Lors de son lancement en 1976, la Nautilus a créé une véritable surprise. Moins parce que c’était une montre de luxe en acier que parce qu’elle était signée Patek Philippe. Si le concept datait du début de la décennie, on ne s’attendait pas à ce que cette Maison genevoise au classicisme de bon aloi y adhère aussi rapidement. Cependant, la surprise passée, force a été de reconnaître que la Nautilus se justifiait d’un raffinement tout à fait approprié.
La Nautilus se caractérisait par un boîtier particulièrement grand pour l’époque, inspiré par les hublots des anciens transatlantiques.
À l’origine était la « Jumbo »
À première vue, la montre dessinée par Gérald Genta se caractérisait par un boîtier particulièrement grand pour l’époque (42 mm dans sa plus grande largeur), inspiré par les hublots des anciens transatlantiques. Il se prolongeait vers la gauche et la droite par d’étranges proéminences appelées « oreilles ». En réalité, elles masquaient des charnières à vis qui fixaient la lunette à un fond-carrure d’un seul tenant. Cette construction originale – la plupart des montres étaient et sont toujours composées de trois parties – avait une raison d’être dûment étudiée qui a engendré un brevet : elle permettait la compression de joints entre les deux parties et l’obtention d’une étanchéité qui relevait alors de l’exploit, mesurée à 120 mètres de profondeur. D’où son nom de baptême Nautilus, faisant référence au sous-marin du capitaine Nemo dans le roman Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. Avec la dureté de l’acier et la robustesse de la construction, cette montre surnommée « Jumbo » par les aficionados s’apprêtait à conquérir une clientèle dynamique, désireuse de posséder un modèle à porter en toutes circonstances : en soirée, au bureau et dans les activités sportives. « Elle se marie aussi bien avec un smoking qu’avec une combinaison de plongée », pouvait-on lire dans une annonce publicitaire.
Si elle convenait parfaitement à une tenue habillée, c’est avant tout parce qu’elle bénéficiait d’une remarquable finesse (7,6 mm d’épaisseur) et que, par conséquent, elle se glissait aisément sous une manchette de chemise. Ce n’est cependant pas le seul raffinement apporté par Patek Philippe, dont on n’en attendait pas moins. La Maison a doté la Nautilus d’une lunette extrêmement recherchée, ni vraiment ronde, ni carrée ou coussin, ni même octogonale malgré ses huit pans. Ces derniers, de deux longueurs différentes en alternance, arboraient des contours subtilement dessinés en arcs de cercle. Pour le cadran, le décor de rainures horizontales s’accompagnait d’une couleur changeante, passant du bleu au noir au gré des mouvements du poignet. Quant au bracelet métallique intégré, il jouissait d’un confort exceptionnel. Cette élégance qui a sublimé le design sportif du modèle et imprimé la personnalité de la maison a permis à Patek Philippe non seulement de séduire une nouvelle clientèle mais également de faire des émules parmi ses inconditionnels. Avec un succès grandissant, surtout à compter des années 1980, la Nautilus a connu des variations de taille, de matériaux et de cadran ainsi que l’adjonction de quelques fonctions additionnelles avant d’être revisitée à l’occasion de son 30e anniversaire.
Nouvelle mais tout en subtilité
En 2006, Patek Philippe a en effet arrêté la production de tous les modèles précédents pour faire place à une nouvelle collection. À la voir, on ne perçoit pas spontanément les subtils changements intervenus dans le design du boîtier. On ne voit notamment pas que l’on est revenu à une construction classique en trois parties avec lunette, carrure et fond distincts, le dernier adoptant un verre saphir pour dévoiler les mouvements. Pour autant, grâce à l’évolution des techniques de fabrication, on a pu préserver l’étanchéité aux 120 mètres initiaux. Toujours présentes, les oreilles-charnières ont des flancs légèrement bombés qui s’harmonisent mieux au profil de la lunette et confèrent à la montre une largeur légèrement supérieure. On atteint 43 mm de large au lieu de 42 mm pour l’héritière directe de la fameuse Jumbo, 44 mm pour les versions les plus sophistiquées. La collection féminine sera revisitée de la même manière trois ans plus tard.
Outre les descendantes à trois aiguilles, dont naturellement une version acier à cadran bleu-noir, la volée 2006 comprend la Référence 5712 (calendrier à aiguille, phases de lune et réserve de marche) et, en vedette, le tout premier chronographe Nautilus de l’histoire, remarquable intégration des poussoirs à l’appui. Il allait de soi que la plus sportive des montres Patek Philippe se dote d’une telle fonction mais, pour le faire dans les règles de l’art, la maison a attendu de disposer d’un mouvement entièrement conçu et développé dans ses ateliers. Ce calibre, que beaucoup attendaient avec impatience, a ouvert la voie l’année précédente.
Depuis, la collection Nautilus s’est enrichie d’un Quantième annuel à phases de lune (2010) et de l’étonnant Travel Time Chronograph (2014), fruit d’une nouvelle évolution stylistique. Pour assurer le fonctionnement du double fuseau, il a fallu intégrer les poussoirs de réglage de l’heure locale. Ils remplacent la charnière de gauche de manière presque imperceptible. La Nautilus la plus compliquée à ce jour a ainsi franchi une nouvelle étape sans nuire au design emblématique de la collection.