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Le monde des enchères genevoises en ébullition
Actualités

Le monde des enchères genevoises en ébullition

jeudi, 16 novembre 2017
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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5 min de lecture

La session d’automne a révélé l’ambiance délétère qui règne en coulisse : pour la seconde fois, deux Maisons organisaient leur vente le même jour, faisant définitivement voler en éclats un gentleman’s agreement vieux de trente ans. Une situation qui pourrait également remettre en question la politique de taxation de l’État genevois.

L’événement Only Watch et l’enthousiasme d’Aurel Bacs n’auront pas réussi à occulter la blême vérité : la session des ventes aux enchères genevoises d’automne s’est globalement déroulée dans une atmosphère morose. Si Phillips se démarque une fois de plus en enregistrant à elle seule quasiment le même chiffre d’affaires que les trois autres Maisons réunies, ces dernières ont souffert d’un marché de plus en plus soumis aux spéculateurs. Résultat : beaucoup d’invendus et des salles à moitié vides. Mais le week-end a été marqué surtout, en coulisse, par une ambiance délétère sur fond de calendrier : pour la deuxième fois consécutive en effet, Sotheby’s avait fixé la date de sa vente en même temps que celle d’Antiquorum. Une attitude qui fait voler en éclats le gentleman’s agreement qui prévalait depuis des années et qui pourrait notamment remettre en cause le tarif préférentiel des droits dont jouit Sotheby’s auprès de l’État de Genève – au même titre que ses concurrentes d’ailleurs –, selon un huissier judiciaire de la place.

Acheteurs captifs

Le contraste est de plus en plus frappant : des salles (très) clairsemées dans les hôtels de la Rade, la cohue en périphérie de la ville, sous la tente cosy du cinq étoiles La Réserve. C’est là que la firme Phillips, en collaboration avec Aurel Bacs et Livia Russo, a établi son quartier général genevois. Une Maison qui, depuis trois ans, défraie la chronique des ventes. Et cette édition n’y échappe pas : 195 lots ont trouvé preneurs pour la coquette somme de 23,9 millions de francs. Parmi eux, quatre dépassent le million, dont pour la première fois une Omega, qui devient la montre de cette marque la plus chère jamais vendue aux enchères. De leur côté, Christie’s, Antiquorum et Sotheby’s ont terminé sur des résultats de respectivement 12,7 millions (217 lots dont 11 % d’invendus), 8 millions (598 lots dont 35 % d’invendus) et 5,2 millions de francs (338 lots dont 25 % d’invendus).

Omega Prototype Tourbillon en acier de 1947, vendu chez Phillips pour CHF 1'428'500.-, ce qui en fait l’Omega la plus chère jamais vendu aux enchères.
Omega Prototype Tourbillon en acier de 1947, vendu chez Phillips pour CHF 1'428'500.-, ce qui en fait l’Omega la plus chère jamais vendu aux enchères.

« Phillips est parvenu à rendre ses acheteurs captifs, fait remarquer un observateur qui préfère rester anonyme. En s’installant loin du centre et en organisant deux ventes nocturnes, la Maison encourage les amateurs internationaux à rester la journée à l’hôtel et à faire la fête le soir. » Un show à l’efficacité redoutable amplement dominé, ici comme ailleurs, par des pièces vintage et contemporaines : « Les collectionneurs n’existent plus, tranche Arnaud Tellier, fondateur de Tellier Fine Art et grand connaisseur d’horlogerie ancienne. Les objets antiques n’intéressent plus personne, si ce n’est quelques musées et autant de Chinois, lesquels rachètent leurs patrimoines : les paires asiatiques. Pour le reste, ce ne sont que des spéculateurs qui acquièrent pour les revendre des chronos en acier à gros prix. Nous sommes dans le schéma typique d’une bulle. »

Tarifs dégressifs remis en cause

Passablement bousculé par cette évolution, le petit monde feutré des enchères genevoises semble aujourd’hui en ébullition. Outre les changements intervenus dans la localisation des salles – Antiquorum remplacé au Mandarin Oriental Genève par… un Sotheby’s « bien plus important que nous avec sa vente de bijoux et diamants », regrette Julien Schaerer, Managing Director d’Antiquorum Genève –, les habitués déplorent également une collusion de date. Pour la seconde fois après la session de printemps, ces deux mêmes firmes avaient organisé leur mise à l’encan le dimanche en journée. Une situation qui a particulièrement desservi Sotheby’s ce week-end et qui pourrait encore lui porter préjudice à l’avenir.

Dans les années 1970, les grandes Maisons internationales ont en effet toutes été attirées à Genève par les tarifs dégressifs des taxes : « Lors d’une vente volontaire, le vendeur doit payer à l’État des droits d’enregistrement de 10 % dans le cas d’un objet courant, ou de 4,2 % dans le cas d’un objet de collection, explique maître René Pantet, l’un des sept huissiers judiciaires en charge de délivrer les autorisations et de passer les actes de vente. Mais pour une grande opération, dès 1 million de francs par exemple, le tarif chute à 1,5 ou 2 %. » Pour profiter de cette aubaine, les majors ont alors passé il y a longtemps un accord tacite, prévoyant de ne pas empiéter sur le calendrier de l’autre, de manière à encourager les affaires.

Nous leur avons demandé si c’était une erreur ?
René Pantet

Or, la nouvelle donne est visiblement en train de tout remettre en question. Des manœuvres qui ne plaisent pas beaucoup à l’huissier, dont le rôle est aussi de garantir le bon déroulement des ventes : « Cela fonctionnait bien jusqu’en 2016. Mais au printemps dernier, lorsque Sotheby’s a choisi la même date qu’Antiquorum, nous leur avons demandé si c’était une erreur. Malgré notre remarque, Sotheby’s a recommencé cette fois encore. Sans être un secret, ce tarif dégressif n’est pas inscrit dans la loi. Nous pourrions dès lors très bien recommander à l’État de ne plus l’accorder à tout le monde ! » L’avenir s’annonce torride.

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