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Les organes de régulation de la montre d’hier à aujourd’hui...
Histoire & Pièces d'exception

Les organes de régulation de la montre d’hier à aujourd’hui – VIIIe partie

mercredi, 12 juin 2019
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Vincent Daveau
Journaliste, horloger constructeur et historien diplômé

“Une heure de retard d’une jolie femme, c’est son quart d’heure d’avance. ”

Sacha Guitry

« La passion est le sel de la vie ! »

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7 min de lecture

De toutes les inventions ayant contribué à l’amélioration des montres mécaniques, celle de l’organe réglant est la plus essentielle, mais aussi la moins bien documentée. Pour corriger cette lacune, voici racontée l’histoire des échappements des origines aux nouveaux régulateurs en silicium. Huitième partie : échappements à double impulsion et à détente pivotée.

En 1789, l’année du début de la Révolution française, l’horloger Abraham-Louis Breguet proposait un échappement libre aussi original que complexe à réaliser. Ce dernier, baptisé Échappement Naturel, avait la particularité de disposer de deux roues d’échappement destinées à assurer deux impulsions par oscillation directement transmises au balancier. La transmission de la force du rouage au balancier s’apparentait à ce qui se faisait dans l’échappement à détente, mais l’opération intervenait à chaque alternance comme le faisait l’ancre de Mudge et non pas une fois par oscillation comme cela se produisait avec une détente (coup perdu). L’organe devait, par conséquent, être plus efficace. Seulement, la complexité de sa réalisation, avec, notamment, des ébats impossibles à régler, l’a mis sur la touche, les horlogers étant plutôt en quête de systèmes aisément industrialisables et facilement reproductibles. La technologie évoluant, les horlogers se sont toutefois à nouveau penchés sur un tel système et ses opportunités.

Galet micro-rotor Échappement Naturel

La double impulsion fait des émules

Ainsi, l’échappement Dual Ulysse, variante modernisée de cet organe de régulation à impulsion radiale, a été intégré en 2005 à la montre Freak, la référence Ulysse Nardin offrant depuis 2001 une vision décomplexée de l’horlogerie. Ce mécanisme fait évidemment une large place au silicium et agit par double impulsion directe au balancier. François-Paul Journe a également réalisé, au cœur même de sa montre Chronomètre Optimum, un groupe de régulation qui, breveté et baptisé « échappement bi-axial à haute performance EBHP », est à double roue à impulsions directes fonctionnant sans huile. Comme ce maître horloger connaît bien ses classiques, on notera qu’il est parvenu à concevoir un échappement à impulsions directes démarrant seul – sans qu’il soit nécessaire de lui donner une impulsion comme il le faut dans un échappement à détente – et qu’il a couplé cet échappement à un remontoir d’égalité afin que la force transmise au balancier soit toujours identique. Ce qui garantit à l’organe réglant une précision supérieure tout au long de son fonctionnement, sans variation de couple entre le début du remontage et la fin.

Il faut en effet savoir que l’échappement naturel est sensible aux chocs et mouvements brusques.

Ce mode de régulation a d’autres adeptes. En effet, la maison Laurent Ferrier a présenté récemment sa propre interprétation de cet échappement avec des roues spéciales et un isolateur en silicium. L’horloger indépendant Kari Voutilainen a lui aussi mis au point une version de l’échappement naturel de Breguet en 2011. Son modèle Vingt-8 est ainsi équipé d’un groupe de régulation doté de deux roues d’échappement à impulsion directe avec une petite ancre entre les deux qui est, pour l’occasion, pilotée comme un échappement muni d’un dard pour éviter de voir le système s’affoler au moindre choc. Il faut en effet savoir que l’échappement naturel est sensible aux chocs et mouvements brusques, qui peuvent faire rebattre le balancier ou sauter des dents au risque même de casser les pivots. Cette astuce offre ainsi à son système une précision de marche supérieure, mais l’ensemble reste complexe à produire. Ce qui explique pourquoi ce mode de régulation reste difficile à gérer à un niveau industriel.

Échappement à détente pivotée

C’est d’ailleurs loin d’être un cas isolé. En 2005, la manufacture Breguet présentait en toute confidentialité un échappement prototype à détente dont il n’existe aujourd’hui plus aucune trace. Dans la foulée, Jaeger-LeCoultre proposait l’échappement « Isomètre à Ellipse » en 2006 au cœur de l’une de ses plus formidables créations qu’est la Reverso Grande Complication à Triptyque. Cet échappement au nom bizarre est en fait une sorte de détente retravaillée, où l’impulsion n’intervient qu’une fois par oscillation complète et de la manière la plus brève possible. L’échappement à détente pivotée peut être considéré comme la variante la plus réussie et la plus couramment utilisée de ce type de régulateur. Mais les échappements à détente réagissent très mal aux chocs ou aux mouvements vifs, comme l’échappement naturel classique. Voilà pourquoi les fabricants de montres-bracelets ont fait l’impasse sur ces mécanismes pourtant réputés pour leurs qualités chronométriques.

Jaeger-LeCoultre proposait en 2006 l’échappement « Isomètre à Ellipse » dans la formidable Reverso Grande Complication à Triptyque.

Avec l’Isomètre à Ellipse, les horlogers de Jaeger-LeCoultre sont parvenus à remédier à cette anomalie en réalisant un nouvel échappement à détente pivotée et à dégagement indirect adapté aux montres-bracelets, conservant les aspects positifs du principe sans s’embarrasser de ses influences négatives. Ainsi, cet ensemble trop tôt disparu et produit à seulement 30 exemplaires se compose de quatre éléments : la roue d’échappement, le plateau, le bras du bloqueur et le bloqueur, appelé également « bascule » ou détente pivotée dans le langage horloger. Afin que l’échappement « Isomètre à Ellipse » puisse fonctionner parfaitement dans toutes les positions et supporter des chocs, le bras du bloqueur et la roue d’échappement sont fabriqués en silicium monocristallin. Cet échappement, qui n’a jamais été repris depuis 2006, présente également l’avantage de fonctionner sans lubrification de par ses caractéristiques géométriques correspondant à celles des détentes de chronomètres de marine. Il se dit aussi que Rolex aurait déposé un brevet pour un échappement original (US 2008/0279052A1) en 2008 aux États-Unis. Mais bien sûr, tout cela n’est que conjecture…

Systèmes doubles

Autre option, explorée par les horlogers : assembler le système à résonance et l’échappement naturel pour n’en faire qu’un. C’est un peu le concept qu’a retenu la petite marque Rudis Sylva. Son groupe de régulation baptisé en toute simplicité « Oscillateur Harmonieux » a été conçu par l’horloger Mika Rissanen. Dans sa construction, l’organe réglant reste toujours sur le même plan, constitué de deux balanciers associés à des spiraux dont le développement est asymétrique et ce, dans toutes les positions. Le mode de fonctionnement est simple, basé sur le principe de connexion. Autrement dit, les deux balanciers engrenant l’un avec l’autre vibrent à une même amplitude pour garantir à l’Oscillateur Harmonieux une marche moyenne immédiate corrigée par une compensation mutuelle optimisant les réglages diurnes.

Calibre Chronomètre à Résonnance © F.P. Journe
Calibre Chronomètre à Résonnance © F.P. Journe

D’une certaine façon, ce groupe de régulation inscrit dans un tourbillon permet à l’ensemble apparié de faire rentrer les deux balanciers en résonance mécanique (voir également les échappements à résonance proposés par F.P.Journe et Armin Strom équipés d’échappements à ancre classiques). Autre produit récent doté d’un double balancier, mais régulé par un seul échappement à ancre suisse : la Royal Oak Dualbalance d’Audemars Piguet, présentée en 2016. Ce groupe de régulation original est censé résoudre les problèmes de stabilisation en intégrant un second ensemble balancier-spiral sur le même axe. Cette nouvelle géométrie brevetée « Dualbalance » permet d’obtenir une précision et une stabilité de fonctionnement considérablement accrues.

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