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L’esprit perdu des concours de chronométrie
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L’esprit perdu des concours de chronométrie

jeudi, 17 octobre 2019
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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5 min de lecture

L’édition 2019 du Concours international de chronométrie est un échec cuisant pour l’horlogerie suisse : sur cinq montres inscrites, une seule reste en lice après le premier test. La débandade des marques face à ce qu’elles apparentent à une menace pour leur image n’est pas à la gloire de l’industrie horlogère.

Une montre ! C’est tout ce qu’il reste en lice du cinquième Concours international de chronométrie (CIC), démarré le 30 août dernier. Après une rocambolesque phase préliminaire, il a donc été décidé que la cérémonie de proclamation des résultats, agendée au 16 décembre, n’aurait pas lieu ! A la place, par respect pour les laboratoires et les sponsors engagés, les organisateurs ont prévu une « célébration de la précision horlogère suisse ». Une bien triste édition, conséquence de la débandade des marques face à ce qui aurait dû être une fête et un moyen de « mettre en lumière le savoir-faire, la passion et la perfection à l’origine-même de l’histoire de l’horlogerie », selon le préambule de la première édition du CIC, en 2009. C’était sans compter la disparition de tout esprit de compétition dans le monde horloger, remplacé par l’orgueil, l’arrogance et la seule quête du profit. Las, le Musée d’horlogerie du Locle, fondateur du concours, songe sérieusement à jeter l’éponge. Définitivement.

Avec le critère du Swiss made, nous pensions satisfaire une grande partie des horlogers suisses. Mais cela n’a pas suffi.
Philippe Fischer

Les organisateurs avaient pourtant reçu des promesses et ressenti un élan d’enthousiasme. Après une année de pause en 2017, suite à une édition 2015 qui n’avait vu que sept marques concourir et Tissot rafler quatre des cinq prix attribués, les membres du comité et son président, Philippe Fischer, avaient bon espoir d’avoir enfin trouvé la formule qui convienne au plus grand nombre : les montres éligibles doivent être désormais labellisées Swiss made (elles pouvaient provenir de toute l’Europe jusqu’ici) et la proclamation des trois premiers de chaque catégories est remplacée par la publication d’une liste de finalistes, se partageant entre « mention excellent » et « mention exceptionnel ». Deux concessions supplémentaires faites aux marques. Et cela, après de nombreuses révisions de règlements, comme par exemple la création d’une catégorie « Anonyme » en 2013 ou la substitution de la liste des inscrits par une liste des nominés en 2015, soit les montres ayant réussi le premier test. « Avec le critère du Swiss made, nous pensions satisfaire une grande partie des horlogers suisses, lâche Philippe Fischer. Mais cela n’a pas suffi. Aujourd’hui, nous regrettons de l’avoir introduit. »

Promesses non tenues

A la place d’un afflux d’enregistrements, c’est à un véritable scénario catastrophe qu’ont assisté les organisateurs qui, certes, ne le méritaient pas. Alors qu’ils s’attendaient à la participation d’une dizaine, voire d’une quinzaine de marques, ce ne sont finalement que cinq montres qui ont été inscrites à fin avril, après un mois de prolongation du délai. Parmi celles-ci, une a été retirée avant son dépôt, une autre a été refusée parce qu’elle ne comportait pas d’aiguille des secondes. Une, encore, n’est jamais arrivée – du jamais vu, selon le président du comité d’organisation. Une, enfin, a échoué au premier test de chronométrie, échec qui l’empêche de faire partie de la liste des nominés. Quant à la dernière, elle concourt normalement, même si, d’un commun accord avec son fabricant, les organisateurs ont décidé de ne pas communiquer son nom. « Nous sommes très sérieusement déçus », confesse Philippe Fischer, dépité.

Philippe Fischer, président du comité d’organisation du Concours international de chronométrie.
Philippe Fischer, président du comité d’organisation du Concours international de chronométrie.

Même s’il avait démarré timidement en 2009 – avec seize pièces inscrites – sur un rythme biennal, le premier concours de chronométrie du XXIe siècle se voulait pourtant la réincarnation des fameux concours d’observatoires. Datant du XVIIIe siècles, ils ont fait date en tant que premiers contrôles et observations chronométriques concernent les chronomètres de marine. A Genève, des épreuves vouées au soutien de l’horlogerie sont organisées à l’observatoire dès 1848, à Neuchâtel dès 1860. Au début du XXe siècle, c’est l’époque des « bêtes de concours », ces mouvements amoureusement apprêtés par des régleurs attitrés, employés au sein des différentes Maisons prenant part à la compétition. Et il y en eut beaucoup : « De 1860 à 1985, ce ne sont pas moins de 46’198 dépôts qui ont été effectués à l’Observatoire de Neuchâtel, toutes catégories confondues (…) », écrit Charles Thomann dans « Les dignitaires de l’horlogerie » (Ed. Le Griffon, 1981). Les règles qui régissent ces tests s’affinent et s’harmonisent avec le temps, jusqu’à devenir la norme ISO 3159, toujours en vigueur et pilier technique du CIC.

Dans les bureaux de direction, on pense que le risque de dégâts d’image est beaucoup plus important que la chance de gagner en notoriété.
Philippe Fischer

Cet âge glorieux fait partie du passé. Plutôt qu’un soutien à l’horlogerie, ces épreuves sont aujourd’hui davantage considérées comme une menace. « Les techniciens et les ingénieurs auraient tous envie de participer, souligne Philippe Fischer. Mais dès qu’on monte dans les bureaux marketing et de la direction, on pense que le risque de dégâts d’image est beaucoup plus important que la chance de gagner en notoriété. » Une analyse qui vaut une sentence.

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