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Les Russes aiment frimer, et les Japonais ?
Economie

Les Russes aiment frimer, et les Japonais ?

vendredi, 19 septembre 2008
Par Louis Nardin
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Louis Nardin
Journaliste et consultant

“De l’audace, toujours de l’audace.”

Georges Jacques Danton

« Une montre de qualité concentre de la créativité, des compétences techniques et scientifiques rares, des gestes anciens. Elle touche au désir d’être unique, de se distinguer, d’afficher un savoir, une puissance, un goût. Une montre raconte plusieurs histoires à la fois, dont les détails et les secrets font la saveur. »

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6 min de lecture

Malgré la globalisation, les marchés gardent leurs habitudes de consommation. Les Européens passent ainsi pour des conservateurs alors que les Chinois achètent en néophytes. Quant aux Italiens, ils ne font rien comme les autres. Comment les marques gèrent-elles cette pluralité ? En se concentrant d’abord sur les collections fortes.

Les marques adaptent-elles leurs modèles en fonction des marchés ? Une enquête auprès de quelques-unes d’entre elles montre que non. A la place, elles travaillent à élaborer des collections fortes et cohérentes qui incarnent l’identité de la marque, une démarche incontournable, selon elles, pour survivre dans un monde globalisé. Quant aux goûts et aux couleurs des différentes régions, ils s’expriment surtout à travers les choix que font les distributeurs et les détaillants dans leurs catalogues. Mais, loin de se murer dans leurs tours d’ivoire, les marques auscultent attentivement l’évolution des marchés pour adapter parfois certains de leurs modèles.

Catalogue mondial

Dresser le portrait d’un marché serait en fait inutile et trop complexe notent les experts. Restent quelques traits purement indicatifs et à prendre avec précaution. Les Japonais préfèrent ainsi les modèles de petite taille à cause de leurs poignets réputés fins. Les Russes, eux, chassent les pièces uniques et les veulent si possible blindées de pierres précieuses. Quant aux Chinois, ils consomment en néophytes. Les nouveaux riches de l’Empire du Milieu veulent dépenser de l’argent mais ignorent souvent tout de ce qu’ils achètent. Des Européens, on dit qu’ils possèdent une culture horlogère poussée et des goûts classiques. Pour passer incognito, ils préfèrent les modèles en platine, que les non initiés confondront avec de l’acier, à l’or jaune si clinquant. Quant aux Italiens, ils passent pour inclassables sauf sur un point : ils raffolent des pièces ostentatoires. Là dessus, ils partagent le podium avec les Moyen-orientaux.

Jusqu’à la crise horlogère des années 70-80, les marques publiaient volontiers des catalogues différenciés pour l’Europe, l’Asie et l’Amérique. « C’était l’époque où l’on pensait que les acheteurs des pays de l’Est préféraient avoir des index à la place des numéros sur les cadrans », rapporte un observateur. Aujourd’hui, les prospectus sont identiques et traduits dans un maximum de langues. Car, outre les gains logistiques, les marques ont tout avantage à diffuser les mêmes produits à l’échelle mondiale.

Nous offrons quatre collections qui se distinguent par des designs et des codes bien spécifiques.
Michel Ferracani
Cohérence et mobilité

Premier avantage : elles affirment ainsi leur cohérence. Aujourd’hui, les marques bataillent avant tout pour défendre une identité forte, véritable balise pour se distinguer de la concurrence. « Nous offrons quatre collections qui se distinguent par des designs et des codes bien spécifiques, note Michel Ferracani, vice-président et directeur du marketing chez Corum. Elles constituent les piliers sur lesquels repose la marque. Nous pouvons les adapter partiellement mais la marge de manœuvre est limitée si on ne veut pas trahir leur essence. »

Deuxième point positif : en proposant une offre générale, les marques évitent de semer le doute chez les clients. « La globalisation a entraîné une hausse de la mobilité chez la clientèle, note un expert. Et il n’y aurait pas pire cas de figure qu’un Chinois en vacances à Londres repérant un modèle particulier qu’il ne puisse pas retrouver en boutique une fois de retour chez lui. L’Europe incarnant la terre d’origine de l’horlogerie, il aurait le sentiment d’être déconsidéré en étant privé de certains produits. »

Adhésion volontaire

Plutôt que de s’adapter aux marchés, les marques prennent la position inverse en laissant les distributeurs et les détaillants faire leurs choix. « L’engouement que connaît l’horlogerie a poussé les clients à s’intéresser aux marques et non le contraire, analyse Janeck Deleckiewicz, directeur artistique et du design chez Jaeger-LeCoultre. Mais nous ne restons pas inactifs pour autant car nous devons nous adapter à l’ère du temps. Depuis 1995, nous offrons par exemple des modèles avec second fuseau horaire car ils correspondent à un véritable besoin des consommateurs. »

Les marques seraient-elles donc sourdes aux caractéristiques des marchés ? Au contraire. La réponse tient dans la manière dont elles les intègrent. « Nous développons nos gammes à l’interne avant d’écouter les retours des différents marchés, explique Stéphane Linder, vice-président et directeur du design et du marketing chez TAG Heuer. A partir de là, nous travaillons au cœur des séries pour créer des produits de plus en plus ciblés et qui restent fidèles à la gamme. L’évolution se fait donc pas à pas. Pour optimiser notre analyse, nous faisons aussi appel à des « focus group » composés d’acheteurs types auxquels nous soumettons nos produits et ceux de la concurrence pour recueillir leurs avis. Parfois, nous prenons aussi des risques dans l’espoir de créer des tendances. »

La botte secrète

Pour se distinguer dans une région sans trahir leur identité, les marques disposent pourtant d’une botte secrète : la série limitée. En produisant un certains nombre de pièces en l’honneur, par exemple, d’un détaillant ou d’un club particulier, ces dernières s’offrent pour un temps une visibilité accrue dans une zone définie. Hublot l’a fait en début d’année avec sa Big Bang Yankee Victor réservée aux propriétaires de jets privés au Venezuela.

Hublot a édité à 100 exemplaires un modèle spécial baptisé Yankee Victor en l'honneur des propriétaires de jet privés vénézuéliens © Hublot
Hublot a édité à 100 exemplaires un modèle spécial baptisé Yankee Victor en l'honneur des propriétaires de jet privés vénézuéliens © Hublot

Cerner un marché constituerait donc un exercice impossible ? Les observateurs s’accordent pour dire que oui. « Les critères d’évaluation sont variés et extrêmement difficiles à cerner, constate Janeck Deleckiewicz. De plus, les goûts évoluent et changent continuellement. » Quant au succès local ou planétaire d’un modèle, il tiendrait surtout du coup de chance note un designer. Reste que les Européens et les Asiatiques préféreraient les montres mécaniques au contraire des ressortissants des pays arabes qui penchent plus volontiers pour le quartz, paraît-il.

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