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La longue quête du chronomètre de marine
Histoire & Pièces d'exception

La longue quête du chronomètre de marine

jeudi, 21 février 2008
Par Gian Pozzy
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Gian Pozzy

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6 min de lecture

Trop longtemps, les marins se sont perdus en mer, en quête de la bonne longitude. Il a fallu des siècles et des trésors d’ingéniosités pour qu’ils trouvent à coup sûr la route des Indes et celle de la maison.

Aussi longtemps que les hommes se contentèrent du cabotage côtier pour voyager et pour échanger vivres, étoffes, épices, métaux et céramiques, ils n’eurent pas besoin de connaître l’heure exacte pour se situer : un coup d’œil vers la rive renseignait les marins sur leur route. Mais avec l’avènement de pionniers comme Christophe Colomb, qui cherchait la route la plus courte vers les Indes, Vasco de Gama, qui se rabattit sur la plus traditionnelle, et Magellan, qui boucla le premier tour du monde, la mer se révéla un espace illimité et sans repères autres que la latitude (mesurée depuis l’Antiquité par le quadrant, un quart de disque de bois ou de bronze gradué en degrés). Les équipages naviguaient « à l’estime », essayaient de s’orienter en observant les astres, la direction des courants et celle des vents. Ces méthodes empiriques et imprécises se sont souvent soldées par de tragiques naufrages.

Les savants au service des souverains

Or, la mer et, par-delà ses dangers, les nouvelles terres allaient s’avérer, dès le 15e siècle, un enjeu économique et politique majeur. On ne naviguait pas pour accomplir un exploit : les capitaines étaient aux ordres des souverains de leur pays, les caravelles constituant un investissement dont on attendait un juteux rendement. Les nouvelles voies maritimes devaient ainsi rapporter richesses, pouvoir et prestige aux royaux armateurs des escadres, qui créaient des comptoirs commerciaux et des mouillages tout au long des routes parcourues. Vu les sommes investies, on ne pouvait se fier au hasard. Les tempêtes et, plus tard, les batailles navales entre flottes rivales, coûtaient bien assez cher comme ça. Il fallu donc que les savants se mettent à l’œuvre pour créer des instruments de mesure (aujourd’hui on dirait de géolocalisation) efficaces.

Au début du 17e siècle, les savants proposent diverses méthodes de calcul s’appuyant sur la distance de la Terre à la Lune, ou au Soleil à son zénith. La première méthode, à en croire un rapport daté de 1765, ne demande « pas plus de quatre heures » pour obtenir une détermination du point en mer à un degré près (ce qui, à l’équateur, représente tout de même une incertitude de quelque 110 kilomètres). La seconde méthode détermine la longitude exacte par comparaison du midi local avec une heure de référence. Elle est encore utilisée de nos jours bien que les navires soient renseignés en permanence sur leur position.

Les percées dues au Longitude Act

Le meilleur moyen d’obtenir la longitude en mer reste donc d’embarquer une horloge. (Auparavant, les navires embarquaient un cadran solaire monté sur une boussole.) Dès 1658, le physicien et astronome hollandais Christian Huygens pense pouvoir adapter une horloge à pendule aux besoins de la marine. En 1675, il invente le balancier à spiral réglant qui apporte un gain de précision substantiel. Quatre ans plus tard, abandonnant le pendule, il élabore des appareils à balancier et spiral, ancêtres des chronomètres de marine. L’idée est géniale mais le résultat décevant, car les écarts de température influencent énormément l’élasticité du spiral.

En 1667 est fondé l’Observatoire de Paris, principalement voué à l’étude des longitudes, puis, en 1675, celui de Greenwich. Quand, en 1707, quatre navires de guerre britanniques s’échouent stupidement sur les côtes de Cornouailles, causant la mort de 2’000 marins, l’humiliation est immense. Le Parlement édicte le Longitude Act qui octroie des récompenses phénoménales à qui mettra au point une méthode pour déterminer la longitude à moins d’un degré près. Dans cette compétition, Anglais et Français tiennent la vedette. Dès lors, une quantité de maîtres horlogers contribuent au développement et au perfectionnement du chronomètre de marine. Tous tendent vers un triple but : créer un échappement qui permet au balancier d’osciller aussi librement que possible sans être perturbé par les frottements du rouage ; inventer un balancier capable de compenser les effets dus aux variations de température ; « immuniser » les chronomètres contre les mouvements des navires.

La chronométrie de marine

En 1754, le Français Pierre Le Roy conçoit un « échappement à détente » approprié à la chronométrie maritime et, en 1766, il fabrique le prototype définitif, avec son système de compensation des écarts de température. Ces chronomètres vont être produits, selon des cahiers des charges exigeants, par des ateliers comme A. Lange & Söhne, Henri Perregaux, Constant Girard-Perregaux, Vacheron & Constantin. En 1844, Antoine LeCoultre crée le premier appareil de mesure du micron, le millième de millimètre, qui devient l’instrument étalon de la manufacture de pignons de chronomètres de marine durant plus d’un demi-siècle. En Angleterre, pendant ce temps, John Arnold fait breveter ses découvertes, à l’instar du spiral cylindrique à développement concentrique. Un dispositif qui permettra en 1880 à Girard-Perregaux de créer sa montre de précision à tourbillon sous deux ponts d’or.

A vrai dire, le chronomètre de marine n’entrera que très lentement dans les mœurs. Peu de marins sont rompus aux théories de la navigation et les rares maîtres horlogers capables de façonner des pièces de haute précision les proposent à des prix dissuasifs. Du coup, seuls les commandants de navires croisant dans les mers polaires ou inexplorées éprouvent le besoin de se rallier rapidement aux nouvelles technologies.

Ce texte s’appuie sur la plaquette rédigée par Dominique Fléchon, historien et expert en haute horlogerie, pour le Salon international de la haute horlogerie (SIHH) 2006.

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