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François-Paul Journe, le passé recomposé
Actualités

François-Paul Journe, le passé recomposé

mardi, 4 avril 2017
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Marie de Pimodan-Bugnon
Journaliste indépendante

“Il faut absolument être moderne.”

Arthur Rimbaud

De la passion, beaucoup de curiosité et une bonne dose d’émerveillement ! La recette essentielle pour raconter les mille et une facettes de l’horlogerie…

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7 min de lecture

Depuis plus de 30 ans, ses créations s’inspirent des grands maîtres de l’horlogerie. Récompensé par le prix « Hommage au talent » de la Fondation de la Haute Horlogerie, François-Paul Journe nous a ouvert les portes de sa manufacture. Rencontre.

Certains lieux, plus que d’autres, en disent long sur leur propriétaire. Les murs dressent son paysage intime, ses objets parlent pour lui. Silencieusement, ils racontent une part de son histoire, dessinant en filigrane ses goûts, ses inspirations, ses aspirations. La manufacture de François-Paul Journe est ainsi faite. Dans cette ancienne usine de lampes à gaz de la Ville de Genève, dont les murs bâtis en 1892 abritèrent plus tard des activités aussi variées que la fabrication de bretelles ou un club de danse de salon réputé, le large vestibule donne immédiatement le ton : tradition de rigueur et hommage aux grands maîtres de l’horlogerie… Sous les hauts plafonds ornés de reproductions de cartes astrales de l’époque Charles Quint, l’histoire horlogère ressurgit dans chaque détail. Rien de poussiéreux pourtant dans cet hommage appuyé aux grandes heures de l’horlogerie traditionnelle. François-Paul Journe n’en a conservé que la splendeur et le grandiose, parmi lesquels une horloge spectaculaire signée en 1855 par Constantin-Louis Detouche pour l’Exposition universelle de Paris, un majestueux globe terrestre ayant appartenu au dauphin de Louis XVI, l’un des trois exemplaires uniques de régulateur à résonance inventé par Antide Janvier vers 1780, une correspondance entre Louis XVI et Antide Janvier ou encore l’exceptionnelle bibliothèque de son ami Jean-Claude Sabrier dans laquelle s’alignent les noms prestigieux de Ferdinand Berthoud, Pierre Le Roy, Abraham-Louis Breguet ou Thomas Mudge. Aucun de ces grands maîtres que François-Paul Journe admire depuis ses tout premiers émois horlogers ne manque à l’appel. Dans l’entourage proche de François-Paul Journe, on raconte qu’« il ne possède ni avion ni limousine, chaque franc gagné a été investi dans la manufacture ! L’horlogerie, c’est toute sa vie, il ne fait que ça ». Une vie que certains qualifieraient volontiers d’ascétique, tournée essentiellement vers la réalisation de son œuvre.

FP Journe
Sous les hauts plafonds ornés de reproductions de cartes astrales de l’époque Charles Quint, l’histoire horlogère ressurgit dans chaque détail. © Fred Merz / Lundi 13
De la bouée de sauvetage au navire amiral

Le destin n’était pourtant pas tout tracé pour ce Marseillais aujourd’hui tout juste sexagénaire entré en horlogerie à 14 ans comme on entre en religion. « Quand j’ai commencé les cours à l’école d’horlogerie de Marseille, c’était une bouée de sauvetage, sourit-il, laissant deviner un glorieux passé de cancre. J’ai été viré au bout de deux ans. C’est alors que je suis entré à l’école d’horlogerie de Paris, mais c’est dans l’atelier de restauration de mon oncle que j’ai découvert l’univers des collectionneurs. » Ceux-là mêmes qui, depuis plus de 30 ans, guettent la moindre de ses inventions horlogères avec une fébrilité difficilement contenue. Sans objectif précis, certainement pas celui d’affoler le monde des grands collectionneurs, François-Paul Journe se met au travail. En pur autodidacte, il cherche, il tâtonne, il rêve de mécanismes subtils. Il n’a que 20 ans, mais il se passionne pour les créations des grands maîtres du XVIIIe siècle. En 1978, il achève sa première montre de poche à tourbillon, en 1979 le mécanisme d’un Planétaire pour Asprey, à Londres, commandé par les ateliers Brun à Paris. « Quand j’ai commencé mes premières montres, l’unique chose qui m’intéressait, c’était de les terminer », se souvient-il. Rapidement, l’attente ses collectionneurs se fait pressante. Montre de poche tourbillon avec force constante en 1982, chronomètre de poche à remontage automatique en 1986, montre de poche planétaire en 1987, pendule sympathique en 1988… François-Paul Journe fait ses armes, explore le monde des complications et boucle ses valises en 1989, direction Sainte-Croix, en Suisse, où il ouvre une manufacture de mouvements avec Denis Flageollet et Vianney Halter. Sept ans plus tard, il crée la société TIM SA, dédiée au développement de calibres à complications nommés « Chronographe », « Sonnerie », « Mystérieuse » ou « Sympathique », qu’il fournit à plusieurs maisons de Haute Horlogerie. La campagne et le grand air ne sont pourtant pas pour plaire à ce pur citadin qui quitte alors la Vallée de Joux pour lui préférer l’environnement bétonné de Genève.

FP Journe
Une horloge spectaculaire signée en 1855 par Constantin-Louis Detouche pour l’Exposition universelle de Paris. © Fred Merz / Lundi 13

En 2000, à peine un an après le lancement du Tourbillon Souverain en montre-bracelet, la toute première pièce de la collection de chronomètres signés F.P.Journe – Invenit et Fecit, il installe son établi, dans une partie de son actuelle manufacture. Les amateurs d’excellence horlogère sont plus que jamais au rendez-vous. En 2001, la première Octa voit le jour, prémisse d’une collection prestigieuse maintes fois récompensée, à l’instar de la collection Souveraine ou encore de ses travaux sur le phénomène de résonance. Un tournant dans la carrière de cet horloger qui, quelques décennies plus tôt, n’aurait sans doute pas envisagé que ce qui fut une « bouée de sauvetage » deviendrait un magnifique navire amiral de la Haute Horlogerie indépendante.

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Le large vestibule donne immédiatement le ton : tradition de rigueur et hommage aux grands maîtres de l’horlogerie… © Fred Merz / Lundi 13
Des projets plein les tiroirs

À bout de bras, véritable bourreau de travail plus à l’aise dans sa blouse d’horloger que dans son costume de commercial, François-Paul Journe a développé son entreprise avec un talent certain. Au rez-de-chaussée de sa manufacture genevoise, son outil de production intégré lui permet d’usiner les composants de ses mouvements en or rose 18 carats – signature emblématique de la marque.

FP Journe
F.P.Journe fonctionne en électron libre et assure une production annuelle de 900 montres fabriquées à 95 % à Genève. © Fred Merz / Lundi 13

Au premier étage, dans un silence assourdissant et un décor cette fois dépouillé de toute référence à l’histoire horlogère, les mouvements sont assemblés, décorés, anglés, empierrés et polis. Les cadrans et les boîtiers sont quant à eux fabriqués à Meyrin par les Cadraniers et les Boîtiers de Genève, dans lesquels F.P.Journe a tout d’abord possédé une participation avec Harry Winston puis Vacheron Constantin avant de reprendre tout récemment la totalité de l’affaire. Hormis les aiguilles, le verre saphir et le spiral réalisé par Nivarox, F.P.Journe fonctionne en électron libre et assure une production annuelle de 900 montres fabriquées à 95 % à Genève. Avec une soixantaine de personnes à la manufacture, une quarantaine aux Cadraniers et Boîtiers de Genève ainsi qu’une trentaine dans les 11 boutiques – dont trois en partenariat –, F.P.Journe continue l’écriture de son histoire sans jamais renier l’héritage des grands maîtres. « Il a des projets plein ses tiroirs d’horloger », confie sa garde rapprochée. Si François-Paul Journe avoue une panne d’inspiration quant à la création d’un nouveau tourbillon, il planche activement sur une complication astronomique qu’il devrait présenter l’année prochaine. « Le projet a démarré en 2004, mais, avant de faire une montre, il faut trouver la bonne recette, choisir les bons ingrédients, souligne-t-il. J’ai mis huit ans à la définir, auxquels il faut ajouter deux ans de dessin. Avec 750 composants, ce sera ma montre la plus compliquée en termes de nombre de pièces. » Parmi ses autres projets, François-Paul Journe rêve de surélever sa manufacture pour y créer une école d’horlogerie. Histoire de transmettre ces précieux savoirs et savoir-faire qu’il a lui-même appris en autodidacte. Un jour, peut-être… Mais demain n’est-il pas un autre Journe ?

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