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L’horlogerie entre vents contraires et vents portants
Economie

L’horlogerie entre vents contraires et vents portants

vendredi, 4 mars 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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La tendance à la baisse des exportations horlogères suisses se poursuit alors que tombent, semaine après semaine, les résultats financiers des grands groupes du secteur. Or ceux-ci n’ont pas un profil susceptible d’alimenter la sinistrose ambiante.

Cette fois, les partisans du « tout-électronique » crient victoire. Selon Strategy Analytics, lors du dernier trimestre 2015, 8,1 millions de montres connectées ont trouvé preneur à travers la planète contre 7,9 millions de garde-temps d’origine suisse. Pour la période sous revue, le cabinet annonce ainsi une progression de 316 % de ce type d’artefacts, la palme revenant bien évidemment à Apple, qui aurait vendu 5,1 millions d’unités, suivi par Samsung et son 1,3 million de pièces. Dans cette avalanche de puces, note encore Strategy Analytics, un seul Helvète a osé lever son arbalète pour faire face à la grande pomme croqueuse d’horlogers : Jean-Claude Biver – qui d’autre ? – et sa TAG Heuer Connected. Et Neil Mawston, le sagace directeur général de cette enseigne intelligente, d’enfoncer le clou : « L’industrie horlogère suisse a planté sa tête dans le sable en espérant que les montres connectées disparaîtraient. » D’une logique implacable ! D’autant que les chiffres des exportations horlogères suisses pour janvier lui donnent entièrement raison pour afficher une baisse de 7,9 % par rapport à janvier 2015 et ce, après le recul de 3,3 % enregistré l’an dernier. La messe est donc dite et le veau d’or a pour nom « smartwatch ».

Le « produit le plus personnel » jamais créé par Apple n’est pas le relais de croissance tant attendu.

Si seulement le travail d’analyse était si simple… Le commentaire de Philippe Pegoraro, responsable du service économique de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, sur la question est d’ailleurs sans équivoque : « Le recul des exportations en 2015 peut s’expliquer par un contexte économique et social compliqué dont a souffert le monde du luxe d’une manière générale. » Compliqué en effet, n’en déplaise au manichéen Strategy Analytics, si l’on en juge des résultats d’Apple. Ou plutôt du manque de résultats. En fait, du manque de transparence quant aux résultats, pour être plus précis. Il est en effet intéressant de noter que le géant de Cupertino, d’habitude toujours prompt à se féliciter de ses « bons coups », ne communique pas sur les ventes précises de ses montres intelligentes. En sachant que la marque vend quelque 10 millions d’iPhone 6 toutes les fins de semaine, les 5 millions d’Apple Watch écoulées sur trois mois font pâle figure. Un petit détour par Internet suffit pour comprendre que le « produit le plus personnel » jamais créé par la multinationale n’est certainement pas le relais de croissance tant attendu tant les critiques pleuvent. Du moins dans l’attente de la nouvelle version déjà promise cette année.

Les investisseurs sanctionnent les horlogers suisses: sur une année de cotation à fin février 2016, les actions horlogères de la Bourse suisse accusent une contre-performance plus importante que celle du SMI, indice des valeurs vedettes de la cote. Les titres Richemont et Swatch Group sont en recul de respectivement 24,6% et 16,5% par rapport à un indice en baisse de 13,4%.
Mi-figue, mi-raisin

Un autre détour vaut la peine d’être pris. Celui qui passe par les finances des géants du secteur qui ont quasi tous communiqué sur la question ces dernières semaines. Quelques résultats. Si le chiffre d’affaires 2015 du groupe Swatch affiche un recul de 0,9 % à 8,5 milliards de francs suisses, il ressort en hausse de 10,3 % en euros. Un grand écart dû à la « situation catastrophique au niveau des taux de change ». Pour Richemont, les neuf premiers mois de son exercice en cours à fin décembre se sont soldés par des ventes en hausse de 11 % à 8,7 milliards d’euros, hausse qui se limite toutefois à 1 % à taux de change constant. En ce qui concerne les « autres marques » du pôle Luxe de Kering, comprenant notamment Boucheron, Girard-Perregaux, Pomellato et Ulysse Nardin, les ventes 2015 ressortent en progression de 20 % à 1,7 milliard d’euros. Quant à la division Montres et Joaillerie de LVMH, à laquelle appartiennent entre autres Bulgari, Chaumet, Hublot, TAG Heuer et Zenith, la hausse du chiffre d’affaires réalisé en 2015 est du même ordre, soit 18,9 % de croissance à 3,3 milliards d’euros.

Toutes les Maisons ne sont pas égales face à la crise.

On est loin de la bérézina que d’aucuns voient déjà laminer la profession. Certes, toutes les nouvelles ne sont de loin pas toutes réjouissantes. À commencer par la situation à Hong Kong, premier débouché pour les horlogers suisses où les exportations ont encore chuté de 33 % en janvier, après un recul de 23 % en 2015.

Le luxe français résiste mieux face à la crise: sur le marché français, les groupes du luxe LVMH et Kering ont vu tous deux leurs actions baisser de 11,5% sur un an à fin février alors que l’indice de la Bourse française, le CAC 40, s’en sort mieux avec un recul de -6,6%.

Plus proche de nous, l’annonce faite par Richemont d’une diminution de ses effectifs en Suisse, soit quelque 350 postes sur les 9 000 que compte la compagnie, dans le but d’« ajuster les capacités de production de certaines manufactures horlogères », a de quoi interpeller. L’entente qui vient d’être trouvée entre Richemont et la Chambre d’agriculture jurassienne concernant la construction d’une usine Cartier à Glovelier, projet synonyme de 200 créations d’emplois, tempère toutefois le premier coup de semonce. Même Corum, désormais en mains chinoises, relève la tête. La Maison que l’on croyait tombée au trente-sixième dessous n’est plus « sous perfusion », selon les termes de Davide Traxler, relayé par Le Temps. Pour certaines marques comme Audemars Piguet ou Bulgari, les temps seraient même des plus cléments. Loin de céder à une forme d’angélisme, vu les licenciements opérés par plusieurs acteurs de la branche et les difficultés rencontrées au sein de la sous-traitance, force est toutefois de constater que toutes les Maisons ne sont pas égales face à la crise. Une chose est sûre cependant, les smartwatches n’ont pas grand-chose à y voir.

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