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La ville d’Arras rend honneur aux inventeurs du temps
Histoire & Pièces d'exception

La ville d’Arras rend honneur aux inventeurs du temps

lundi, 23 mars 2009
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

Le musée des Beaux-Arts d’Arras clôt cette année un triptyque d’expositions consacrées à l’art horloger. « Les inventeur du temps – Trésors de la haute époque horlogère (1500 – 1700) », rend ainsi hommage à ces génies de la Renaissance qui ont lancé l’horlogerie à la conquête de l’excellence technologique et artistique.

La Haute Horlogerie, une invention moderne pour distinguer une production mécanique à la pointe de la technologie où les métiers d’art sont à l’honneur ? Rien n’est moins sûr. L’exposition du musée des Beaux-Arts de la ville d’Arras est certainement là pour montrer que la Haute Horlogerie puise ses racines au plus profond de l’histoire de la branche. Placée sous la thématique « Les inventeurs du temps – Trésors de la haute époque horlogère (1500 – 1700) »*, l’exposition met en valeur ces réalisations de la Renaissance qui marquent l’aboutissement d’une conception mécanique de la mesure du temps, ouvrant de nouveaux territoires de recherche et d’exploration. « Mobilisant toutes les sciences – mécanique, astronomique, physique, mathématique…– et tous les métiers d’art – peintres, graveurs, émailleurs, ébénistes, orfèvres, joailliers…–, l’horlogerie se lance à la conquête de l’excellence technologique et artistique », note l’horloger restaurateur Bernard Sénéca, initiateur de l’exposition qui en signe le catalogue**.

Fonctions utiles, calendaires et astronomiques

Durant ces deux cents ans d’histoire, le métier d’horloger devient en effet une profession à part entière et s’affirme dans les principaux centres européens que sont Blois, Lyon, Rouen, Strasbourg mais aussi Londres, Genève et les Pays-Bas. Mais si la profession peut désormais s’organiser en corporation cela tient surtout aux percées réalisées dans le domaine permettant la création d’un véritable marché. Vers 1500, la conception mécanique de la mesure du temps trouve en effet son aboutissement avec l’invention de la montre. Tout au long des deux siècles suivants, les maîtres horlogers et les savants vont rivaliser d’ingéniosité pour tenter d’acquérir l’indispensable précision de ces instruments de mesure, comme le démontrent plusieurs réalisations dont une horloge de table hexagonale (signée MC, Allemagne, vers 1640), extrêmement novatrice avec son aiguille des minutes, une rareté à l’époque, et son remontoir d’égalité inventé pour stabiliser la force motrice du mouvement. Cette quête de l’exactitude a également connu une avancée significative grâce à l’adaptation du pendule aux horloges (1657) et du ressort spiral pour montre (1674) par le mathématicien néerlandais Huygens.

Horloge de table en forme hexagonale. Signée MC, Allemagne, vers 1640 © photo : Pascal Brunet
Horloge de table en forme hexagonale. Signée MC, Allemagne, vers 1640 © photo : Pascal Brunet

Les fonctions des horloges, pendules, montres et autres oignons (prémices de la démocratisation horlogère) commencent par ailleurs à occuper le devant de la scène. Fonctions utiles d’abord, comme l’indication des heures, beaucoup plus rarement des minutes, exceptionnellement des secondes (deux horloges de Thuret construites pour Christian Huygens notamment), sonnerie au passage, mais aussi à la demande vers la fin du XVIIe siècle, réveil et dispositif de lecture tactile de l’heure pour éviter la nuit de « battre le briquet ». Fonctions calendaires et astronomiques également, surtout depuis l’introduction du calendrier grégorien, promulgué en France par ordonnance royale en 1582. Les horloges de table et autres astrolabes montrent en effet l’excellence des connaissances de l’époque. Outils de recherche scientifique, ils vont largement contribuer à la diffusion de notions astronomiques comme les phases de lunes, la position des astres, l’équation du temps, les positions zodiacales, fonctions qui s’ajoutent souvent aux indications calendaires, jours et mois, agrémentées parfois de symboles mythologiques. A noter que nombre de ces garde-temps de l’époque associent souvent fonctions utiles, calendaires et astronomiques, prélude aux grandes complications horlogères, évidemment réservés à une clientèle fortunée se recrutant souvent dans l’entourage des différentes cours royales.

Richesse décorative

Mais là ne s’arrête pas la démarche des artisans de l’époque. Loin de là. En parallèle à cette épopée technologique, ces garde-temps font preuve d’une richesse décorative des plus poussées. Artistes peintres, graveurs, ébénistes, orfèvres ou encore émailleurs ont richement paré les créations horlogères de la Renaissance à l’exemple de cette horloge de table complexe (vers 1600) portant un crucifix automate censé illustrer la fuite du temps, de ce lion couronné (Gaspard Pfaff, vers 1630), automate en laiton fondu s’animant lors des sonneries, ou encore de cette montre signée Jean Paris (vers 1660), dont le boîtier en filigrane d’or est garni de diamants taillés suivant un procédé alors novateur. Les maîtres des beaux–arts se mettent ainsi à décorer le temps, aussi bien au niveau de l’habillage que du mouvement, lui aussi souvent gravé sur son côté extérieur. L’émaillage devient par ailleurs un art à part entière avec l’application de la technique du Champlevé, des encadrements en « cosses de pois » ou encore de la peinture sur émail, une innovation due à Jean Toutin que ses deux fils vont perpétuer et que la dynastie des Huaud portera aux nues via différentes interprétations des grandes peintures de l’époque signées Rembrandt, Raphaël, Pérugin ou Léonard de Vinci.

 

Horloge de table - Crucifix automate. Anonyme Allemagne, probablement à Augsburg, vers 1600 © photo : Pascal Brunet
Horloge de table - Crucifix automate. Anonyme Allemagne, probablement à Augsburg, vers 1600 © photo : Pascal Brunet

Les métiers d’art font merveille et confèrent à l’horlogerie mécanique une dimension qui va se prolonger jusque dans les temps modernes où l’on s’ingénie aujourd’hui à se montrer digne de ces ancêtres. « Grâce au talent des artisans de ce métier, on ne connait pas d’autres ouvrages mécaniques produits, qui, trois siècles après leur création, outre la beauté de leur décoration, fonctionnent et nous rendent encore le service tout à fait acceptable de la mesure du temps de notre monde contemporain, explique Bernard Sénéca. En deux siècles tumultueux, du Roi Chevalier au Roi Soleil, ces hommes ont su concevoir avec peu de moyen des chefs-d’œuvre modifiant profondément le mode de vie de leurs semblables. » La Haute Horlogerie contemporaine en est certainement la descendante directe.

*Les inventeurs du temps – Trésors de la haute époque horlogère (1500-1700), Arras, musée des Beaux–Arts, 7 février – 28 avril 2009
**Les Inventeurs du Temps – par Bernard Sénéca
Edition Degeorge 2009, 176 p.

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