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Le mythe Oyster (II)
Regards de connaisseurs

Le mythe Oyster (II)

jeudi, 5 janvier 2017
Par Ilias Yiannopoulos
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Ilias Yiannopoulos

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8 min de lecture

L’année 2016 a été marquée par le 90e anniversaire de l’Oyster, un développement qui a changé à jamais la face de nos chères montres mécaniques. Mais Rolex est-elle la seule à pouvoir revendiquer la création de la montre-bracelet étanche ou s’est-elle simplement retrouvée au bon endroit au bon moment ?

Parmi les nombreuses alternatives à l’Oyster de Rolex, nous pouvons retenir les boîtiers Compressor et Super Compressor réalisés par le fabricant Ervin Piquerez SA (EPSA). Il avait développé un système breveté qui renforce l’étanchéité au fur et à mesure que la profondeur augmente : plus la profondeur est grande, plus la pression exercée sur le fond du boîtier est forte et plus le joint torique est compressé. Cette solution présente en outre l’avantage de prolonger la durée de vie du joint, la pression ne s’exerçant pas à fond en permanence. EPSA a produit ces boîtiers de la fin des années 1950 au début des années 1970. Ils furent utilisés par plusieurs entreprises avec des résultats comparables, voire meilleurs que ceux obtenus par Rolex, comme le prouve une évaluation effectuée en 1959 par l’US Navy dans le cadre de la sélection d’une montre de plongée officielle. Après des tests approfondis, il se révéla que les modèles gagnants étaient la Fifty Fathoms de Blancpain (couronne non vissée) et la Seapearl 600 d’Enicar (boîtier Compressor, couronne non vissée), et non la Submariner Réf. 6538 de Rolex.

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La solution d’Omega

Bien d’autres ont essayé de contourner les brevets Rolex. Panerai a breveté un protège-couronne. Mido a utilisé du liège naturel spécialement traité pour sceller la tige de remontoir de sa Multifort lancée en 1935. Présentée comme la première montre étanche, amagnétique et anti-chocs, elle est devenue le best-seller de la marque jusqu’aux années 1950. Pour sa légendaire Fifty Fathoms, Blancpain a eu recours à un système de double joint torique. Quant à la Polerouters d’Universal Genève, elle n’avait pas de couronne vissée non plus. En fin de compte, c’est Omega qui s’est révélée la mieux placée pour défendre des solutions techniques alternatives.

Omega Speedmaster CK2915
Omega Speedmaster CK2915

Omega n’était pas une nouvelle venue dans la recherche de l’étanchéité. En 1932, elle avait lancé une montre-bracelet basée sur le brevet suisse CH 146310 détenu par Louis Alix, l’Omega Marine, la première à avoir été testée avec succès en conditions de plongée. Son concept réglait le problème de la protection de la tige de remontoir sans contrevenir aux brevets de Rolex, tout simplement par l’insertion d’un deuxième boîtier à l’intérieur de l’enveloppe principale. La Marine fut emportée sous l’eau à plusieurs reprises durant son année de lancement par Yves Le Prieur, le père de la plongée moderne. Dès 1936, elle atteignit 14 mètres de profondeur au poignet de l’explorateur américain Charles William Beebe. À propos de sa résistance dans un tel environnement, il estima qu’elle représentait « un véritable progrès dans la science de l’horlogerie ». Déclinant la Marine, Omega lança les Marine Standard de 1939 et 1941, des modèles rectangulaires étanches simplifiés. Mais la plus intéressante, c’est sans doute la Naïad de 1937. Elle comprenait un fond pressé et un joint qui adhérait au tube de la tige de remontoir. La couronne Naïad allait être améliorée et utilisée dans toutes les montres étanches Omega jusqu’au milieu des années 1960. Elle figurait également dans la Sainte Trinité (Speedmaster, Seamaster, Railmaster), sous une forme comparable mais avec la faculté, pour le joint interne, de devenir plus hermétique au fur et à mesure que la pression augmentait.

Publicité pour l'Oyster de Rolex
Le marketing roi

Le système était ingénieux, car il conjuguait lois physiques de la nature (pression) et fabrication humaine (joint en caoutchouc). La couronne Naïad était théoriquement sûre. Elle fonctionnait bien jusqu’à ce que l’enveloppe étanche vieillisse et perde ses propriétés physiques. À ce moment-là, le joint adhérant au tube de la tige de remontoir ne suffisait plus à empêcher l’eau de pénétrer en cas d’immersion juste en dessous de la surface. Le bruit a alors couru que la couronne Naïad était inefficace en eau peu profonde. David Boettcher tire les choses au clair : « Le problème provenait des utilisateurs qui ne faisaient pas entretenir leur montre et remplacer le joint selon les recommandations. […] Au final, le remplacement de la couronne Naïad par une couronne vissée sur des montres comme la Seamaster visait essentiellement à satisfaire le public. La Rolex (Submariner) avait une couronne vissée pour laquelle Rolex faisait beaucoup de publicité et c’est pour qu’elle puisse rivaliser au niveau des ventes que la Seamaster en a elle-même été équipée. »

La couronne vissée n’est pas une solution miracle pour une montre de plongée. C’est la qualité et la position du joint torique qui déterminent l’étanchéité.

Omega, en concurrence directe avec Rolex dans l’univers de la montre sportive, était toutefois dans l’incapacité de promouvoir son invention comme le pouvait la marque à la couronne forte d’un marketing imparable. Les nombreuses solutions techniques contre la pénétration d’eau, de la part d’Omega ou d’autres entreprises suisses, échouèrent à convaincre la clientèle, non pas parce qu’elles étaient inefficaces mais parce que l’opinion avait été largement sensibilisée aux atouts du modèle Rolex. La couronne vissée n’est pas une solution miracle pour une montre de plongée. C’est la qualité et la position du joint torique qui déterminent l’étanchéité. Une couronne vissée ne sert qu’à empêcher un décrochage accidentel en cas de choc sous l’eau. Ce fut, bien entendu, un progrès majeur mais peut-être pas aussi important que Rolex le laissait entendre.

Hans Wilsdorf, fondateur de Rolex, en 1942.
Du génie dans la façon d’agir

Rolex est-elle donc la seule Maison à pouvoir revendiquer la création de la montre-bracelet étanche ? D’un côté, elle a utilisé des brevets préexistants et ses solutions sont basées sur des percées antérieures. En remontant jusqu’au milieu du XIXe siècle, on observe en effet de nombreuses montres étanches –aucune d’entre elles n’a toutefois réellement connu de succès commercial. La Submarine Commanders de 1917 fut sans doute la plus aboutie. D’un autre côté, Rolex s’est montrée pertinente dans l’utilisation des brevets acquis. À travers les améliorations apportées, elle les a rendus fiables. Tout le mérite en revient à Hans Wilsdorf, dont l’objectif ultime était bel et bien de créer une montre parfaitement étanche. Et force est de constater qu’il y est parvenu.

Rolex Oyster Perpetual Explorer

Hans Wilsdorf était en outre un génie du marketing qui a su présenter la montre étanche comme un accessoire indispensable à tout un chacun. Parallèlement, il a réussi à convaincre le public qu’un tel développement était le fait de Rolex, dont les solutions techniques, basées sur des brevets propriétaires, étaient les meilleures qui soient. Si l’on ajoute l’incapacité des autres entreprises à valoriser leurs inventions pour mieux retourner l’opinion publique, on comprend comment Rolex a acquis sa position dominante. En ce sens, l’Oyster Perpetual a vraiment changé la face des montres-bracelets et ce, grâce à l’acharnement et à la créativité de Hans Wilsdorf. Il a ainsi positionné Rolex à la pointe de l’innovation pour une reconnaissance aujourd’hui mondiale. Si Rolex porte la couronne, c’est qu’elle a toujours su valoriser ses produits en les faisant évoluer avec cohérence. Et surtout, 90 ans après la première Oyster, la Maison continue à proposer une montre-bracelet remarquablement bien faite.

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