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L’horlogerie est-elle prête à affronter les milléniaux ?
Economie

L’horlogerie est-elle prête à affronter les milléniaux ?

lundi, 26 février 2018
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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9 min de lecture

Nés sous l’ère du Web, les 15-35 ans, plus important groupe de consommateurs de l’histoire, ne pensent ni ne communiquent et ne consomment comme leurs aînés. Un véritable casse-tête pour les marques.

Ils sont déjà 2,3 milliards, soit 32 % de la population mondiale. Le cabinet de conseil Bain & Co prévoit même qu’à l’horizon 2025, lorsque les premiers entreront dans leurs années de fort pouvoir d’achat, ils représenteront 45 % du marché total du luxe – certainement le plus important groupe de « clients » de l’histoire. Encore faut-il savoir leur parler. Les séduire. Car ces « êtres » particuliers pensent et agissent comme nulle autre avant eux. Pour les comprendre, les marques – quelles qu’elles soient – doivent donc impérativement adapter leur approche marketing, tout comme leur communication au sens large, et apprendre leur langage. Un véritable changement de paradigme dans lequel l’industrie horlogère a pris beaucoup de retard – et c’est un euphémisme. « Aujourd’hui, la plupart des marques parlent à travers des canaux qu’elles connaissent peu, avec un langage qu’elles maîtrisent peu, lance Pascal Ravessoud, secrétaire général du Conseil culturel de la FHH. Dans l’horlogerie, les affaires ont été trop faciles pendant trop longtemps. » On comprend mieux pourquoi les patrons commencent à transpirer à l’évocation de ces étranges « individualistes-humanistes » : les milléniaux.

Mobiles et connectés dès leur naissance

Chaque génération possède ses particularités, issues de l’histoire ou de l’évolution sociale. Avec les milléniaux cependant, ce concept sociologique passe un cap : pour la première fois en effet une catégorie démographique se définit fondamentalement par une révolution technologique. Nés à l’aube de ce millénaire (entre 1980 et 2000 environ), ceux que l’on appelle également les « digital natives » ou la « génération Internet » baignent dans un monde mobile et connecté depuis leur premier jour. Une caractéristique qui n’a l’air de rien mais qui a profondément modifié leur rapport à l’espace, au temps ou encore à la consommation. Auteurs du livre La Génération Y et le luxe (Dunod, 2014), Éric Briones et Grégory Casper écrivent d’eux : « C’est la première génération mondialisée. »

Les milléniaux se caractérisent ainsi par un niveau d’éducation historiquement élevé.

S’il est évidemment difficile de brosser un portrait très net de cette jeune nation du Web, les nombreuses enquêtes marketing et études sociologiques menées ces dernières années ont mis en évidence quelques tendances lourdes : les milléniaux se caractérisent ainsi par un niveau d’éducation historiquement élevé comparativement aux générations précédentes. Des diplômes qui ne leur garantissent cependant plus l’accès automatique à l’emploi, comme ce fut le cas pour leurs baby-boomers de grands-parents. Une situation qui certes les fragilise financièrement au début de leur vie d’adulte, sans pour autant les retenir dans leurs envies d’expériences : Uber, Airbnb, Drivy ou encore BlaBlaCar sont quelques-unes des inventions créées par eux, pour eux.

Les armes de la défiance et de l’humour

Mais si elle est motivée par des contingences pécuniaires, cette culture du partage répond aussi à des préoccupations plus profondes. Ultra et omni-connectés, donc bien informés même s’ils ne consomment plus les médias traditionnels, les 15-35 ans sont parfaitement conscients des enjeux qui attendent la planète, trop longtemps éludés par leurs parents : réchauffement climatique, abandon du nucléaire, vieillissement de la population ou épuisement des ressources naturelles – pour ne mentionner que quelques exemples. Autant de difficultés qui les préoccupent et les poussent à remettre en cause le monde dont ils sont les héritiers. En découle un esprit de méfiance, voire de défiance, à l’égard de leurs aînés aussi bien dans la société que dans l’entreprise. « Une posture de hackeur », résument Éric Briones et Grégory Casper.

Et pour parer à la morosité ambiante, les milléniaux ont développé un véritable culte de l’humour. Ironique et irrévérencieux, il attaque tous les domaines de la vie et bouscule l’establishment. Un sens de la dérision qu’ils appliquent aussi bien à eux-mêmes qu’aux discours politiques, par exemple. Ou aux marques : bombardés de publicités depuis leur plus tendre enfance, ils ont appris à porter un regard particulièrement acéré sur les messages marketing. Toute information est dûment vérifiée et sévèrement sanctionnée sur les réseaux sociaux en cas de mensonge éhonté. Des espaces virtuels qui mélangent d’ailleurs joyeusement consommation et relations sociales : les achats sont partagés pour susciter réactions, commentaires et critiques. Une manière d’interagir avec sa communauté mais également de s’approprier les produits, à la recherche d’authenticité.

Dans le cas de l’horlogerie, beaucoup se tournent alors vers le vintage.

Car même si on les dit peu matérialistes, les milléniaux aiment les marques. C’est leur manière de consommer qui diffère : vivant dans l’immédiateté, ils ne sont plus disposés à économiser des années pour un achat ; plus lucides, ils refusent de payer cher pour un simple objet de prestige. Dans le cas de l’horlogerie, beaucoup se tournent alors vers le vintage : « Dans un monde où tout se jette après six mois, les nouvelles générations ont développé un certain goût pour l’artisanat, le romantisme, le mystère, analyse Aurel Bacs, star des ventes aux enchères chez Philips. Elles recherchent l’aventure, l’inconnu mais également un contenu, un message. C’est un peu une contre-culture, qui rejette la perfection froide et anonyme des pièces contemporaines, présentes en abondance sur le marché. »

L’ère du « social commerce »

Dans ce contexte, réinitialiser sa communication – et accessoirement adapter ses produits – apparaît comme une évidence pour le secteur du luxe. Car là où les baby-boomers accordaient une grande place au travail, au statut social et aux biens matériels, les milléniaux préfèrent aujourd’hui l’immédiateté, l’expérience et le partage – des valeurs intrinsèques au monde digital dans lequel ils vivent depuis toujours. Pour le secteur horloger, la question ne consiste plus à savoir s’il faut vendre sur Internet ou en boutique, apparaître sur Instagram ou dans un magazine, opposer la montre mécanique à la smartwatch. Elle est de séduire, de créer une connivence, de susciter l’adhésion.

Pour y parvenir, il ne suffit cependant pas d’utiliser d’anciens messages sur de nouveaux supports. Si la présence sur le Web est évidemment importante, elle apparaît plus comme un prérequis, une manière d’établir un échange pour partager des idées, des valeurs, une philosophie. « Les marques doivent devenir des médias, publier du contenu intelligent, insiste David Sadigh, fondateur et CEO de Digital Luxury Group. Nous sommes rentrés dans le dur, dans l’ère du « social commerce » : profiter des discussions sur les réseaux sociaux pour générer des ventes. » En guise de vade-mecum pour éveiller l’intérêt du millénial, le leader mondial des études consommateurs Nielsen résume la marche à suivre sous forme d’une pyramide de Maslow (de bas en haut) : « Être accessible », « Retenir leur attention », « Leur ressembler », « Être crédible », « Les faire participer », « Enrichir leur vie sociale » et « Rendre le monde meilleur avec eux ».

Dans l’horlogerie, les premiers pas sont timides. Nombreux sont encore les patrons à croire qu’il suffit de « balancer » sur Internet les images de leurs dernières soirées VIP pour soulever les passions. Bien plus complexe, la démarche expose les marques aux commentaires, à la critique, à la dérision. Aux bides aussi. Sont-elles seulement prêtes à cela ?

Portrait-robot du millénial

GÉNÉRATION Regroupant les générations Y et Z, les milléniaux sont aujourd’hui 2,3 milliards, soit 32 % de la population mondiale. D’ici à 2025, ils pourraient constituer la moitié de l’humanité.

CONNECTÉS La principale caractéristique des milléniaux est leur ultra- et omni-connectivité et ce, depuis leur tendre enfance. C’est la première fois qu’une composante technologique définit un groupe démographique.

ÉDUQUÉS Leur niveau de qualification est historiquement élevé, en comparaison aux générations précédentes. Internet est pour eux une terrasse sur le monde qui leur fait préférer l’immédiateté, l’expérience et le partage à toute autre valeur.

PRÉOCCUPÉS Le monde dont ils ont hérité n’est pas viable : réchauffement climatique, vieillissement de la population ou épuisement des ressources naturelles sont quelques-uns des défis qui les attendent. Une situation les qui pousse à remettre fondamentalement en cause les anciens modèles.

IRONIQUES Les milléniaux ont développé un véritable culte de l’humour. Celui-ci leur permet de bousculer les voix dominantes et de railler l’ordre établi. Une démarche qui fait appel à la connivence. Partagée sur les réseaux sociaux, elle peut devenir une redoutable arme de dérision massive.

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