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Le minimalisme, un siècle d’une fascinante épopée
Modes & Tendances

Le minimalisme, un siècle d’une fascinante épopée

vendredi, 15 janvier 2021
Par Laure Gontier
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Laure Gontier

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6 min de lecture

« Minimalisme ». Le mot est passé de l’art au lifestyle, d’une épure Bauhaus à une promesse d’épanouissement personnel. Une vision en porte-à-faux avec le minimalisme tel qu’il a triomphé dans l’histoire, mouvement aussi austère que bouillonnant, aussi moderne qu’éternellement inspirant.

« Less is more. » Cette maxime signée Mies van der Rohe s’est d’abord exprimée dans le domaine de l’architecture. Certes, depuis le stoïcisme de la Grèce antique ou l’ascétisme du christianisme, les vertus de l’épure ont souvent accompagné la politique, la religion ou les arts. Il n’empêche que, dans l’Allemagne des années 1920, le Bauhaus, école d’architecture et d’arts appliqués, a fait sa révolution par la soustraction. Si l’intention première était d’abolir la dichotomie entre l’artiste et l’artisan, les méthodes industrielles en plein essor sont rapidement incorporées dans l’objectif de créer des séries de logements, de meubles et d’objets fonctionnels, accessibles au plus grand nombre. La forme alliée à la fonction, la standardisation de la fabrication, la démocratisation du design : la légende du Bauhaus est en marche. Pendant ce temps… Patek Philippe, marque fondée en 1839 à Genève, est reprise par la famille Stern, qui lance la Calatrava en 1932. Fini les inspirations exotiques et les sertissages Art déco, place à un boîtier rond qui laisse la forme (simple, élégante) découler de la fonction (donner l’heure, rien d’autre). Un coup de mode ? Un coup de maître ! Et un modèle précurseur qui signe la quintessence du minimalisme.

Calatrava © Patek Philippe
Calatrava © Patek Philippe
Allemagne, année zéro

Faisons maintenant un grand bond en avant. En 1990, l’Allemagne réunifiée voit renaître son secteur horloger, autrefois mythique. Située sur le territoire de l’ex-RDA, la petite ville de Glashütte s’était imposée dès 1845 grâce à Ferdinand Adolph Lange (le patriarche de A. Lange & Söhne). Les horlogeries locales acquièrent vite une réputation de qualité et de précision incomparables qui leur permet de résister… jusqu’au IIIe Reich et son ordre de reconversion dans la production de matériel militaire. Au sortir des combats, les différentes entreprises sont nationalisées et regroupées au sein d’une grande entreprise d’État baptisée Glashütter Uhrenbetriebe (GUB). Le mot d’ordre ? Concevoir des montres pour un usage quotidien à des prix accessibles. De l’autre côté du Mur naît donc en 1959 la Spezimatic, vendue moins de 40 marks. Un demi-siècle plus tard, Glashütte Original (le nom que prend la GUB après sa privatisation en 1994) demande de débourser bien plus pour ses designs élancés. Quoi qu’il en soit, plusieurs décennies après la fin du Bauhaus, les mêmes principes de rigueur et de fonctionnalité sont à l’œuvre. Comme en témoigne, chez Nomos Glashütte, société fondée pile en 1990, la drôlement nommée Lambda : pureté du cadran et finesse des lignes. Ou, chez A. Lange & Söhne, la Lange 1, lancée en 1994, qui communique une grande quantité d’informations (dont la date) avec un extraordinaire génie de l’agencement.

Planète nineties

Jouer sur le presque rien plutôt que sur le trop-plein : c’est la tendance des années 1990, décennie, en mode, du minimalisme par excellence. Après les années 1980 et leurs overdoses de doré, de fluo, de logos, l’heure est à la sobriété, couleurs neutres et lignes simplifiées. Facile ? Ennuyeux ? Au contraire : aussi historiquement important que Malevitch et son Carré noir sur fond blanc ! Les précurseurs sont ceux que l’on élève aujourd’hui au rang d’artistes du siècle. Il y a le clan des Japonais, dont Rei Kawakubo, la créatrice de Comme des Garçons, ou Yohji Yamamoto. Le clan des Belges, appelé « les Six d’Anvers », Martin Margiela en tête. Les électrons libres de l’Europe de l’Est : Jil Sander, Helmut Lang. Et quelques Américains, dont Calvin Klein ou Tom Ford chez Gucci. Soit des styles finalement très différents. Difficile de mettre dans le même panier les volumes flous de Yamamoto et les jeux de sangle d’Helmut Lang, le sexy androgyne de Calvin Klein et la récup’ bricolée de Margiela, le vestiaire pragmatique de Jil Sander et la richesse des tissus de Tom Ford.

Less is more, more is less?

Comme toute tendance, le goût de l’épure ne tarde pas à lasser et ouvre la porte à son opposé : le bling logo-isé des années 2000. Devenu la spécialité des boutiques Muji, qui enseignent au monde entier l’art du peu avec les basiques de la maison et de la mode, le minimalisme revient par la grande porte lorsqu’en 2008 Phoebe Philo est nommée directrice artistique de Céline. Avec elle, on ne parle plus de basiques mais d’essentiels, d’intemporels : on réinjecte du luxe, du rêve dans le cycle du « less is more ». La Haute Horlogerie enfonce le clou. Relancée en 2012, la marque H. Moser & Cie, fondée en 1828, imagine l’emblématique Venturer. L’extravagance, pour ce cadran toujours plus dénudé, c’est de se métamorphoser dans un violet intense, sans chiffres, sans logo, sans ornement, voire de passer en look total noir avec un cadran en Vantablack ne laissant émerger que deux aiguilles en or rouge.

Endeavour Tourbillon Concept Vantablack © H. Moser & Cie
Endeavour Tourbillon Concept Vantablack © H. Moser & Cie

Toujours vaillant, le minimalisme actuel a, dans l’industrie horlogère, des allures schizophrènes. Le tout et le rien cohabitent au sein d’un même modèle. Exemple : la vogue des montres en or blanc et diamant. Ainsi parées, la Royal Oak Offshore d’Audemars Piguet ou la Nautilus de Patek Philippe peuvent sembler simplement grisâtres… alors qu’elles sont recouvertes de pierres précieuses à 100 % ! La forme et la fonction n’excluent plus un décorum outrancier, dans des jeux d’optique très travaillés. « Less is more »… ou « More is less » ? Après un siècle d’existence officielle, le minimalisme n’a pas dit son dernier mot.

Royal Oak Chronographe automatique © Audemars Piguet
Royal Oak Chronographe automatique © Audemars Piguet
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