Il y a parfois des coïncidences qui, mises bout à bout, dessinent les futures tendances. Prenez les pendules. Jadis, pas une famille ne meublait sa demeure sans poser dans un coin du salon une massive horloge, voire une ravissante pendulette sur le buffet de la salle à manger. Oui, mais voilà. L’objet est avec les années devenu un poil ringard, si bien que les horlogers se sont mis à le négliger pour se concentrer sur la vague des montres bracelets.
Et voici qu’en 2008, tant Baselworld que le SIHH présente au travers de ses exposants de magnifiques pendules : Hermès, de Grisogono, Franck Muller et bien sûr Jaeger-LeCoultre – le père de la célèbre Atmos -, autant de marques prestigieuses qui assument désormais si ce n’est leur désuétude, leur passion pour cet art complexe et ancien.
Les pendules, Jérôme Lambert, patron de la manufacture du Sentier qui fête ses 175 ans, les valorisent depuis longtemps. « Il s’agit de notre patrimoine et d’un produit phare de notre marque en termes de ventes. L’Atmos traverse les décennies avec toujours autant de succès », assure-t-il.
Idée de génie
Point fort de cet objet d’art : sa facilité d’entretien et son fonctionnement tout à fait hors du commun. Car cette pendule marche sans pile, sans courant et même sans remontage. Le résultat d’une idée de génie qu’a eu un certain Jean-Léon Reutter en 1928.
A 14 ans déjà, Jean-Léon Reutter tentait de concevoir des pendules au fonctionnement perpétuel. Sorti des grandes écoles dont l’EPFZ, l’ingénieur met au point le principe d’une pendule qui fonctionne pendant plusieurs siècles sans intervention extérieure. En 1932, l’homme rencontre David LeCoultre qui met l’ensemble des ressources de sa manufacture à la fabrication en série de cet objet incroyable.
Le succès est immédiat. Au total, 750’000 Atmos ont été écoulées à ce jour, la pendule étant encore aujourd’hui un précurseur dans le domaine de l’environnement. « Le mécanisme d’une Atmos est si écologique qu’il en faudrait 60 millions pour produire l’énergie requise pour allumer une seule ampoule de 15 watts », indique le patron de Jaeger-Lecoultre.
Frais comme un glaçon
En ces temps de préservation de Mère Nature, difficile tout de même de faire plus vert. Célébrant en 2008 ses 80 ans, l’Atmos a ainsi eu droit au dernier SIHH à un traitement tout particulier. Jaeger-LeCoultre édite trois modèles totalement inédits de sa pendule et a fait appel pour ce projet aux meilleurs artistes et artisans.
Premier modèle, une Atmos dessinée par le designer Marc Newson. « Marc Newson est passionné depuis toujours par l’Atmos. C’est lui-même qui nous a contacté pour y consacrer une création », relève Jérôme Lambert. Célèbre pour avoir inventé la chaise Orgone Strecht Lounge, l’artiste australien applique ses principes contemporains de lignes et formes épurées pour enrober l’« Atmos 561 by Marc Newson » dans un glaçon de cristal de Baccarat. Un véritable objet d’art, qui nécessite plus de 5 essais avant d’obtenir une enveloppe de cristal sans aucune aspérité.
Aux antipodes du design, le deuxième modèle inédit de l’Atmos retourne au XVIIe siècle, époque où Andreas Cellarius dessina son atlas céleste. Reproduisant les cartes du ciel dans un écrin de verre, l’Atmos Astronomique abrite un mouvement complexe affichant une équation du temps, une indication des mois et la vue du ciel dans l’hémisphère boréal.
Enfin, Jaeger-LeCoultre rend hommage à cet art exceptionnel qu’est la marqueterie en créant une Atmos dans un écrin à ouverture automatique et conçue par des centaines d’incrustations de bois précieux et de feuilles d’or. Assemblées, elles forment le célèbre portrait d’Adèle Bloch de Gustave Klimt. Un chef d’œuvre, limité à seulement 10 exemplaires dans le monde.