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L’astrarium de Dondi, la huitième merveille du monde
Histoire & Pièces d'exception

L’astrarium de Dondi, la huitième merveille du monde

vendredi, 24 octobre 2008
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

L’astronome italien Giovanni da Dondi a conçu la première horloge planétaire, achevée en 1364. Considérée comme un pur produit du génie italien, elle n’en a pas moins fini à la casse. Non sans avoir titillé les médiévistes qui se sont attelé à sa reconstruction.

L’astrarium de Dondi : tout visiteur du Musée International de l’Horlogerie à la Chaux-de-Fonds, de l’Observatoire de Paris, voire du Musée Léonard de Vinci de la Science et de la technologie à Milan ou encore de la Smithsonian Institution à Washington, du Musée de la Science à Londres et du Musée Beyer à Zurich, ont pu le contempler. Mais certainement pas avec les mêmes émotions que les contemporains de son concepteur, Giovanni da Dondi (1318-1389). Et pour une raison bien simple : il s’agit là de reconstructions de la pièce originale qui, à l’époque, était considérée comme rien de moins qu’une des plus belles réalisations du génie humain, en un mot la huitième merveille du monde. Cette pièce était d’ailleurs d’une complexité telle qu’après la mort de son constructeur, elle n’a pratiquement plus jamais fonctionné correctement pour terminer à la casse comme toutes les vieilles horloges hors service.

« Cela n’a pas amoindri la gloire de Giovanni da Dondi, exposent Gerhard Dohrn-van Rossum, Philippe Braunstein et Olivier Mannoni dans leur livre L’histoire de l’Heure. Au contraire : du fait même que l’on n’ait pu trouver personne pour maintenir le mécanisme en état de marche ou pour le réparer, le créateur de cette construction présentée au bas Moyen Âge comme une des merveilles du monde passait pour un génie exceptionnel auquel beaucoup de contemporains rendirent hommage, entre autres Pétrarque et Philippe de Mézières. »

Sur les cadrans des planètes, une règle indique le vrai lieu de la planète dans le zodiaque, c'est-à-dire le signe et le degré où elle se trouve* © MIH
Sur les cadrans des planètes, une règle indique le vrai lieu de la planète dans le zodiaque, c'est-à-dire le signe et le degré où elle se trouve* © MIH
« Nous l’avons reconstruit »

« N’insistons pas sur les handicaps techniques qui entravèrent le bon fonctionnement de l’astrarium ; concluons plutôt sur la collaboration entre un homme de science, capable de décrire en détail ce qu’il met en œuvre, et des techniciens capables de réaliser en métal les couronnes dentées animant de leur révolution les sept faces de la tour. Une société qui peut produire à ce degré de raffinement technique la preuve d’un concours d’ingéniosité entre savoir théorique et savoir-faire pratique, dispose des ressources productives qui annoncent la société industrielle », poursuit Philippe Braustein dans son ouvrage Travail et entreprise au Moyen Âge. En d’autres termes, l’astrarium, une pièce exceptionnelle, est considéré comme la première horloge planétaire, conçue comme un équatoire [[Instrument astronomique inventé par Campanus de Novare au XIIIe siècle permettant de connaître la position des planètes à l’aide de disques mobiles agencés de façon à former une représentation concrète des constructions géométriques de Ptolémée et ce sans l’aide de tables à calculs.]] mécanisé où les mouvements des planètes sont mus par un mécanisme d’horlogerie.

Basé sur les travaux de Ptolémée présentés dans l’Almageste [[Les travaux de Ptolémée élaborent une décomposition géométrique des mouvements irréguliers des planètes en plusieurs mouvements réguliers exprimés sous forme de table permettant de calculer les positions des planètes à n’importe quel moment de l’année.]]une quinzaine de siècles avant même l’adoption de la théorie héliocentrique, l’astrarium aura nécessité 16 ans de recherche et développement pour être finalement terminé et présenté en 1364 (certains exégètes optent pour 1380). A cette date, Giovanni da Dondi est toutefois obligé de quitter Padoue pour des raisons politiques. Sa ville natale, où son père s’était déjà illustré par la réalisation d’une horloge astronomique publique, ne récoltera donc pas toute la gloire des travaux de son illustre enseignant à l’université. Giovanni da Dondi part en emportant son chef-d’œuvre. A Pavie (Lombardie) où il s’est réfugié, il n’en reçoit pas moins la visite des grands du pays, tous émerveillés par une telle ingéniosité, apparemment guère déçus d’admirer une pièce par trop souvent « en panne ». « La documentation sur l’histoire de l’astrarium à Pavie se ramène, hélas, à des réparations répétées qui ne parviennent pas à le faire fonctionner correctement. Ses responsables ont dû se lasser de ces soins inutiles, car, à partir du début du XVIe siècle, on perd toute trace de l’astrarium », explique Emmanuel Poulle dans un article paru dans la revue Pour la Science. Heureusement pour la postérité, lors de la confection de son astrarium, da Dondi a rédigé une sorte de compte-rendu d’atelier où il décrit scrupuleusement les étapes de sa réalisation. Grâce à ce document, le seul de ce genre qui nous vienne du Moyen Âge, il est possible de connaître tous les détails techniques de sa construction.

Le mouvement, animé par un poids-moteur, est muni d'un échappement à verge et d'un foliot annulaire fleurdelisé* © MIH
Le mouvement, animé par un poids-moteur, est muni d'un échappement à verge et d'un foliot annulaire fleurdelisé* © MIH
Une tour polygonale

Et Emmanuel Poulle de se lancer dans la description de l’horloge : « L’astrarium est une tour polygonale à sept côtés d’environ 1 mètre de hauteur. Dans la partie inférieure se trouve le mécanisme d’horlogerie, installé au centre, ainsi qu’une horloge, sur l’une des faces : c’est une horloge ordinaire, à ceci près que le cadran comporte 24 graduations correspondant aux heures et que c’est lui qui tourne devant un repère fixe. Dans la partie supérieure se trouvent sept cadrans, sur chacune des faces, qui portent les mécanismes des sept planètes : le Soleil, la Lune, ainsi que les planètes que l’on connaît à l’époque, à savoir Mercure, Venus, Mars, Jupiter et Saturne. Chaque mécanisme est indépendant des autres. L’astrarium se veut le reflet du monde. Depuis Ptolémée, on admettait que le mouvement quotidien de la voûte céleste est le moteur de tous les autres mouvements célestes. De même, le mécanisme d’horlogerie commande tous les mécanismes planétaires. »

Sans entrer dans les détails techniques voulant que chaque planète soit portée par un épicycle qui tourne sur un déférent généralement excentré, le mouvement circulaire du déférent étant uniforme lorsqu’il est vu depuis le centre de l’équant, plusieurs équipes se sont lancées dans la réalisation d’un astrarium selon les manuscrits de l’époque dont on a conservé trois versions différentes. Généralement rédigés en langue vernaculaire, un latin déconcertant pour reprendre les termes des paléographes qui rend d’autant plus difficile l’interprétation des indications de construction, ces textes ont donné lieu à des reconstructions différentes, notamment selon le calcul donné aux dents des engrenages et au contour elliptique des roues. Emmanuel Poulle revendique quant à lui une reconstruction fidèle de l’astrarium – celui de l’Observatoire de Paris – contrairement aux deux précédentes qui, selon lui, n’ont pas observé à la lettre les instructions de Dondi. Et de conclure : « Si l’astrarium était génial sur le plan scientifique, cette reconstruction a montré qu’il n’a sans doute jamais bien fonctionné. L’admiration qu’ont éprouvée ses visiteurs, au XVe siècle, ne s’adressait pas tant à ce qu’ils voyaient qu’à ce qu’ils espéraient ou rêvaient voir. »

*Reconstitution de l’astrarium de Gioivanni Dondi, présentée au Musée International de l’Horlogerie (MIH), d’après les plans du savant padouan par l’horloger milanais Luigi Pippa.
Dimensions : Hauteur : 110 cm. Diamètre 90 cm.
La reconstitution date de 1985.

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