Il était une fois Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), figure emblématique du siècle des lumières, musicien, poète et écrivain à qui l’on doit notamment Le Barbier de Séville ou Le Mariage de Figaro, adapté en opéra par Mozart avec Le nozze di Figaro. Ce que l’on sait moins, c’est que M. de Beaumarchais était également un horloger de talent à qui l’on doit l’échappement à double virgule et dont la quête consistait à réduire l’épaisseur des montres de l’époque. Il y parviendra, en quelque sorte, grâce aux travaux menés par son beau-frère Jean-Antoine Lépine (1720-1814). Ce dernier, inventeur du calibre éponyme, met en effet au point un nouveau mouvement caractérisé par l’abandon de la cage à deux platines. Une seule, désormais, accueille tous les mobiles maintenus par des ponts indépendants. En complément, un échappement à cylindre vient remplacer le système « fusée-chaîne ». La course à la finesse était lancée.
Une lutte sans merci
En quelque deux siècles, celle-ci ne s’est plus jamais démentie. Les manufactures, même si elles ne l’avouent pas franchement, sont engagées dans une lutte à la montre « la plus plate du monde » sans merci (lire encadré 2013, une année à double record). Le problème, c’est qu’il n’existe à ce jour aucune norme venant répertorier les garde-temps dans cette catégorie. D’où une certaine confusion entre hauteur d’un calibre avec ou sans son aiguillage, avec ou sans son emboîtage. Qu’importe finalement, l’exercice n’en a pas moins fait des émules dans la mesure où ce type de garde-temps représente un exercice de style de haute voltige autant qu’un symbole du plus pur classicisme horloger pour ce qui est des montres qui indiquent l’heure, et seulement l’heure.
Évidemment les plus fins sur le marché, ces modèles offrent l’interprétation d’un luxe souverain et d’une maîtrise consommée de la micromécanique. Étant donné leurs dimensions, avec des composants d’une épaisseur se mesurant en dixièmes de millimètre et des marges de tolérance de l’ordre du micron, synonyme d’une fragilité accrue par rapport aux calibres plus généreux, ces modèles demandent en effet une expertise que toutes les Maisons ne peuvent revendiquer tant s’en faut.
La complication ne s’exprime pas uniquement par la fonction
À travers les âges, plusieurs d’entre elles se sont largement distinguées. Encore ces derniers mois, on peut noter la Saxonia Plate d’A. Lange & Söhne (5,90 mm), la L.U.C XPS Edition 125e Anniversaire de Chopard (7,13 mm), la Master Ultra Thin 41 de Jaeger-LeCoultre (7,48 mm), la Tonda 1950 de Parmigiani (7,80 mm), le Chronographe monopoussoir à Rattrapante de Patek Philippe (10,15 mm), l’Emperador Coussin Répétition Minutes Extra-plate de Piaget (9,40 mm), l’Historique Ultra-fine 1968 de Vacheron Constantin (5,40 mm), l’HeritageUltra Thin de Zenith (8,30 mm) ou encore la Royal Oak Automatique Extra-plate d’Audemars Piguet (8,10 mm). Sans oublier que Blancpain, Cartier, Hublot, Richard Mille, tout comme Van Cleef & Arpels, se sont également illustrés dans le domaine. En d’autres termes, une quinzaine de Maisons sont engagées dans cet hymne à l’élégance voulant qu’un garde-temps, et ses éventuelles complications, se présente sous une forme aussi confortable que possible, à savoir aussi fine que possible. Véritable contrepoint à cette exubérance de la montre XXL des dernières années, dont la technicité n’a d’égale que les proportions surdimensionnées, l’extra-plat relève de cette envie quasi maniaque de montrer que l’horlogerie sait également maîtriser un univers où la complication ne s’exprime pas uniquement par la fonction. En ce sens, ces mouvements représentent une vitrine des savoir-faire qui n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets. Course au record oblige !