlogère est en berne : le recul de 8,9 % des exportations horlogères suisses en mai a fait passer dans le rouge les statistiques des cinq premiers mois de l’année à – 0,3 %.
Si personne n’oserait se réjouir d’une telle situation, elle n’en est pourtant pas funeste pour tout le monde. Depuis plusieurs années, un homme s’est en effet ingénié à proposer des solutions permettant d’écouler cette encombrante « marchandise ». Des solutions certainement praticables si l’on en croit le degré de notoriété de Maurice Goldberger au sein de la branche horlogère. Mais comme son activité se porte d’autant mieux qu’elle se passe dans les coulisses, il a beau être connu comme le loup blanc, personne, ô grand jamais, ne travaille avec lui. Interroger Maurice Goldberger sur la question ne donnera guère plus de succès tant son amnésie soudaine semble incurable.
Tout le monde s’y retrouve
Qu’à cela ne tienne ! Ce Canadien à la tête de Chiron – du nom d’un centaure précepteur d’Achille – était de passage à Genève pour exposer sa dernière trouvaille : le « restockage collaboratif », une solution spécifiquement dédiée aux détaillants qu’il aura mis trois ans à élaborer. « D’un côté, j’étais de plus en plus sollicité par des revendeurs en manque de liquidités qui se retrouvaient avec un vieil inventaire sur les bras et, de l’autre, je sentais bien le potentiel que pouvait offrir le marché américain pour ce type de produits, expose Maurice Goldberger. Il s’agit là d’une particularité que l’on trouve aux États-Unis et rarement ailleurs. Il existe une clientèle très intéressée par les produits d’occasion et notamment par les montres. Ces personnes en quête de la bonne affaire passent pour des malins s’ils arrivent à dénicher le garde-temps qui leur plaît. Sur les autres marchés, c’est généralement le neuf qui l’emporte. »
Concrètement, Maurice Goldberger va donc racheter ces stocks et en prendre la responsabilité au niveau de la garantie et de l’entretien, quels que soient les volumes et l’état des garde-temps. Ces pièces seront revendues aux États-Unis en tant que produits d’occasion dans des boutiques d’accessoires vintage, lors de ventes privées ou de foires aux montres et bijoux anciens, jamais via Internet. « Aucun problème pour écouler ces montres, assure Maurice Goldberger. Je pourrais d’ailleurs largement augmenter ces ventes tant la demande est importante. » Inutile de dire que Maurice Goldberger n’achète pas ces pièces à la même valeur d’acquisition que les détaillants. Et c’est là que réside l’astuce de la démarche. Le manque à gagner pour le revendeur est compensé par une ligne de crédit accordée par la marque auprès de laquelle il va passer commande des modèles de l’année, généralement dans un rapport de « un pour trois ». Cette entente tripartie permet ainsi au détaillant de renouveler son stock, à la marque de placer ses nouveautés et à Maurice Goldberger d’entretenir son volume d’affaires. Certes, les Maisons horlogères et les revendeurs doivent faire des sacrifices sur leurs marges, mais ils s’ôtent une épine du pied avec le plus grand soulagement. Pour les quelques mois à venir, il y a fort à parier que plus d’un détaillant va s’en remettre aux « bons soins du docteur Goldberger ».