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Industrie 4.0 effraie les horlogers
Economie

Industrie 4.0 effraie les horlogers

lundi, 1 juillet 2019
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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7 min de lecture

Les cobots – robots collaboratifs – sont les derniers jouets à la mode dans l’industrie. Mais la collecte de données qu’implique la quatrième révolution industrielle rebute passablement le secteur horloger. C’est ce qui ressort de ce 18e salon EPHJ, qui vient de fermer ses portes.

L’industrie est en profonde mutation. La révolution numérique qui s’opère dans tous les secteurs promet des usines intelligentes, interconnectées et agiles, capables de s’adapter à des productions qui ressemblent de plus en plus à du sur-mesure. Un système où les frontières entre monde physique et monde digital s’amenuisent toujours plus, grâce à l’émergence de nouveaux outils technologiques : big data, machine learning, cobot ou encore analyse prédictive. Concentré des tendances actuelles, le dernier salon de la sous-traitance EPHJ, qui a fermé ses portes le 21 juin dernier à Palexpo Genève, a révélé quelques belles innovations dans le domaine. Mais aussi mis en lumière les réticences en œuvre dans l’horlogerie. Car si le secteur paraît tout désigné lorsque l’on parle de souplesses, l’échange d’informations qu’exige la quatrième révolution industrielle se voit encore souvent opposer une fin de non-recevoir.

GF Machining Solutions est spécialisée dans les machines de pointe pour l’industrie. Présentée au salon de la sous-traitance, sa dernière invention lui a valu une nomination au Grand Prix des Exposants. Entre analyse prédictive et intelligence embarquée, son système de découpe par électroérosion à fil est capable de résoudre les imperfections de cette technique : état de surface, lenteur du processus et, surtout, risque de cassure du fil. « Dans l’électroérosion, ce sont les étincelles qui enlèvent la matière, explique Christophe Thibaud, Sales manager chez GF. Or, lorsqu’il y a trop d’énergie, c’est le filin qui prend et qui finit par casser. » Jusqu’ici, des régimes différents permettaient à la machine de ralentir dans les endroits délicats. Une solution qui laissait cependant des marques sur le composant. « Aujourd’hui, notre dispositif mesure l’intensité de l’étincelle avant même que celle-ci n’éclate et adapte en temps réel le comportement de l’appareil. » Des informations traitées à la microseconde, qui permettent un monitoring permanent.

Aucune programmation

Sur le stand Crevoisier, au beau milieu du quartier des fabricants de machines, les démonstrations se sont enchaînées sans interruption pendant les quatre jours qu’a duré le salon. L’entreprise des Genevez y lançait en première mondiale sa toute nouvelle cellule de polissage 4.0. Un produit qui a nécessité deux ans de développement en collaboration avec un grand groupe horloger et près de 2 millions de francs d’investissement. S’il éveille tant d’intérêt, c’est qu’il intègre le dernier accessoire à la mode dans l’industrie : le robot collaboratif. Moins dangereux que les automates traditionnels qui nécessitent un confinement, celui qu’on appelle aussi « cobot » travaille à des tâches simples en évoluant à vitesse réduite, aux côtés des humains.

Sans compétences informatiques particulières, l’artisan polisseur peut transmettre son toucher et son savoir-faire “cobot”.

Mais le cobot de Crevoisier va encore plus loin : souple, convivial, il ne demande aucune programmation. Pour lui inculquer sa tâche, il suffit de saisir son avant-bras et de lui « montrer » le geste à accomplir. La machine enregistre alors automatiquement le mouvement et le reproduit, sans plus de paramétrage. « Il y a cinq ans, nous avions gagné le prix de l’innovation de l’EPHJ avec notre concept Policapture », explique le CEO Philippe Crevoisier. Une station d’acquisition des mouvements bardée de capteurs permettait alors de générer un programme destiné au robot. « Cette nouvelle cellule de polissage est une simplification de cette solution. » Sans compétences informatiques particulières, l’artisan polisseur peut dès lors transmettre son toucher et son savoir-faire au cobot, une gestuelle très difficile à programmer. « Il faut avoir l’esprit ouvert, poursuit Gilles Beuret, technicien en automation chez Crevoisier. Mais la prise en main est très rapide : une demi-journée suffit à sortir ses premières pièces. »

Cellule de polissage collaborative C710 Crevoisier

Robot mobile

Chez Stäubli, sur le stand d’à côté, on travaille également sur la robotique collaborative. Mais plutôt qu’au « machine learning », on a préféré s’attaquer à la modularisation de la chaîne de production. La société suisse aux 5’500 collaborateurs dans le monde est ainsi venue présenter HelMo. Ce nouveau robot n’apprend pas tout seul mais se déplace de manière autonome. « Grâce à trois lasers intégrés, il est capable de se repérer sans aide, précise Yann Stragiotti, responsable des ventes Robotics. Il scanne son environnement puis établit une carte digitale – jusqu’à 1 km². Il suffit ensuite de lui dire quoi faire et où. » HelMo peut donc évoluer librement dans l’usine, se déplacer de poste en poste pour y effectuer les tâches les plus fastidieuses. « Cette solution est parfaite pour flexibiliser l’outil de production et l’adapter à la fabrication d’articles personnalisés », souligne encore le responsable.

Dans l’horlogerie, nous nous retrouvons face à des murs.
Olivier Voumard

Que l’on considère la robotique collaborative, l’intelligence embarquée ou l’agilité de la chaîne de production, l’industrie 4.0 ne peut fonctionner sans l’acquisition et le traitement de données. Or, ce qui est facile dans les domaines grand public, où Google, Apple et consorts ne se gênent pas pour récolter des quantités phénoménales d’informations sur leurs clients, l’est beaucoup moins dans l’industrie. Voire impossible dans l’horlogerie. Basée à Tramelan et spécialisée dans la fabrication de CNC et de machines de terminaison, la société Precitrame en sait quelque chose : « Nous avons développé et mis en place des solutions de maintenance prédictive et d’autocorrection des machines, confie le Managing Director Olivier Voumard. Ce sont des sortes de tableaux de bord qui nous permettent d’accompagner nos clients d’une part, d’améliorer nos produits d’autre part. Mais dans l’horlogerie nous nous retrouvons face à des murs. Certains de nos clients nous interdisent même d’entrer avec une clé USB dans leur usine. Alors des données dans un cloud… C’est très frustrant. »

Le système de robot mobile autonome HelMo

Employant quelque 220 personnes, dont près du quart dans la R&D et une dizaine dans la production de logiciels, Precitrame plaide pour la standardisation des outils informatiques qui permettrait de rendre anonymes les données récoltées. « Il est vrai qu’en connectant les machines on accède très vite à beaucoup d’informations, concède le directeur. Par exemple sur la durée d’utilisation des stations, ou sur le nombre de composants produits. C’est pour cette raison que nos clients nous demandent actuellement d’installer ces tableaux de bord chez eux, à l’interne. Mais l’industrie horlogère doit absolument trouver une parade pour faire avancer les choses. » Une parade qui passera sans aucun doute par une évolution des mentalités.

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