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« Les contrefacteurs volent notre identité »
Culture

« Les contrefacteurs volent notre identité »

jeudi, 9 juin 2011
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Lors du « Financial Times Business of Luxury Summit », qui s’est tenu à Lausanne du 5 au 7 juin derniers, les participants ont débattu autour du thème suivant : « Sur le champ de bataille de la contrefaçon ». Conclusion : face à ce fléau, seul un combat sur tous les fronts, y compris l’éducation du consommateur, donnera des résultats tangibles.

« Les contrefacteurs disposent de technologies de production de pointe. Ils engagent les meilleurs hackers et leurs réseaux de distribution sont parmi les plus inventifs à ce jour. Tout cela contribue à banaliser ce fléau de sorte que le consommateur finit par trouver l’achat de produits contrefaits tout à fait normal, voire “cool”. Face à cette situation, la seule réponse possible, outre le combat des marques sur ce terrain de bataille, est d’éduquer le client, et cela doit même commencer à l’école. » Ces propos de Carlos Moreira, fondateur et P-DG de Wisekey, société suisse qui développe des solutions de sécurité numérique sur mesure, ont clairement souligné l’un des problèmes fondamentaux liés à la contrefaçon lors d’une table ronde tenue durant le « FT Business of Luxury Summit », qui a eu lieu à Lausanne du 5 au 7 juin 2011.

Carlos Moreira, fondateur et P-DG de Wisekey © Magali Girardin
Carlos Moreira, fondateur et P-DG de Wisekey © Magali Girardin
Un sujet longtemps occulté

Les compagnies actives dans l’univers du luxe sont aujourd’hui presque toutes confrontées à la montée en puissance de la contrefaçon, qui a trouvé avec Internet un relais idéal. De plus, pendant longtemps, elles ont préféré occulter le sujet étant donné l’impact négatif du faux sur l’image des marques. « Il est vrai que, il y a quelques années encore, la contrefaçon n’était pas identifiée comme un risque, exposait Gian Giacomo Ferraris, CEO de Gianni Versace. Nous nous disions que, de toute façon, les personnes qui achetaient des produits contrefaits n’étaient pas nos clients. Nous avons toutefois très vite compris que ces activités étaient largement susceptibles de corrompre la marque et son ADN. » « Les contrefacteurs nous volent notre identité, renchérissait Nathalie Moullé-Berteaux, vice-présidente exécutive en charge des Affaires publiques et légales chez Lacoste. Ils spolient les investissements réalisés dans l’innovation et la créativité. » « Et finissent par interférer dans la relation entre la marque et son client », confirmait Theodore Max, partenaire de Sheppard Mullin, société spécialisée dans les questions de propriété intellectuelle.

Une intrusion d’autant plus néfaste que, ces dernières années, les contrefacteurs ont fait de réels progrès dans la copie de produits authentiques. « Il ne se passe pas une semaine sans que je reçoive des clients venus m’apporter des montres qu’ils ont achetées en toute bonne foi et qui se révèlent être des faux, confirme René Beyer, CEO de l’entreprise familiale Beyer Chronometrie à Zurich. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs à ce point conformes que seules les manufactures qui ont produit l’original peuvent déceler la supercherie. En sachant que, de nos jours, on réalise trois Rolex, pour nommer une marque, à partir d’une seule, comment devient-il possible de différencier le vrai du faux. Alors ne nous leurrons pas, nous ne stopperons pas la production de contrefaçons. »

La verticalisation des entreprises non seulement en amont, au niveau de la production, mais également en aval, du côté des réseaux de distribution, peut être une réponse à cette gangrène, mais pas seulement. La technologie en est certainement une autre. Comme l’expliquait Carlos Moreira, en dotant chaque produit d’un code d’identification numérique sous la forme d’une carte à puce dotée d’un algorithme unique, on résout les problèmes d’authentification dans la mesure où la carte est lisible dans n’importe quel point de vente comme sur Internet. « Hublot s’est doté de cette technologie qui, de plus, lui a permis de lancer son propre réseau social, baptisé Hublotista, devenu depuis un véritable écosystème. »

Un combat sur tous les fronts

Reste que ces parades ne découragent pas les consommateurs parfaitement conscients d’acquérir des faux. C’est la raison pour laquelle les initiatives des marques se sont multipliées sur le terrain avec certains succès à la clé. « En 2002, nous nous sommes attaqués aux intermédiaires tributaires de cette économie souterraine qui avaient le plus à perdre des actions intentées contre eux, notamment aux États-Unis, poursuivait Nathalie Moullé-Berteaux. Les décisions judiciaires nous ont été favorables, si bien que nous avons pu poursuivre le dialogue avec les autorités locales en vue de conclure des partenariats qui donnent aujourd’hui des résultats même en Chine. Ces pressions légales nous ont également permis d’arriver dernièrement à un partenariat avec des opérateurs internet comme eBay ou Amazon. Tout cela pour dire que la lutte anti-contrefaçon ne peut se concevoir aujourd’hui autrement que par un combat sur tous les fronts ! »

Quand Gian Giacomo Ferraris a repris les rênes de Gianni Versace, en 2009, la contrefaçon n’était pas son souci premier dans la mesure où la Maison de mode italienne traversait une grave crise, forçant le nouveau CEO à licencier 25 % des collaborateurs de la marque. Avec en ligne de mire un retour à la croissance et à la profitabilité, Gian Giacomo Ferraris n’en a pas moins négligé cette industrie du faux qui « corrompt une marque, s’attaque à sa création de valeur et peut potentiellement détruire son modèle d’affaires », selon ses termes tenus lors du « FT Business of Luxury Summit », tenu en juin 2011 à Lausanne. Sa première réponse : une approche ciblée et individualisée contre les contrefacteurs identifiés et leurs distributeurs. « Nous nous sommes toutefois vite rendu compte que ces démarches coûtaient beaucoup trop d’argent et de temps avec des résultats mitigés », poursuivait-il.

 

Gian Giacomo Ferraris, CEO de Gianni Versace © Magali Girardin
Gian Giacomo Ferraris, CEO de Gianni Versace © Magali Girardin

Changement de stratégie, donc, axée cette fois sur la prévention. Gian Giacomo Ferraris : « Nous avons entrepris de former nos collaborateurs actifs dans notre propre réseau de distribution ainsi que ceux des entreprises avec lesquelles nous travaillons sous licence pour que ces points de vente deviennent de véritables centres de référence en matière de contrefaçon. Nous avons également organisé des séminaires avec le personnel des différents services des douanes, tout en collaborant avec les groupes d’intérêt de notre branche au niveau national et en sollicitant l’aide des ambassades italiennes sur les marchés les plus touchés. Tout cela nous a permis d’entrer dans un cercle vertueux. Un seul exemple : en 2010, 360’000 articles contrefaits de notre marque ont été saisis, soit 10 fois plus qu’en 2008 pour un tiers des coûts. »

Cible prioritaire pour 2011 : Internet. Une lutte pour laquelle Gian Giacomo Ferraris a créé une cellule spéciale chargée d’obtenir la fermeture des sites de contrefaçon et leur éradication des moteurs de recherche. « Le prochain pas sera d’augmenter la conscience du consommateur, conclut-il. Pour bien lui montrer qu’on ne transige pas sur la qualité. »

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