>SHOP

restez informés

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle pour recevoir des infos et tendances exclusives

Suivez-nous sur toutes nos plateformes

Pour encore plus d'actualités, de tendances et d'inspiration

L’aventure de la montre pilote (II)
Histoire & Pièces d'exception

L’aventure de la montre pilote (II)

lundi, 15 septembre 2014
Par Grégory Gardinetti, Christophe Roulet, Emmanuel Schneider
fermer
Editor Image
Grégory Gardinetti
Expert et historien en horlogerie

“Il y a la même différence entre les savants et les ignorants qu’entre les vivants et les morts.”

Aristote

Entres expositions thématiques menées à Mexico, Moscou ou Tokyo, conférences autour du globe et articles thématiques, le temps prend toute sa mesure.

Lire plus

CLOSE
fermer
Editor Image
Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

Lire plus

CLOSE
fermer
Emmanuel Schneider

Lire plus

CLOSE
5 min de lecture

Dès l’aube de nos civilisations, la mesure du temps s’est conjuguée avec les progrès de l’humanité. Il en a été de même pour l’aviation, où l’horlogerie a naturellement accompagné les premiers fous volants, ces nouveaux aventuriers de la navigation et leurs drôles de machines.

Le développement de l’aviation civile dans les années 1920 et 1930, assorti aux exploits de ces hommes de légende que sont les Mermoz, Lindberg, Saint-Exupéry, Nungesser ou Coli, va toutefois demander un support technique nettement plus performant. Philippe Van Horn Weem, instructeur à l’Académie navale d’Annapolis, aux États-Unis, va largement y contribuer. De fait, il avait constaté que tout retard dans les calculs de navigation couplé avec des erreurs de chronométrie pouvait avoir des conséquences dramatiques. À 200 mph (320 km/h), un mile (1,6 km) est en effet franchi toutes les 18 secondes. En 1929, il dépose ainsi le brevet d’une montre-bracelet conçue avec Longines & Wittnauer à même de compléter les volumineux chronomètres de bord. L’invention permettait de synchroniser la montre à la seconde près avec un signal horaire radiodiffusé sans dérégler les aiguilles et ce, au moyen d’un cadran central rotatif et gradué.

Première montre à angle horaire

Comme à l’époque il n’y avait pas de mécanisme stop-seconde sur les montres, il n’était donc pas possible de les ajuster avec suffisamment de précision pour réaliser un point de navigation correct à grande vitesse. L’idée de Philippe Van Horn Weem sera reprise par Charles A. Lindbergh, par ailleurs son élève et premier aviateur à avoir accompli la traversée de l’Atlantique en solitaire et sans escale en 1927. Il imagine alors un instrument de navigation dont le développement sera également confié à Longines et qui donnera la première montre à angle horaire dotée d’une lunette et d’un cadran rotatifs. Utilisée conjointement avec un sextant et un almanach nautique, la montre Lindbergh facilitait le calcul de la longitude, laquelle, croisée avec la latitude, donnait une situation géographique exacte. Le brevet est déposé en 1935. L’année suivante, Longines invente le chronographe retour en vol spécialement conçu pour les pilotes leur permettant dès lors d’enclencher instantanément une seconde mesure de temps grâce à une seule et unique pression sur le bouton-poussoir.

Toute pièce qui dépassait un écart de 45 secondes pendant trois jours consécutifs était déclarée inapte.

Le chronographe, précisément, trouve logiquement sa place au sein de l’appareillage des avions de chasse après avoir passé une batterie d’« épreuves » des plus sévères. Tout comme les chronomètres, pour être dignes d’être embarquées, ces montres de bord subissaient des contrôles multiples, notamment dans des conditions extrêmes de température à – 30 °C et jusqu’à + 40 °C. Toute pièce qui dépassait un écart de 45 secondes pendant trois jours consécutifs était déclarée inapte et reprenait le chemin des ateliers pour y être vérifiée et réglée. Les montres subissaient encore des tests de contrôle aux vibrations et aux accélérations et décélérations brutales avec un appareil basculant qui finissait par mesurer leur résistance aux chocs. Un test dit « du magnétisme » était également de la partie, opéré au moyen d’électro-aimants pour s’assurer de la résistance aux champs magnétiques d’un cockpit. L’étanchéité, enfin, était éprouvée via une brume aspergée sur les montres placées en milieu humide pour simuler les climats tropicaux.

Les fameuses B-Uhr

D’une simplicité évidente, ces instruments étaient conçus de telle sorte que les pilotes puissent les manipuler avec leurs gants et disposer instantanément d’une lecture de l’heure fiable. Les mouvements au cœur de ces montres auraient d’ailleurs très bien pu être certifiés « chronomètres » tant ils sont précis. Pas question toutefois d’encombrer le cadran avec des mentions inutiles. Certaines manufactures deviennent alors incontournables dans cet univers aéronautique, fournisseurs privilégiés des armées de l’air alors que se dessine le second conflit mondial. Zenith, comme évoqué plus haut, reçoit spécialement des commandes de la part de l’armée de l’air française pour ses montres d’aéronefs de catégorie Type 20. Omega, Longines, Cyma ou Jaeger-LeCoultre viennent équiper les pilotes de la Royal Air Force. Quant à Hanhart, Tutima, A. Lange & Söhne, Stowa, Berg, Aristo, Laco, Wempe ou IWC, elles sont sollicitées dès 1935 par la Luftwaffe, qui dote ses pilotes de chronographes, son personnel navigant de montres trois aiguilles et ses observateurs de bombardier de garde-temps dits « d’observation », les fameuses B-Uhr.

 

Montre de pilote Stowa de 1940 (© Stowa)

Entre 1940 et 1945, seulement cinq manufactures ont collaboré avec la Luftwaffe pour lui fournir de tels modèles : A. Lange & Söhne, IWC, Laco, Stowa et Wempe. Ceux-ci devaient tous répondre aux critères suivants : 55 mm de diamètre, couronne surdimensionnée de forme diamant ou oignon, cadran noir avec chiffres arabes blancs luminescent et repère à midi également luminescent, aiguilles bleuies luminescentes. Pour ce qui est du mouvement, un calibre chronomètre certifié par l’Observatoire de Hambourg, il devait être en outre doté d’un mécanisme stop-seconde et d’un balancier à spiral Breguet, le tout assorti d’un très grand bracelet permettant le port de la montre par-dessus la combinaison de vol.

De nos jours, nombre de manufactures qui ont participé à ce formidable essor de l’aviation s’ingénient à perpétuer la tradition comme Longines, Omega ou Zenith. Si l’on prend celles qui ont travaillé avec la Luftwaffe pour ses montres d’observation, A. Lange & Söhne tout comme Wempe n’ont plus de modèles équivalents aux B-Uhr dans leur catalogue. Les montres IWC Big Pilot, en revanche, en sont une claire déclinaison contemporaine. Stowa, aux mains de l’horloger Jörg Schauer, continue de faire hommage à ces montres d’observation de la première heure, tout comme Laco. On ne saurait certes facilement faire abstraction du contexte dans lequel ces montres ont gagné leur notoriété. Mais force est de constater que ces garde-temps conçus pour les conditions extrêmes représentent une symbiose rarement égalée de technique et de design.

Haut de page