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HYT, quid du temps liquide
Regards de connaisseurs

HYT, quid du temps liquide

lundi, 26 juin 2017
Par Luc Debraine
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Luc Debraine

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7 min de lecture

Les montres HYT, hydromécaniques, en appellent aux horloges à eau de l’Antiquité. Pourtant, la marque neuchâteloise choisit de ne pas s’appuyer sur cette origine de la mesure du temps, féconde en sens et en implications. À tort ?

Ce sont des machines à remonter le temps. Ou, plutôt, l’histoire de la mesure du temps. Les montres HYT indiquent l’heure grâce à un liquide, comme les horloges à eau de l’Antiquité. Trois millénaires séparent l’invention des clepsydres des modèles hydromécaniques conçus à Neuchâtel, mais un trait continu les relie. Une ligne organique, vivante, constante, tel un flux de sens qui s’écoulerait à travers les âges. Si le temps est un cours uniforme, en voilà une belle expression.

Curieusement, dans sa communication, HYT capitalise peu sur cet héritage. La clepsydre est à peine nommée. La jeune marque délivre un message contemporain, non historique. Elle s’enorgueillit des prouesses technologiques qui ont abouti à la conception de ses modèles mécaniques-fluidiques. Il est vrai que la réalisation de ces pièces est un exploit, en rupture avec une tradition horlogère qui aime tant s’appuyer sur le passé. Une tradition qui a son propre vocabulaire, compréhensible par tous ou presque.

HYT Ho
HYT Ho
Une communication réinventée

Lorsqu’on propose de l’inédit, la communication doit être réinventée. HYT a un langage proche de l’instrument scientifique, du produit de l’ingénieur. La marque se décrit elle-même comme un « Laboratoire de génie hydromécanique ». Elle insiste sur la somme de disciplines qui ont été nécessaires à l’élaboration de ses modèles : la chimie, l’optique, la mécanique des fluides, l’électronique, l’aérospatiale, le médical, la nanotechnologie.

Comprendre comment fonctionnent les réservoirs flexibles, les liquides à polarités inversées, le « ménisque » qui les sépare dans le capillaire ultrafin, le compensateur thermique, le restricteur fluidique, le couplage avec le mouvement mécanique à remontage manuel… Même si cette complexité a une visée élémentaire, à savoir montrer l’heure avec de l’eau, elle reste difficile à expliquer. HYT est contraint de faire venir ses vendeurs, répartis dans le monde entier, pendant deux jours et demi à Neuchâtel pour leur expliquer les subtilités des montres.

Toute la difficulté de HYT est de dépasser le cercle des passionnés de technologie auxquels la marque s’est d’abord adressée, dès 2013. Elle reste dans une niche haut de gamme, spécialisée, avec une production d’environ 350 boîtiers par an. Son ambition est de s’adresser à un public plus large, en particulier dès 2019 avec des modèles plus abordables. Son message devra toutefois se simplifier, sans doute s’approfondir. Rouler des (hydro-)mécaniques ne suffira plus. Il faudra trouver autre chose.

HYT H4 Neo
HYT H4 Neo
Même source d’inspiration

Dans son bureau neuchâtelois, le CEO Grégory Dourde a conscience du problème. D’autant que cet ingénieur a une tête bien faite. Loin de limiter son discours à la science, il invoque lui-même l’héritage des horloges à eau, le parallèle fécond entre les écoulements du temps et de l’eau. Il cite la pensée grecque, le contraste entre la froideur métallique du mouvement mécanique des montres HYT et leur système d’affichage vivant, organique. « L’eau est à l’origine de la vie », insiste Grégory Dourde en regardant son modèle Ho, dissertant sur cette manière intuitive d’interagir avec le temps ou sur les possibilités esthétiques qu’offre la technologie HYT.

De lui-même toujours, Grégory Dourde jette des ponts entre les clepsydres antiques et l’indicateur fluidique des modèles HYT. Inventée dans l’Égypte des pharaons, ou à Babylone, l’horloge à eau était à ses débuts un simple récipient percé d’un trou à sa base. Elle permettait de mesurer des intervalles de temps, d’abord de manière imprécise, puis plus exacte lorsque les problèmes de pression, de température, de fluidité de l’eau ont peu à peu été résolus. La clepsydre succédait au cadran solaire, tablant sur son avantage : s’affranchir de la course du soleil, fonctionner de jour comme de nuit. Grâce à elle, le temps devenait une quantité au débit mesurable.

La matière et la vie sont des assemblages de forces opposées, une perpétuelle oscillation entre des contraires.

Comme elle, une montre HYT doit composer avec un liquide, la pression, les marques d’une jauge, le diamètre d’un trou qui détermine une durée d’écoulement, la température, la viscosité. Une clepsydre devait se remplir. Le capillaire HYT fait de même : il se vide deux fois par jour pour s’emplir à nouveau de ses deux liquides, l’un transparent, l’autre coloré. Jamais le liquide d’une clepysdre n’était semblable à celui qu’elle accueillait précédemment. Idem, dans une montre HYT, les liquides se mélangent à un moment donné et sont toujours différents à chaque remontée dans le capillaire circulaire, ou en forme de crâne dans la collection Skull.

HYT Skull Light
HYT Skull Light
Peu de passé, beaucoup d’avenir

Grégory Dourde cite ici les présocratiques. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », disait le vieil Héraclite, signifiant que tout se meut sans cesse, rien ne demeure. Les êtres et les choses sont toujours en devenir. La matière et la vie sont des assemblages de forces opposées, une perpétuelle oscillation entre des contraires. Cette leçon a 25 siècles. Elle reste imparable.

La clepsydre a aussi été un instrument scientifique rattaché au début de l’astronomie. Ernst Jünger rappelle dans son Traité du sablier qu’elle a permis de mesurer pour la première fois le temps stellaire. Elle a régulé l’irrigation des cultures, donné un temps de parole aux plaignants dans un tribunal, aux discours des politiciens, aux sermons des religieux. Sa précision est restée inégalée jusqu’à la fin du Moyen Âge. Agrémentée d’engrenages, de tambours, d’échappements, de cadrans à aiguilles, de dispositifs de sonneries ou de décorations, elle a montré le chemin aux horloges mécaniques. Elle a servi aux puissants. Les princes et les empereurs, de l’Europe à l’Arabie et à la Chine, se l’offraient en présents. Elle était un objet statutaire. Avant que le pendule ne lui règle son compte.

HYT H1 Colorblock
HYT H1 Colorblock

« Clepsydre » veut dire « voleuse d’eau » en grec, par allusion à son ruissellement continu. Difficile de ne pas y voir un symbole du temps lui-même, ce kleptomane. Elle était une machine philosophique, comme l’est aujourd’hui la montre HYT, à sa manière. Même si la marque a choisi de ne pas s’appesantir sur cette dimension, en forme de question sur la vie et le destin. Dommage !

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