Girard-Perregaux réinvente l’échappement

Cette année au Salon International de la Haute Horlogerie, les coulisses du stand Girard-Perregaux ne bruissent que d’un seul mot : Constant, soit le prénom d’un des pionniers de la marque choisi par la Maison pour qualifier son tout nouvel échappement, censé apporter sa pierre à l’édifice de la précision horlogère mécanique. « En tant qu’entrepreneur, expose Luigi Macaluso, patron de Sowind et propriétaire de la marque, je n’ai pu être que charmé par l’approche de ce nouvel échappement, imaginé par notre ingénieur Nicolas Déhon dans un train, lorsqu’il jouait avec son billet de transport. Tout le monde a déjà fait cette expérience consistant à tenir un carton souple entre le pouce et l’index, à le comprimer légèrement et à en faire passer la courbure d’un côté à l’autre par une petite pichenette du doigt. Notre échappement Constant est né de cette simple expérience. Mais encore fallait-il y croire. Personnellement, je dois avouer qu’il a fallu me convaincre. Mais le résultat est là, à savoir un échappement totalement différent de la production existante et qui fonctionne. En ce moment, nous avons 20 prototypes en état de marche et nous entendons équiper nos premiers modèles avec l’échappement Constant dès 2010. »

Cinq ans de recherche et développement

De la persévérance, il en aura effectivement fallu au cours de ces cinq dernières années car l’échappement Constant a pu voir le jour et remplir la fonction régulatrice espérée uniquement grâce à l’utilisation du silicium, qui en constitue le matériau de base, et grâce au développement des technologies les plus récentes permettant de fabriquer des composants au micromètre près, la lame du ressort d’échappement n’étant pas plus fine qu’un cheveu. Les propriétés du silicium, matériau léger, non magnétique, à haute limite d’élasticité et excellent coefficient de frottement ne nécessitant aucun lubrifiant, ont en effet été décisifs dans l’aboutissement d’un projet reposant sur des techniques de gravage profond. Pour la manufacture, il s’agit là d’une nouvelle avancée importante dans le domaine de la chronométrie dans la mesure où l’échappement Constant doit permettre une amplitude et une marche constantes jusqu’au terme de la réserve de marche, synonyme d’une précision rehaussée du calibre.

Autant pour le principe. Mais pratiquement comment fonctionne cette nouvelle « astuce » technologique? « Dans leur quête de précision, les plus grands horlogers étudient depuis fort longtemps les solutions possibles pour améliorer l’échappement, explique la manufacture. Ce mécanisme, placé entre rouages et organe réglant, permet de distribuer périodiquement au balancier l’énergie emmagasinée dans le ressort de barillet. Sa précision et sa fiabilité constituent des enjeux stratégiques en termes de chronométrie. »

Tous les champs du possible sont ouverts

Et pour résoudre cette équation, Girard-Perregaux s’est lancé dans un mécanisme constitué de cinq pièces dont le composant stratégique est représenté par le ressort d’échappement doté de cette fameuse lame de silicium, solidaire et usinée d’une seule pièce avec son cadre en forme d’ailes de papillon. Contrainte en flambage, selon la terminologie consacrée et en référence au fameux billet de train, cette lame peut être considérée comme un véritable micro-accumulateur puisqu’à chaque alternance de l’oscillateur, il stocke puis libère l’énergie nécessaire à entretenir de manière constante les amplitudes d’oscillation du balancier-spiral quel que soit le niveau de réserve de marche, par définition variable. « De plus, à l’instar de l’échappement à ancre, il présente l’avantage de fournir deux impulsions par oscillation alors que les tentatives de mécanisme à force constante réalisées jusqu’ici n’en délivrait qu’une », précise Girard-Perregaux.

« Depuis l’inspiration initiale jusqu’au premier tic-tac du prototype, le projet a connu une longue série d’étapes et de rebondissements, avoue Girard-Perregaux. Et l’histoire ne fait que commencer. L’échappement Constant est une avancée technologique qui ouvre tous les champs du possible, jusqu’à une production de montres mécaniques aux caractéristiques chronométriques inégalées. » Le premier rendez-vous est pris pour 2010.