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L’art du contrepoint
SIHH

L’art du contrepoint

mercredi, 27 janvier 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

D’entrée de jeu au Salon International de la Haute Horlogerie, Richard Mille et Audemars Piguet annoncent une magnifique année 2015 et des produits 2016 qui ne font aucune concession à la morosité ambiante. Ce serait même le contraire tant les aficionados en redemandent.

Dans l’Antiquité grecque, les festivals théâtraux donnaient lieu à des concours de tétralogies, les dramaturges rivalisant avec la présentation de trois tragédies et d’un drame satirique. À cette époque, les masques, accessoires indispensables lors des présentations, figuraient ainsi les volte-face de la nature humaine que Voltaire stigmatisait dans son poème « Jean qui pleure et qui rit ». Par analogie, au Salon International de la Haute Horlogerie 2016 (SIHH), il n’était pas difficile de repérer les masques « tragiques », portés en nombre par les âmes tourmentées en ces temps marqués par la chute de marchés financiers, l’effondrement du pétrole, la désertification de Hong Kong ou l’essoufflement du dragon chinois. Au milieu de cette foule à la mine contrite, quelques professionnels arboraient toutefois un faciès où le rictus amer de l’affliction cédait la place à une demi-lune réjouie. Tellement réjouie d’ailleurs que des stands Richard Mille et Audemars Piguet aurait très bien pu jaillir comme un immense éclat de rire ! Question de faire la nique aux oracles de la pythie guère encourageants pour les mois à venir.

Sur les douze mois 2015, Audemars Piguet a enregistré une hausse de ses ventes de 14 %.
Montée en gamme

La première nouvelle assénée par François Bennahmias, CEO d’Audemars Piguet depuis 2012, en préambule à la présentation des produits maison, ne laissait en effet planer aucun doute sur la santé de cette manufacture toujours aux mains des familles fondatrices : « En 2014, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 700 millions. L’an dernier, exercice où l’euro a dévissé par rapport au franc suisse, il a grimpé à 800 millions pour une production de quelque 40 000 pièces. Je vous laisse calculer le taux de progression qui, je tiens à le souligner, a été rendu possible également grâce au soutien de nos détaillants. » Le calcul est vite fait : sur les douze mois 2015, la Maison a enregistré une hausse de ses ventes de 14 % alors que l’ensemble de la profession a dévissé de près de 4 % durant la même période. Selon François Bennahmias, plusieurs facteurs sont à la base de ce succès, à commencer par une exposition « raisonnable » aux marchés asiatiques qui ne représentent pas plus d’un tiers du chiffre d’affaires. Autre explication : le grand ménage orchestré par le nouveau patron qui a réduit drastiquement le nombre de références et diminué les délais de livraison des montres phares de la Maison. Un programme auquel les détaillants ont été associés afin qu’ils comprennent bien qu’ils sont bel et bien susceptibles de gagner de l’argent en misant sur les Royal Oak, Millenium et autres Jules Audemars de la marque.

Audemars Piguet Jules Audemars Tourbillon Squelette

Autre outil stratégique mis en place par Audemars Piguet, une progressive montée en puissance dans les segments les plus exclusifs. Contrairement à nombre d’autres marques qui cherchent aujourd’hui à conforter leur position sur les marchés avec des pièces moins chères, la Maison entend augmenter son offre de produits haut de gamme pour un volume de production stable. Le prix médian des montres Audemars Piguet, actuellement de l’ordre de 35 000.- francs, est donc destiné à croître, comme le laissent présager les pièces présentées au SIHH. En exergue, la Royal Oak Concept Supersonnerie, une répétition minutes au son d’une intensité rare déjà présentée à l’état de prototype en 2015, et une Diamond Fury, une montre à secret entièrement sertie de près de 5 000 diamants totalisant plus de 26 carats dont la grande sœur, la Diamond Punk, avait déjà été primée lors du Grand Prix d’Horlogerie de Genève l’an dernier. Ces deux pièces, d’une valeur de plus d’un demi-million de francs, donnent le ton. Car les autres thèmes développés à travers les collections de la Maison, à savoir le tourbillon et le squelettage des mouvements, notamment illustré par la Royal Oak Double Balancier Squelette à l’architecture brevetée, démontre amplement sur quels terrains la marque entend chasser. Des terrains qu’elle veut d’ailleurs baliser avec ses propres boutiques, qui devraient passer de 41 à 52 d’ici à la fin de l’année.

Questionné quant aux effets de la force du franc, Richard Mille rétorque : « Même pas mal ! ».
Richard Mille
Pourvu qu’on en parle…

À quelques encablures d’Audemars Piguet, une autre marque affiche des dispositions en tous points semblables. L’an dernier déjà, questionné quant aux effets de la force du franc sur la marche des affaires, Richard Mille rétorquait : « Même pas mal ! » Les chiffres portant sur l’ensemble de l’exercice viennent corroborer cette excellente résistance : en 2015, les recettes de la Maison ont atteint CHF 185 millions, soit une croissance de plus de 20 %, pour un résultat d’exploitation de CHF 70 millions. En volume, cela se traduit par une production de 3 200 montres contre 2 864 en 2014. Rien ne devrait d’ailleurs ralentir la formidable marche en avant d’une Maison fondée en 2001 qui compte aujourd’hui 130 collaborateurs. Pour l’ensemble de l’année en cours, la marque prévoit de passer le cap des 4 000 pièces pour un chiffre d’affaires supérieur à 200 millions. « Le luxe doit comporter beaucoup de technicité pour enrichir nos vies, exposait Richard Mille au SIHH. Si nous continuons de progresser dans un marché en baisse, c’est parce que nous nous sommes positionnés dès le départ, il y a quinze ans, comme le généraliste de la Haute Horlogerie contemporaine. » Avec des spécificités propres à une marque qui a visé d’emblée le segment du « luxe extrême », synonyme d’un prix moyen de ses montres de 170 000 francs. Ses garde-temps sont ainsi placés sous le signe de l’innovation, au niveau tant des matériaux que de la technique horlogère et de l’architecture des pièces. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la marque confie ses montres à des sportifs d’élite, judicieusement choisis pour malmener ces pièces. Passent-elles le test de la compétition qu’elles sont dès lors considérées comme aptes au service, capables de tout endurer. Y compris un crash en F1, comme l’a démontré la RM 006 de Felipe Massa, sortie indemne après un accident survenu à plus de 200 km/h lors des qualifications au Grand Prix de Hongrie en 2009.

Richard Mille RM 50-02 ACJ

Les montres présentées au SIHH, qui vient de fermer ses portes, sont de cet acabit, à commencer par la RM 50-02 ACJ, pour laquelle Richard Mille a collaboré avec le studio design d’Aibus Corporate Jet. Il en résulte une montre chronographe squelette avec échappement à tourbillon extralégère dont les matériaux sont ceux utilités dans l’aéronautique notamment pour les pales des turbines des Airbus. Les couleurs sont celles de l’avionneur, la forme de la boîte, celle d’un hublot en alliage titane-aluminium avec lunette interne en céramique et les fonctionnalités organisées comme sur les écrans d’un cockpit. De la belle ouvrage pour cette série limitée de 30 exemplaires au prix de… un million l’unité. À côté, la RM67-01 Extra Plate ferait facilement pâle figure. Il n’en est rien. Là également, le souci de détail et de la technicité est au rendez-vous. Le boîtier de 7,75 mm, le premier d’une telle finesse chez Richard Mille dans la forme tonneau qui lui est chère, est par exemple le fruit de 215 opérations d’usinage différentes. Il loge le mouvement automatique squelette CRMA6 de 3,6 mm d’épaisseur avec ponts et platine en titane grade 5 traités par électroplasma gris et noir. On pourrait prolonger à l’envi la liste des spécificités de la montre. Inutile, les amateurs sont conquis. Et ceux qui ne le sont pas glosent déjà avec morgue sur le stylo-plume à quelque 100 000 francs proposé cette année par la marque. Qu’importe. Pour ce qui est de Richard Mille, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, pourvu qu’on en parle ! Et de ce côté-là, le pari est déjà gagné.

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