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Points de vue

« Les horlogers de demain seront bien plus hispanophones »

vendredi, 26 octobre 2012
Par Manuel Palos
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Manuel Palos

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9 min de lecture

Entretien avec Carlos Alonso, directeur du Salon international de la Haute Horlogerie de Mexico (SIAR – Salón Internacional Alta Relojería).

Après la Suisse et ses incontournables rendez-vous horlogers professionnels, les salons régionaux de Haute Horlogerie ouverts au public se sont multipliés, à Singapour, Mexico, Paris, Londres… Preuve de l’essor des acteurs de la mesure du temps sur la scène internationale. L’Amérique latine a fait figure de pionnier dans l’organisation de ce type d’événements, qui se tiennent désormais partout où la Haute Horlogerie fait merveille. Carlos Alonso, créateur et organisateur du SIAR, Salón Internacional Alta Relojería de Mexico, en sait quelque chose. Journaliste, entrepreneur et grand connaisseur du marché horloger latino-américain, il crée l’événement depuis six ans entre grandes marques, public averti et médias qui se donnent désormais rendez-vous chaque mois d’octobre pour cultiver la passion de la Haute Horlogerie.

D’où vous est venue l’idée d’un salon de Haute Horlogerie à Mexico ?

Carlos Alonso : Nous avons pris conscience des lacunes dans la transmission des savoirs et de la culture des marques de Haute Horlogerie. Le besoin était évident. Avant ce Salon, nous avions déjà organisé quelques événements ponctuels visant à mettre en lien des collectionneurs avec des grands noms du secteur comme Corum, Breguet, Parmigiani, Hublot… Chaque fois, ce fut une belle réussite. L’idée était de faire se rencontrer consommateurs finaux et marques horlogères comme joaillières. Mais nous avons rapidement pu constater que ces canaux d’échange traditionnels manquaient de dynamisme. Il y avait un frein à ce processus naturel consistant à mettre en relation les concepteurs de garde-temps et leurs clients. Cette mise en relation faisait défaut. Une dizaine de marques ont alors émis le souhait d’organiser un événement correspondant à leurs attentes. En ce qui nous concerne, en tant que représentant de la presse spécialisée, nous n’étions en aucun cas impliqués dans l’événementiel. L’idée d’un salon multimarque s’est toutefois rapidement imposée. Une idée gagnante puisque le Salon a rencontré un franc succès dès ses débuts, en 2007.

Comment avez-vous convaincu les marques de participer à ce Salon ?

Nous avions un atout certain : la crédibilité de la revue Tiempo de Relojes. Aux débuts du SIAR, la revue comptait déjà 11 années de publications. Cette revue a joué un rôle moteur sur le marché horloger au Mexique. En 1996, année de sa création, l’intérêt de l’Amérique latine pour la Haute Horlogerie n’en était qu’à ses balbutiements.

Cela signifie donc que le SIAR est le point culminant d’un processus né de votre revue ?

Parfaitement. La crédibilité de la revue, qui a immédiatement constitué un vecteur de promotion de la culture horlogère, a joué de son influence sur les tendances et les nouvelles signatures de l’horlogerie. Une formule idéale pour ce qui allait suivre.

À quoi doit-on la multiplication des salons tels que le SIAR à Mexico ?

Le premier rendez-vous marquant de ce type a été Tempus à Singapour. Michael Tay, patron de The Hour Glass, en est à l’origine. Ce salon horloger a vu le jour quand le marché asiatique de l’horlogerie prenait tout juste son essor. Tout y était, et je dirais même plus. Michael Tay est un entrepreneur né et son salon a été un événement spectaculaire. Nous en avons pris plein les yeux, moi le premier. Quant à moi, j’estime également opérer sur un marché émergent. J’ai toujours eu un sentiment de fierté à l’idée que notre marché remplisse toutes les conditions nécessaires à son propre développement, bien que l’Amérique latine doute parfois de ses propres forces. Mais toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que le succès soit de la partie. Simplement, l’Asie a su réagir avant nous. Au final, nous nous sommes donc lancés dans l’organisation d’un événement, à l’instar des salons qui allaient bientôt voir le jour à Paris ou à Londres et dont le lancement est également le fait de journalistes.

N’est-il pas curieux de voir des journalistes de la presse spécialisée à la base de tels événements ?

En effet. Je pense que cela vient du fait que nous, journalistes, sommes en contact direct avec toutes les marques. Nous agissons donc naturellement en tant que vecteurs de transmission de la culture horlogère.

En quoi le SIAR de Mexico se différencie-t-il des autres événements ?

Situés dans deux capitales mondiales majeures, le Salon QP de Londres et Belles Montres à Paris ouvrent leurs portes à une multitude de visiteurs. À Mexico, capitale de second rang en termes horlogers, nous avons créé un événement public, bénéficiant d’aides privées, qui a pour vocation de privilégier la qualité à la quantité. De fait, les marques apprécient que le Salon ne compte finalement « que » 3 000 visiteurs. Elles peuvent ainsi établir des contacts directs et personnalisés avec le client. À Paris ou à Londres, cela se révèle bien plus difficile. Autre atout en notre faveur : les intérêts sont faciles à concilier. Ce qui donne un univers convivial pour la communauté horlogère que les médias sont prêts à soutenir.

Quelles différences avec le Salon international de la Haute Horlogerie ou Baselworld, deux événements incontournables en Suisse ?

Le contact avec le consommateur final. Quand je vois Carole Forestier, en charge de la Haute Horlogerie chez Cartier, ou Richard Mille échanger avec tel ou tel collectionneur passionné, je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agit là d’instants magiques. En ce sens, les salons régionaux viennent compléter l’offre de Baselworld et du SIHH. L’engouement pour le monde de l’horlogerie ne cesse de croître et les réseaux sociaux génèrent un sentiment d’anxiété en raison de l’immédiateté des informations, qui tend à frustrer les consommateurs dès lors qu’ils ne peuvent être au cœur de l’événement.

Quels sont les atouts et les problèmes rencontrés par le secteur de l’horlogerie en Amérique latine ?

Premier inconvénient : dans un monde concurrentiel et globalisé, les horlogers et les distributeurs traditionnels doivent se mettre à penser comme des entreprises. Par conséquent, la professionnalisation est un premier enjeu. Le second défi à relever tient à un environnement parfois hostile, notamment sur le plan de la sécurité. L’horlogerie vient d’être assimilée à un secteur d’activité à risque. L’environnement est d’ailleurs si complexe qu’il est difficile pour l’univers du luxe d’atteindre les standards recherchés par les marques. Mais au cours du siècle passé, la Haute Horlogerie a toujours parfaitement surmonté ces aléas, notamment dans le domaine politique. Le Venezuela, par exemple, représente aujourd’hui un marché important.

Parmi ses nombreux attraits, l’Amérique latine a pour principal avantage d’être dans une position idéale pour favoriser le développement et l’essor de la classe moyenne. Ressources naturelles nombreuses, forte population, consommation… Autant d’atouts qui font que l’Amérique latine se situe du côté où le soleil économique de demain se lève. En outre, la demande dans le domaine de la Haute Horlogerie ne cesse d’augmenter, notamment au sein des jeunes générations. L’Europe ne doit pas oublier que, à la fin du XIXe siècle et durant les premières décennies du XXe siècle, les grandes signatures horlogères investissaient les Amériques alors que le vieux continent était en pleine agitation. Elles venaient ici, au Mexique, au Brésil, à Buenos Aires pour pallier les carences de leurs propres marchés. Il existe ainsi un substrat historique dont le SIAR se fait fort d’être le digne héritier.

Quels sont les marchés qui constituent l’Amérique latine horlogère ?

Tout dépend du niveau de richesse. Selon certaines marques, si l’on cumulait le niveau de consommation des Mexicains et des Brésiliens à l’étranger et au sein de leurs propre pays, ces deux marchés représenteraient 80 % de la consommation en Amérique latine. Le Mexique et le Brésil figureraient ainsi parmi les dix premiers pays importateurs. L’Argentine, en revanche, est un pays qui a toujours fait preuve d’un réel engouement pour l’horlogerie. Le phénomène vénézuélien, avec une nouvelle classe qui aspire au luxe, est surprenant. Le Venezuela est le pays de la région qui compte le plus grand nombre d’instruments de mesure du temps vendus par habitant. Ce secteur se développe également bien au Pérou. Le Chili est un marché qui pondère davantage la valeur réelle des choses. Quant à la Colombie, tout est mis en œuvre pour que le marché du luxe prenne de l’ampleur et figure peut-être, à court terme, au troisième rang des pays d’Amérique latine.

À l’avenir, s’exprimera-t-on davantage en espagnol dans le monde de l’horlogerie ?

L’espagnol est une langue très répandue. Et les hispanophones aiment le luxe, sont adeptes de la mode, consomment même à outrance pour exhiber ce qu’ils possèdent… Donc, à mon avis, oui, les horlogers de demain seront bien plus hispanophones que ceux d’aujourd’hui.

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