C’est le dilemme du moment. Face à l’ampleur du réchauffement climatique, faut-il encore acheter des montres ? Oui, répondent en chœur les amoureux de belles mécaniques. Mais continuer de se faire plaisir mérite une sérieuse prise de conscience. Les années 1980 ont été celles de la consommation galopante, du bling-bling. Les années 2000 ont vu l’avènement du client prudent. Dès 2010, le commerce équitable et les produits bio ont débuté leur ascension. En 2018, il est question de shopping responsable. Avec plus d’arbitrages, plus de choix en amont, plus de réflexion sur ses achats… Et le devenir de ses achats. Face à la perte de la biodiversité, au bouleversement de la chaîne alimentaire, à la nécessité absolue de préserver Dame nature, les horlogers ont aussi pour mission de montrer la voie à leur clientèle. Ils font d’ailleurs en sorte de revoir leurs modes de production et leurs partenariats afin d’imaginer des pièces destinées à venir en aide à des associations solidaires. Un moyen d’agir pour la bonne cause mais aussi de soigner leur image.
Luxe responsable
Encore faut-il choisir une action en accord avec sa stratégie marketing. Pour ce faire, le mieux est encore de piocher dans son passé. Ainsi, Blancpain, liée à la plongée depuis 1953, soutient d’importants projets dans le cadre du Blancpain Ocean Commitment. La marque capitalise sur son modèle phare, la Fifty Fathoms développée avec les nageurs de combat de l’armée française, pour imaginer des éditions limitées – les 250 pièces de la Fifty Fathoms Ocean Commitment III, par exemple – dont le fruit de la vente sert à soutenir diverses actions. Ainsi, l’expédition Gombessa effectuée en Antarctique a permis de mesurer l’impact du réchauffement climatique sur cette région polaire.
Rolex a également toute la légitimité voulue pour nouer des partenariats dans ce domaine, comme avec le National Geographic. La marque à la couronne, qui a accompagné nombre de grands aventuriers dans des conditions extrêmes depuis les années 1930, promeut l’exploration et encourage l’effort de sauvegarde des océans, des pôles et des montagnes. D’un autre point de vue, on peut aussi utiliser ses collections pour faire passer un message environnemental. Avec son Aquatimer Chronographe Edition Galapagos Islands, IWC met en lumière l’avenir de l’archipel des Galápagos tandis qu’en lançant sa Clipperton Limited Edition Oris affirme son engagement pour la sauvegarde des océans. La marque est le principal sponsor de l’expédition Clipperton, du nom d’une île à l’écosystème unique et fragile qui, selon les recherches effectuées, fait partie du couloir de migration de nombreuses espèces marines.
Luxe éthique et recyclage
La seconde solution envisageable, et qui est en train de prendre la voix, est de s’engager dans une optique de luxe éthique. L’un des virages les plus emblématiques dans le domaine est celui pris par Chopard. Pionnier dans le domaine avec son label Fairmined (2014), la marque a annoncé en mars 2018 vouloir produire ses collections joaillières et horlogères uniquement avec de l’or éthique. Depuis juillet 2018, elle s’approvisionne auprès de deux sources différentes en termes de traçabilité : les petites communautés minières rattachées à la Swiss Better Gold Association et de la RJC Chain of Custody, les raffineries certifiées par le Responsible Jewellery Council. Dans un autre registre, Richemont a lancé en début d’année Baume, une marque vendue sur Internet qui revendique un positionnement dans le haut de gamme durable et accessible, soit une démarche totalement en phase avec les nouvelles générations de plus en plus sensibles aux modes de production des articles de luxe mais aussi aux causes caritatives.
Ladite génération est aussi l’une des plus friandes adeptes de la maxime « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Mieux qu’une déclaration d’intention, le propos a toute son importance dans le développement d’une économie verte qui trouve aujourd’hui un écho chez les horlogers. Il y a quelques années, recycler était triste, voire miséreux, pour une marque de luxe. Aujourd’hui, les valeurs pérennes et patrimoniales sont dans l’air du temps. Entre collections vintage, inspiration de modèles anciens ou réexploitation de stocks d’invendus, les horlogers utilisent le recyclage comme une nouvelle expression de modernité.
Envolée du marché des « occaz »
Il suffit de voir la montée en puissance de la montre d’occasion. Elle s’est démocratisée ces dernières années avec l’arrivée d’acteurs phares comme Wachfinder ou WatchBox. Il est désormais possible de revendre ou acheter des pièces de seconde main authentifiées et certifiées. On trouve de tout sur Watchfinder : des chronos TAG Heuer, une Chanel J12 sertie de saphirs, la fameuse Breitling Emergency dotée d’une balise de détresse bi-fréquence et même une Richard Mille Felipe Massa à plus de 100’000 euros. Toutes les grandes marques horlogères dans une immense « brocante » virtuelle.
On trouve de tout et on en trouvera de plus en plus. Seize ans après sa création, le site devenu le spécialiste des ventes de montres d’occasion haut de gamme entre particuliers a été racheté par Richemont en juin dernier. Avec cette acquisition, qui fait suite à celle de Yoox Net-à-Porter (YNAP), le groupe de Johann Rupert passe à l’offensive afin d’être présent sur un secteur promis à une croissance exponentielle et pile dans la tendance écolo du moment qui porte les marchés d’occasion aux nues.