>SHOP

restez informés

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle pour recevoir des infos et tendances exclusives

Suivez-nous sur toutes nos plateformes

Pour encore plus d'actualités, de tendances et d'inspiration

Entre Apple et les horlogers suisses, une « expérience...
Economie

Entre Apple et les horlogers suisses, une « expérience client » de retard ?

jeudi, 26 août 2021
fermer
Editor Image
Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

Lire plus

CLOSE
6 min de lecture

L’inexorable montée en puissance des Apple Watch et l’érosion inquiétante de volumes d’exportation de montres suisses pose la question de l’attrait qu’exercent les unes et les autres à la lumière de l’incontournable expérience client.

Lorsqu’il s’agit de l’avenir de l’horlogerie helvétique, d’aucuns se plaisent à évoquer la montée en puissance des montres connectées comme une menace planant sur la profession comme le fut la montre électronique « Made in Japan » à la fin des années 1970. Cette funeste réminiscence du passé, synonyme de crise majeure pour les gardiens du temps helvétiques, se veut aujourd’hui tempérée par l’argument imparable selon lequel, entre un garde-temps mécanique suisse et une montre « intelligente » en provenance de Cupertino, comparaison n’est pas raison. En d’autres termes, à ma droite, un produit authentique et émotionnel issu de quatre siècles de savoir-faire et de tradition et de l’autre, un item impersonnel, voué à une obsolescence programmée dont le principal atout vient du fait qu’il incitera immanquablement son propriétaire à opter tôt ou tard pour une montre mécanique suisse, produit authentique et émotionnel… Autrement dit la boucle est bouclée.

De l’émotionnel à l’aléatoire

Au-delà du fait qu’une montre mécanique suisse est effectivement un tout autre produit qu’une smartwatch et que l’une et l’autre revêtent des valeurs fondamentalement différentes, on aurait tort d’ignorer ce qui se passe sur les marchés. Un constat qui doit évidemment faire réfléchir. Même si Apple cultive l’opacité sur l’apport financier de ses montres, il ne fait guère de doute qu’en terme de volumes, le géant californien a largement dépassé l’ensemble de l’horlogerie suisse en 2019 déjà. En six ans, Apple est ainsi devenu le premier « horloger » mondial avec plus de 30 millions d’Apple Watch écoulées en 2020. Du côté helvétique, c’est le phénomène exactement inverse qui se produit, synonyme d’une érosion des volumes d’exportation qui commence à devenir réellement inquiétante. De 28 millions de pièces en 2015, les expéditions de montres suisses à l’étranger ont chuté à 20 millions en 2019. Et l’hémorragie est loin d’être stoppée. Sur le premier semestre 2021, la chute est encore de 30,4% à 7 millions de pièces par rapport à la même période 2019, l’année 2020 ne donnant pas une base comparable significative en raison de la crise sanitaire.

Apple Watch Series 6 Hermes

Avec une telle mise en perspective, c’est le modèle d’affaires des horlogers suisses, comparativement à celui des géants de l’électronique comme Apple, qui est passé au crible avec leurs capacités d’innovation en arrière-fond. Vu de l’extérieur et crument dit, on peut effectivement se demander ce qui distingue les principales marques suisses, dont les produits couvrent toutes les tailles et toutes les catégories avec quelques spécificités en termes de design et un petit nombre de modèles iconiques qui ont traversé les âges. « La plupart des montres suisses sont vendues dans des environnements multimarques avec, comme principal facteur de différentiation, leurs références à l’histoire et à l’artisanat. Mais comme toutes ces marques vendent de l’histoire et de l’artisanat, il n’y a aucune différence du point de vue du consommateur, explique Daniel Langer, professeur à la Pepperdine University de Malibu (Californie) et CEO d’Équité spécialisé dans les stratégies du luxe. Même leurs approches publicitaires sont fondamentalement les mêmes, basées sur les célébrités et les influenceurs. Comme ces produits et leur histoire se ressemblent de plus en plus, même à un haut niveau de qualité, les consommateurs peuvent difficilement distinguer les raisons d’acheter une marque spécifique. Et ce qui devrait être un choix émotionnel devient presque une décision aléatoire. »

Un modèle sans avenir ?

Le modèle de ventes au détail des horlogers helvétiques n’a pas d’avantage l’assentiment de Daniel Langer qui y voit « l’une des pires interactions avec le client, tous secteurs confondus ». Comme ce modèle est essentiellement transactionnel, la plupart des marques ne construisent pas de relations à long terme avec leurs clients, mis à part l’envoi de lettres d’information. Conséquence, les marques investissent des fortunes en publicité pour obtenir une transaction qui met un terme à leur connexion avec le consommateur. En un mot, un modèle sans avenir. « Cette situation contraste fortement avec le modèle d’Apple qui consiste à créer une plateforme de marque et à interagir en permanence avec les consommateurs, en leur offrant une expérience de vente au détail numérique et physique totalement intégrée, engageante et inspirante », poursuit Daniel Langer. Sans oublier les services numériques additionnels qui accompagnent chaque Apple Watch dans le domaine de la santé ou des paiements sans contact, pour ne citer que deux exemples, et qui séduisent de plus en plus, sans option de retour à la montre mécanique.

Naomi Osaka x TAG Heuer

« D’une manière générale, pour ce qui est de l’horlogerie, on peut déplorer que les Maisons n’aient pas fait preuve jusqu’ici d’autant d’innovation dans la relation client qu’elles ont su insuffler dans leurs produits qui, eux, sont à la pointe de la technologie ! », expliquait récemment Alexandre Wehrlin, Directeur de l’European Business School Genève. Dans ce contexte, on peut effectivement se demander vers quel type de produit va pencher le cœur des milléniaux et de la génération Z, dont les choix sont aussi et surtout dicté par l’épaisseur de leur portemonnaie. Si l’expérience client doit y être pour quelque chose, poser la question, c’est probablement y répondre…

Haut de page