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GMT, la révolution de Fleming
Histoire & Pièces d'exception

GMT, la révolution de Fleming

vendredi, 20 juin 2008
Par Gian Pozzy
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Gian Pozzy

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7 min de lecture

L’invention des fuseaux horaires remonte à guère plus de cent vingt ans. L’idée est née du développement des grandes lignes de chemin de fer et de la nécessité de les faire circuler selon des horaires cohérents. A l’origine de la révolution de 1884, un Canadien écossais de souche, Sir Sandford Fleming.

Vingt-quatre fuseaux horaires pour une Terre qui accomplit une rotation en 24 heures, cela nous paraît une évidence. Pourtant, ce n’est le cas que depuis un peu plus de cent vingt ans. Avant, chaque pays, parfois chaque ville, fixait à sa guise son heure locale en la calquant au mieux sur l’heure solaire. On a pu vivre sans trop de problèmes avec cette heure souple et fantasque jusqu’à l’avènement du chemin de fer. On ne vous parle pas ici des quelques kilomètres de voie qui, en 1847, formaient entre Zurich et Baden la première ligne helvétique du « Spanisch-Brötlibahn », mais des premiers tracés transnationaux et transcontinentaux s’étirant sur des centaines et des milliers de kilomètres.

Difficile d’être ponctuel quand chaque ville décide de son heure.
Le Canada en première ligne

Le Canada avait son ingénieur ferroviaire, un Ecossais d’origine, qui établit les tracés des principales lignes canadiennes. En 1880, le pays lance la construction de ce qui sera le Canadien Pacifique et Sir Sandford Fleming constate une fois de plus que le repérage du temps est très confus sur une distance aussi grande (actuellement six fuseaux horaires de Terre-Neuve au Pacifique) et que, du coup, l’établissement d’horaires ferroviaires fiables tient de la gageure. A noter que la décision de fixer le début de la journée à 00h00 et sa fin à 24h00 n’est pas si ancienne que ça ; d’ailleurs plusieurs pays anglo-saxons en sont toujours au vieux système romain, égyptien, assyrien des heures avant midi (ante meridiem : AM) et après midi (post meridiem : PM).

La légende relate que Sir Sandford Fleming note toujours, à l’aide de sa montre, la durée de ses voyages mais que, pour autant, il ne sait pas forcément à quelle heure il arrive. Difficile d’être ponctuel quand chaque ville décide de son heure. Difficile aussi d’organiser un voyage. C’est d’ailleurs pour avoir un jour manqué son train en Irlande, en 1876, qu’il réfléchit à une solution permettant de standardiser le calcul du temps. En 1879, il présente à l’Institut canadien de Toronto une proposition de découper le globe en vingt-quatre fuseaux horaires de 15 degrés chacun. L’idée fait son chemin, au point que les jeunes chemins de fer américains et canadiens adoptent un système de larges fuseaux horaires : l’heure ferroviaire, simple et standardisée, devient une norme acceptée sur tout le continent nord-américain.

Une révolution datant de 1884

Et c’est finalement à Washington, lors de la Conférence internationale sur l’uniformisation de l’heure de 1884, que les vingt-cinq nations participantes adhèrent au principe énoncé par Sir Sandford et fixent à la longitude de Greenwich, en Angleterre, le méridien zéro. Pourquoi Greenwich, qui n’est finalement qu’une banlieue du sud de Londres ? D’une part parce que la ville dispose depuis belle lurette d’un observatoire réputé, d’autre part parce qu’à l’époque, la flotte anglaise domine encore les mers et que la loi de l’Empire britannique s’applique tout autour du globe. Mais surtout par un aspect pratique auquel la Conférence de Washington a pensé : à l’opposé du méridien zéro, au méridien 12 où va passer la ligne du changement de date, on est en plein océan Pacifique, une zone peu peuplée qui, à l’époque, comptait franchement pour du beurre sur l’échiquier international.

S’il est une puissance que le choix de Greenwich exaspère, c’est bien la France. Jusqu’en 1891, chaque ville de France a encore sa propre heure calculée sur la position du soleil à midi, le temps solaire. Inconvénient : entre le lever du soleil à Strasbourg et la levée du soleil à Brest, on a 50 minutes d’écart, ce qui, à l’ère du chemin de fer, s’avère problématique. En 1891, les autorités françaises instaurent donc l’heure légale mais ne veulent pas entendre parler de celle du Royaume-Uni, leur rival de toujours. Elles décrètent donc l’heure de Paris, valable dans toute la France, qui affiche 9 minutes et 21 secondes d’écart avec l’heure en usage dans la plupart des Etats occidentaux ! La France la gardera pendant vingt ans et adhérera finalement au système mondial des fuseaux horaires par la loi du 9 mars 1914. (A temps pour coordonner les manœuvres des états-majors alliés de la Première guerre mondiale…)

On se mettra donc d’accord sur un UTC, qui ne veut rien dire du tout !
Susceptibilité française

Question susceptibilité française, un autre exemple : en 1972, le temps moyen de Greenwich (Greenwich Mean Time, GMT) est remplacé par le temps universel coordonné (Coordinated Universal Time, CUT), plus précis. La France ne veut pas entendre parler de cet acronyme étranger mais, comme le monde parle largement anglais, pas question d’adopter l’acronyme français TUC. On se mettra donc d’accord sur un UTC, qui ne veut rien dire du tout !

La planète est maintenant divisée en vingt-quatre fuseaux horaires correspondant à autant d’heures locales. Chaque fuseau mesure théoriquement 15 degrés, mais il y a de fortes variations locales, en fonction du tracé des frontières et d’impératifs politiques particuliers. La Chine, par exemple, s’étend sur quatre fuseaux horaires mais n’en utilise qu’un ; la Russie, s’étend sur onze fuseaux mais n’en prend en compte que neuf dont les tracés défient l’entendement. L’Inde, l’Iran, l’Afghanistan, la Birmanie et le Venezuela se sont mis à la demi-heure ; le Népal et les îles Chatham, au large de la Nouvelle-Zélande, aux trois-quarts d’heure. Comme disait l’autre, pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

Cela dit, la situation la plus bizarre se trouve, forcément, sur la ligne du changement de date, dans les petites républiques insulaires de l’océan Pacifique. Imaginez un voyageur qui prend l’avion de Tonga à Samoa (2 heures de vol) : s’il part de Tonga à midi le dimanche, il arrive à Samoa à 14 heures le… samedi. Pareil pour la ligne Hawaii – Christmas Island : on part, disons, le dimanche matin à 10 h pour arriver le lundi à 13 h ; escale puis retour à Honolulu où il est toujours dimanche, fin d’après-midi ! Cette bizarrerie est au centre d’un roman d’histoire-fiction écrit par Umberto Eco en 1994 : « L’isola del giorno prima » (L’île du jour d’avant). Mais au temps où il situe l’action (17e siècle) les fuseaux horaires n’existaient pas. Pas plus qu’ils n’étaient en vigueur lorsque Phileas Fogg entreprit son « Tour du monde en 80 jours » dans le célèbre roman de Jules Vernes. En partant vers l’Est, l’aventurier et son fidèle Passepartout ont en effet gagné un jour sur leur calendrier, leur permettant de remporter le fameux pari conclu avec les membres du Reform Club.

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