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Le chronographe militaire par excellence
Histoire & Pièces d'exception

Le chronographe militaire par excellence

mardi, 28 juin 2016
Par Ilias Yiannopoulos
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Ilias Yiannopoulos

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8 min de lecture

Avant l’apparition de l’électronique et du GPS, une montre mécanique de précision était une pièce de première importance dans l’équipement militaire. Le chronographe à deux poussoirs Lémania créé pour la Royal Navy est un cas d’école en matière de minimalisme.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les forces armées ont utilisé divers types de montre-bracelet. D’une manière générale, les montres destinées aux militaires étaient simples et robustes. Les montres de plongée avaient une importance vitale pour les plongeurs et les instructeurs de la marine. Quant aux montres de pilote, elles étaient soit des modèles de haute précision utilisés pour la navigation, soit des chronographes.

Pour ces chronographes, les forces armées allemandes, françaises et anglaises avaient des codes esthétiques propres mais des exigences communes de lisibilité, robustesse et précision. Les Allemands ont ouvert la voie avec le chronographe des pilotes de la Luftwaffe, produit par Hanhart (1938) et Tutima (1941), qui portait alors le nom d’Urofa-Ufag. Le personnel d’aviation a continué à porter ces chronographes après la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à ce que le modèle Hanhart soit remplacé en 1958 par le Bundeswehr chronographe Junghans-J88. Plus tard, des chronographes signés Heuer, Orfina-PD, Tutima, Arctos et Tengler ont été portés par les pilotes d’hélicoptère, les officiers d’artillerie et les commandants de sous-marin. Cette école allemande a largement influencé l’école française, qui n’en a pas moins défini ses propres caractéristiques auxquelles on se réfère avec le Type XX et plus tard le Type XXI. Le Type XX a été commandé à six fabricants : Breguet, Vixa, Boullier, Auricoste, Dodane et Airain, du début des années 1950 aux années 1960. Il a été porté par les pilotes et le personnel navigant des forces aériennes, de la marine et du Centre d’essai en vol (CEV).

Chronographe Lemania
Le chronographe Lémania créé pour la Royal Navy.
L’école anglaise

À mon avis, c’est l’école anglaise qui a généré les chronographes militaires les plus purs de tous. Ce sont des pièces de haute qualité, minimalistes et robustes, affichant une continuité esthétique tout au long de leur production. Le ministre de la Défense britannique avait établi un standard (DEF-Stan) qui, dès le début, définissait les caractéristiques des chronographes des pilotes de l’armée, à savoir un cadran classique noir (parfois blanc), deux compteurs, une grande lisibilité, un mouvement performant et un simple boîtier rond, devenu plus tard asymétrique. De la fin des années 1940 aux années 1970, tous les chronographes militaires anglais provenaient d’un fabricant unique : Lémania. Ils étaient utilisés par la RAF, les pilotes de la Fleet Air Arm et par d’autres corps comme l’Hydrographic Service. Ils avaient tous un seul poussoir : en se passant d’un bouton additionnel de remise à zéro, le chronographe monopoussoir élimine les risques d’erreur. Il est donc idéal quand on navigue et mesure les distances pour connaître sa position. Les premiers chronographes en usage du genre furent le calibre Lémania 15CHT et sa variante ultérieure, le 2220.

Le chronographe militaire Lémania présenté ici est peut-être une anomalie.

Au début des années 1970, le ministre de la Défense modifia sensiblement les normes des chronographes de poignet (DEF-Stan 66-4/Part 2), et l’utilisation de deux poussoirs fut permise. Cette révision coïncidait avec une réduction des effectifs et du budget des forces armées britanniques. Cette modification d’une toute petite partie du programme concernant les montres de pilote a dès lors ouvert la porte à des modèles et des calibres moins coûteux. Ce qui a permis à un plus grand nombre de manufactures de proposer des chronographes et ouvert la voie à des mouvements plus abordables comme le Valjoux 7733. Hamilton, CWC, Precista et Newmark sont entrées en lice jusqu’à l’arrivée du quartz dans les années 1980. Les forces anglaises ont alors commencé à utiliser des chronographes de poignet Seiko.

Le chronographe militaire Lémania présenté ici est peut-être une anomalie. Produit pendant seulement deux ans (1975-1976), ce fut le dernier chronographe de la grande entreprise suisse à être utilisé par les forces armées anglaises, principalement les pilotes de la Fleet Air Arm. Logé dans un boîtier asymétrique, il a le même cadran que les chronographes militaires précédents de la lignée. La différence réside dans le deuxième poussoir et donc dans le calibre qui, dans ce cas, est le Lémania 1872. À ce propos, signalons que Lémania a également produit un petit nombre de montres animées par le calibre 1872 pour les armées de l’air suédoise et sud-africaine. Les boîtiers, cadrans et aiguilles étaient différents, ce qui, conjugué aux faibles quantités produites, en fait de véritables collectors.

Chronographe Lemania
Le chronographe Lémania créé pour la Royal Navy.
La simplicité est la sophistication suprême

Le chronographe à deux poussoirs Lémania Royal Navy référence 818 est une montre de pilotes militaires qui reflète toute la pureté du design anglais. Le boîtier est un modèle de simplicité : composé d’acier inoxydable de haute qualité, il est asymétrique en raison de la protection des poussoirs et doté d’une couronne surdimensionnée qui rend le remontage particulièrement aisé. L’appartenance à la Couronne est indiquée par la gravure de l’inscription « NSN » et d’un phéon (flèche) sur le fond vissé. Le cadran lisible et épuré est marqué d’un « T » cerclé (indiquant l’usage de tritium) et d’un autre phéon. Les chiffres « 12 » et « 6 » de même que les plots sur le pourtour du cadran sont luminescents. Le calibre 1872 oscille à 21 600 a/h, mesure 27,5 mm de diamètre et 5,7 mm d’épaisseur, comprend 18 rubis et dispose de 48 heures de réserve de marche. Ce chronographe à came affiche une seconde centrale et deux compteurs : un totalisateur 30 minutes à 3 h et une petite seconde à 9 h.

Le chronographe Lémania figure au sommet des chronographes de pilotes militaires issus de l’école anglaise, sans nul doute un des plus beaux qui soient dans le style aviateur.

À mes yeux, ce chronographe exceptionnel représente le meilleur de la production issue de l’école anglaise en matière de chronographes de pilotes militaires. Avec une édition estimée à seulement 500 exemplaires (250 par an), il est extrêmement rare. Sa beauté réside dans la simplicité. Très lisible, utilitaire et fonctionnel, il relègue les autres à distance et se conforme à la pensée de Léonard de Vinci, qui disait que « la simplicité est la sophistication suprême ». Ici, le minimalisme consiste à faire moins pour ne retenir que ce qui est digne d’intérêt.

Si vous en désirez un pour compléter votre collection, attendez-vous à faire de longues recherches avant de trouver un bel exemplaire en bon état. Ceux qui refont surface peuvent avoir des aiguilles de remplacement, certaines malheureusement très polies, et des cadrans en mauvais état. Si vous êtes amateur de design vraiment classique tout en souhaitant vous tourner vers quelque chose de plus moderne, vous devriez prendre en considération des alternatives comme les chronographes Vintage BR de Bell&Ross, les Pilot Pioneer Auto Chrono de Hamilton ou, last but not least, le plus authentique des modèles contemporains de la Cabot Watch Company, le chronographe Pilot des années 1970 en réédition.

Chronographe Lemania
Le chronographe Lémania créé pour la Royal Navy.

Le Lémania Royal Navy à deux poussoirs dont il est question ici provient d’une des plus importantes entreprises suisses, malheureusement disparue. Il figure au sommet des chronographes de pilotes militaires issus de l’école anglaise, sans nul doute un des plus beaux qui soient dans le style aviateur, à niveau égal avec les modèles BUND de Heuer et Type XX de Breguet. Il pourrait, peut-être même devrait, servir d’exemple à l’industrie d’aujourd’hui, car, parallèlement à son importance historique et à sa rareté, il répond parfaitement aux dix principes d’excellence en design de Dieter Rams. C’est un chronographe de poignet de haute qualité, minimaliste, discret, honnête et durable. En clair, nous avons besoin de plus de montres modernes de ce type !

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